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Beaucoup d’églises évangéliques, peu d’habitants. Cela pourrait être le slogan de la Plaine des Bouchers. À elle seule, elle concentre un tiers des lieux de culte strasbourgeois appartenant à ce courant. La raison de cette concentration : les Eglises s’y sentent à l’aise. 

Sur scène, quatre chanteurs, un guitariste, un batteur et un pianiste. Dans l’assistance, plus de 600  personnes dansent et chantent en chœur. Ce n’est pas un concert de rock mais bien la messe dominicale de l'Église de Pentecôte internationale de Strasbourg (Epis), implantée à la Meinau depuis 1990. Située rue des Frères-Eberts, elle a des airs de hangar désaffecté. Mais tous les dimanches, son culte attire tellement de fidèles que les bénévoles doivent faire la circulation. 

À Strasbourg, on compte 16  églises évangéliques, dont cinq sur la seule Plaine des Bouchers. Cela équivaut à une église pour 373 habitants, contre une pour 18 161 habitants sur l’ensemble de la ville. Il paraît surprenant qu’un quartier constitué d’industries concentre autant de lieux de cultes qui, pour la plupart, appartiennent au courant pentecôtiste. 

"Il n’y avait aucune salle qui pouvait nous accueillir sur Strasbourg"

     

"Est-ce que vous êtes avec moi ce matin ?", s'écrit la choriste qui mène les louanges. Sourire aux lèvres, elle exhorte les fidèles à "acclamer Dieu" © Hady Minthé 

C’est le moment du recueillement. Tête baissée, yeux fermés, les fidèles prennent part à la prière. Seule source d’agitation : le pasteur Jérôme Kantelberg, qui sillonne les rangs avec un compteur manuel. "Aujourd’hui, avec les enfants, on est 640" confiera-t-il à la fin du culte. "Il n’y avait aucune salle qui pouvait nous accueillir sur Strasbourg, raconte Matthieu Thomann, pasteur principal à l’Epis. Et puis, un jour, on est tombés sur cette ancienne imprimerie, on est devenus propriétaires." 

Les autres églises de la zone ont rencontré les mêmes contraintes. "C’était très compliqué de trouver des locaux assez grands pour le culte," déplore Sebastiao Ntela, pasteur du Ministère International de l'Évangélisation et de la Louange à Dieu (Miel). Implantée rue de l’Ardèche depuis 2012, Miel se fond dans le décor : comme les autres églises de la Plaine des Bouchers, elle ressemble à une entreprise quelconque. Parfois, elle organise des concerts de gospel.

"Il nous faut un endroit où il n’y a pas de voisins directs"

L'évangélisme pentecôtiste se caractérise par des offices où l’on chante beaucoup, où les fidèles sont comme en transe. "Il nous faut un endroit où il n’y a pas de voisins directs", explique Sebastiao Ntela. L’Impact centre chrétien (ICC) organise parfois des veillées où se mélangent tables rondes et prières. Depuis le trottoir, les chants religieux se confondent aux basses du Studio Saglio, la boîte de nuit voisine. "On ne pourrait pas faire ça dans un logement en centre-ville", estime le pasteur Jérôme Kantelberg. 

[ Plein écran ]

La façade de l'Epis cache un fourmillement constant : 150  bénévoles se mobilisent chaque semaine pour offrir une trentaine de services aux fidèles. © Garance Cailliet. 

L’autre avantage de la Plaine des Bouchers : son accessibilité. Le quartier est desservi par plusieurs bus, et par les trams A et E. Pour les automobilistes, l’autoroute A35 est toute proche. "Avec le renouvellement urbain, on nous a proposé de changer d’emplacement. Mais on est toujours restés ici, nous sommes très bien placés", avance Siegfried Schelské, pasteur de Porte ouverte chrétienne (POC), située près du lycée Couffignal.

Des fidèles qui viennent de loin 

Influence des églises évangéliques en fonction de leur nombre moyen de fidèles (chiffres transmis par les pasteurs).

* Les membres de cette église n'ont pas souhaité répondre à nos sollicitations
 

Selon les équipes pastorales, les fidèles sont issus du centre de Strasbourg, des communes alentour mais aussi, de bien plus loin. "On a des personnes qui font 50 km pour venir. Ils viennent de Colmar, de Haguenau …", indique Siegfried Schelské. "Quand les fidèles trouvent une église qui leur correspond, ils n’ont pas peur de faire du chemin", précise Jérôme Kantelberg. C’est une particularité de l’évangélisme selon Frédéric Rognon, professeur à la faculté de théologie protestante de Strasbourg : les fidèles ne vont pas à l’église du coin mais ils en essayent plusieurs, jusqu’à trouver celle qui leur plaît. Pour Stéphane, 30 ans, l’Epis est la plus convaincante  :  "C’est un ami qui m’a invité en 2017. Je suis resté car on y trouve beaucoup de cultures."

Les non-francophones se reconnaissent de loin. Ils sont quelques dizaines à arborer des casques audio. Dans leurs oreilles résonne la traduction anglaise, allemande ou arménienne du culte. Les trois traducteurs sont isolés dans des cabines situées au fond de la salle. L’équipe pastorale de l’Epis a recensé plus de 60 nationalités parmi ses fidèles. Ce mélange de cultures en plein cœur de la Plaine des Bouchers, "c’est une richesse, analyse Sebastiao Ntela. Il ne faut pas trouver bizarre le fait qu’il y ait autant d’églises dans ce quartier".

Garance Cailliet et Hady Minthé

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