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En quête des souvenirs perdus

15 octobre 2012

Une nouvelle méthode de traitement, venue tout droit des Pays-Bas, va être mise en place à la maison de retraite Sainte-Agnès de Neudorf : le traitement « Snoezelen »*. Une première pour Strasbourg qui offre de nouvelles possibilités pour les résidents atteints de démence ou d’Alzheimer.

 

C'est une petite pièce confinée, aux odeurs d'huiles essentielles, emplie de couleurs changeantes et de motifs mouvants projetés sur les murs. Un énorme matelas à eau ondule sous un ciel étoilé. Le clapotis des vagues se mêle aux accords de Mozart. Des lampes aquatiques phosphorescentes captivent le regard un instant, avant qu'il ne soit attiré par des rideaux de lumière en cascade. La nouvelle salle de la maison de retraite Sainte-Agnès bouscule les sens. C'est le but de la méthode Snoezelen, une pratique alternative, qui vise à stimuler les patients à partir d'expériences sensorielles.

Un peu à la manière de la madeleine de Proust, les sens stimulés touchent ensuite la mémoire. Un moyen pour retarder la perte irréversible des fonctions mentales.

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Le concept est simple, mais encore peu connu en France et en Europe de manière générale – contrairement à l'Allemagne qui dispose de près de 1200 espaces Snoezelen. Inventée dans les années 70 par deux chercheurs hollandais, la méthode est adaptée à plusieurs maladies, dont les pathologies neuro-dégénératives.

« Chez une personne désorientée, il y a déjà une perte de contrôle de soi, explique Gaëlle Crema, la psychologue en gériatrie chargée de la formation. Le principe, c'est de continuer dans cette direction naturelle, mais en l'encadrant. C'est une approche humaine forte qui peut permettre de réaliser des choses magnifiques avec les résidents».

Ces « choses magnifiques », ce sont avant tout les souvenirs, les moments de lucidité ou de prise de conscience provoqués par Snoezelen chez les personnes atteintes d'Alzheimer ou de démence.

Des séances de dix minutes à une heure

Les 84 résidents de la maison pourront goûter à cette expérience sous forme de séances allant de dix minutes à une heure dès fin octobre. Ils seront accompagnés d'un aide-soignant, d'un psychologue ou d'un animateur spécialement formés. Avant chaque séance, la salle devra être préparée individuellement pour le résident. La recette peut sembler surprenante au départ : il n'y en a aucune.

La démarche est différente, puisqu'il s'agit de sortir du cadre classique « médecin-patient », des fiches techniques et de l'organisation figée d'une rencontre médicale. « Ce qui compte ici, c'est le lien, la relation de confiance. Une personne démente fonctionne beaucoup par le paraverbal, les intonations de la voix, et le non-verbal, comme le langage corporel. En général, il suffit de dix secondes pour amorcer le lien qui nous suivra pendant toutes les séances », précise Gaëlle Crema.

Pour ce lien, « plus important qu'un savoir-faire avec des techniques formatées », deux éléments importants : l'observation et l'écoute. Si le patient se dirige vers les fibres optiques et qu'il se met à les prendre en bouche, le mieux est d'en faire de même. S'il sourit, sourire.

Une méthode déjà mise en place à l'hôpital psychiatrique de Brumath

L'accompagnateur doit décrypter ce qui se passe chez son patient et miser sur l'empathie. Selon Anne Lemoine, la coordinatrice des infirmières, « la salle autour, les outils à disposition ne sont que des médiateurs, des vecteurs de communication, ce qui compte, c'est d'être au plus proche du résident ».

Rien que le fait de ne plus avoir les deux pieds posés sur le sol peut déconcerter un patient atteint de démence. Le fauteuil vibrant et sa fonction à bascule sont donc à manier avec précaution. « La méthode Snoezelen, renchérit la formatrice Gaëlle Crema, se veut un appui individualisé pour ces malades : de séance en séance, on les accompagne pour atténuer leur peur, sans forcer ».

Cette méthode singulière est déjà mise en place en Alsace, à l'hôpital psychiatrique de Brumath. A Strasbourg, Sainte-Agnès est la première maison de retraite à se lancer.

Francis Salmon, directeur de la maison de retraite de Sainte-Agnès, explique comment il a choisi la méthode Snoezelen:

Si innovante soit-elle, ses résultats restent encore très flous. Et pour cause, il n'existe aucune obligation d'objectifs à atteindre, aucune performance scientifique à réaliser. Pour Francis Salmon, l'important ici est avant tout « la recherche d'un apaisement ».

* Son appellation, « Snoezelen » , est un néologisme néerlandais fondé sur la contraction de « snuffelen » (flairer, explorer) et « doezelen » (sommnoler).

 

Lara Charmeil et Antoine Izambard

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