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Depuis 2017, la pasteure d’origine allemande Ulrike Richard-Molard est à la tête de l’église protestante de la Meinau. Derrière l’image froide qu’elle renvoie se cache une ecclésiastique extrêmement active, prête à défendre les causes qui lui tiennent à cœur. 

Quatre enfants répètent Les aventures de Joseph le rêveur ! sur l'estrade de l’église protestante de la Meinau. La croix qui surplombe la salle a disparu derrière une toile figurant des collines verdoyantes et des maisons colorées. Dans le rôle principal, une petite fille prétend ignorer ses camarades qui la pointent du doigt. Elle tient une corbeille remplie de fruits imaginaires. "Regardez ce panier plein de fraises ! Ça se fait pas, j'en veux aussi !", s'exclament les petits comédiens. Ce soir, ils joueront devant leurs parents et les curieux du quartier. La pression monte. C’est la fin de trois jours de stage animés par la pasteure Ulrike Richard-Molard.

"Nous avons perdu notre fibre missionnaire"

Assise dans la cuisine du presbytère, une tasse de thé vert à la main, Ulrike se confie. "Je pense que dans quelques années, nous n'existerons plus dans le quartier. Nous avons perdu notre fibre missionnaire." Elle cherche ses mots, un peu laconique. 

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Chaque dimanche, Ulrike anime un groupe de louange avec les volontaires du quartier. La chorale chante notamment du gospel. © Emma Fleter

© Athénaïs Cornette de Saint Cyr et Emma Fleter

Le panneau d'affichage, avenue Christian-Pfister, est couvert d’annonces qui se terminent toutes par le numéro d’Ulrike : "Préparation du voyage en Tunisie en avril 2024", "Tranches de Bible, les femmes du Nouveau Testament. Bienvenue à tous et à toutes !". Des événements dont elle ne fait pas mention. 

Avec une trentaine de fidèles présents au culte, une chorale composée de trois personnes, et une baisse de la participation aux activités, Ulrike dresse un bien sombre portrait de sa paroisse, où elle officie depuis six ans. L’idée d’une église vide semble obséder celle qui est aussi femme de pasteur. Est-ce son léger accent germanique et son élocution confuse qui lui donnent un air désabusé ? Ou bien, à quelques années de la retraite, aurait-elle perdu la flamme des premiers jours ?

Une pasteure engagée sur plusieurs fronts

Dans la bouche de ses proches, une autre Ulrike se révèle. En formation depuis septembre auprès de la pasteure, Beatriz témoigne. "C’est vraiment une personne très ouverte et curieuse. Il lui arrive souvent de louer l’église. Un jour, on organisait au foyer une soirée crêpes avec les adolescents du catéchisme, tandis qu’une communauté d’hindous célébrait son culte dans la paroisse. Très spontanément, Ulrike a décidé d’y faire chanter les jeunes. C’est alors que j’ai assisté à une scène magnifique. Des personnes de confessions différentes exprimaient ensemble leur foi en musique."

Claude Hecker, président de l’association interreligieuse L’Oasis de la rencontre, en parle en des termes similaires. "Lorsqu’elle est arrivée à la Meinau en 2017, Ulrike a fait le choix de poursuivre le travail de son prédécesseur au sein de l’association. Elle s’est tout de suite impliquée avec énergie."

Le 16 novembre, à l’occasion de la 28e semaine des rencontres islamo-chrétiennes, L’Oasis a organisé un repas sous le signe de l’hospitalité. Une trentaine de croyants se sont réunis à la mosquée de la Fraternité autour d'un buffet généreusement garni. Alors que les assiettes se vidaient, Ulrike s’est levée pour prendre la parole. Elle souhaiterait que les représentants des cultes s’investissent davantage dans le quartier. Peut-être en organisant un stand commun au marché place de l’Île-de-France.

Derrière son carré sage, ses lunettes aux verres épais, et ses manières un peu dures, on ne devinerait pas que Madame la Pasteure est engagée dans la cause LGBTQIA+. "Ulrike a participé à fonder un groupe paroissial pro-LGBTQIA+ en 2013, l'Antenne inclusive. Elle s'est longtemps occupée des prières lors des chapelles arc-en-ciel et continue d’intervenir dans les diverses conférences à ce sujet", s’enthousiasme Juliette, bénévole. Une fois encore, l’écclesiastique est restée discrète sur son action. De ses engagements, elle ne s’attribue aucun mérite. 

Athénaïs Cornette de Saint Cyr et Emma Fleter

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Dans le jardin interreligieux de la Meinau, des fresques bibliques côtoient des statues musulmanes. © Yves Poulain

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