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Entre stationnements sauvages, circulation dense et bandes non-réglementaires, les cyclistes peinent à trouver leur place sur l’avenue de Colmar. Malgré un projet de réaménagement en 2025, des inquiétudes subsistent quant à leur sécurité.

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Une cycliste s'apprête à affronter l'épreuve du croisement à l'angle de l'avenue de Colmar et de la rue des Frères Eberts. © Léa Oudoire

Le tram bondé s’apprête à quitter la station Émile-Mathis. Caché par la rame, Pascal retire l’antivol de sa monture accrochée aux rambardes métalliques. Ce mercredi après-midi sur l’avenue de Colmar, les moteurs vrombissent et la plupart des voitures dépassent nettement la limitation des 50 km/h. "Le problème, c’est les stationnements en double file et les camions qui mordent la ligne", avertit le cycliste en haussant la voix pour couvrir le bruit du trafic.

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La pagaille au croisement avenue de Colmar, rue du Languedoc et rue du Rhône. © Léa Oudoire

 

À 300 mètres de là, huit ans plus tôt, une cycliste s’est légèrement déportée pour éviter une camionnette mal stationnée. Au même moment, un camion benne a empiété sur la bande cyclable. La jeune femme de 25 ans a été happée sous les roues du poids lourd. Elle est décédée des suites de l’accident.

Avec plus de 19 000 voitures par jour en 2023 selon les chiffres de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS), l’avenue de Colmar est particulièrement anxiogène pour les cyclistes. Première épreuve : circuler sur des bandes cyclables qui ne respectent pas les normes.

Selon le ministère de la Transition écologique et conformément aux recommandations du Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, la mobilité et l’aménagement), la largeur minimale d’une bande est de 1,5 mètre hors marquage. Un espace tampon de 0,5 mètre doit être prévu en cas de stationnement.

"J’ai compté 0,85 mètre de largeur", alerte Florian, jeune diplômé en urbanisme et détenteur du compte J’trace à Stras cumulant plus de 1 600 abonnés sur X (anciennement Twitter). Justement, sur l'avenue de Colmar, les places de parking jouxtent les voies cyclables. "Avec toutes les voitures garées, c'est tellement étroit que si l'une d'entre elles ouvre une portière, c'est dangereux", souligne Étienne, habitant du quartier Villas, son casque vissé sur la tête.

Des freins à l’usage du vélo

Moniteur à l’auto-école Class’Conduite implantée dans le quartier, Thierry n'emmène plus ses élèves sur cette artère pour des raisons sécuritaires. "C’est plus une avenue de formule 1 qu’autre chose !", lance-t-il. Les comportements risqués impactent tous les types d’usagers.

"Puisque la bande cyclable est dangereuse, les vélos se déportent sur le trottoir et là, ça devient gênant pour les piétons, surtout avec une poussette", regrette Agathe, une riveraine qui a l’habitude de promener sa fille dans le quartier.

"C’est une certitude, je ne roule pas avec des enfants sur l’avenue de Colmar. Les familles choisissent systématiquement de faire un détour", témoigne Somhack Limphakdy de l’association Strasbourg à vélo.

"Mes amis qui habitent à la Krutenau et qui veulent se rendre à Illkirch prennent le tram. Ils aimeraient venir à vélo mais c’est trop dangereux", renchérit Florian, alias J’trace à Stras. 

Pour réduire l'exposition des cyclistes, la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg mènent un projet de réaménagement. Inscrit dans le plan vélo 2022-2026, il prévoit de sécuriser les itinéraires cyclables des grands axes sud de Strasbourg, dont l’avenue de Colmar.

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En plus des voitures et des trams, les cyclistes doivent rester vigilants aux passages piétons. © Élodie Niclass

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Comparaison des équipements de l'avenue de Colmar côté est, avant et après les travaux de 2025. © Élodie Niclass

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Avenue de Colmar, voitures et camions flirtent dangereusement avec la bande cyclable. © Élodie Niclass

Prévus en 2025, les travaux doivent permettre de créer une piste bidirectionnelle de 3 à 3,5 mètres de largeur côté est en supprimant l’une des voies de circulation. La bande unidirectionnelle en direction d'Illkirch sera conservée. Avec une enveloppe de 5,7 millions d’euros de l’EMS et 520 000 euros de la Ville dédiée aux travaux de l’avenue de Colmar à la route de l'Hôpital, l'objectif affiché est de réduire le trafic, la vitesse des voitures et de favoriser les déplacements à vélo.

Des aménagements qui interrogent

Le projet est plutôt bien accueilli par les usagers. Pourtant le fait que les vélos se croisent sur la piste bidirectionnelle interroge. "Je ne suis pas trop pour les zones de contact, je trouve que c'est accidentogène", confie Nicolas, facteur à bicyclette depuis plus de quinze ans.

"La bidirectionnelle, c’est chouette, mais si elle n’existe que d’un côté, c’est pas forcément pratique. Il y a un véritable enjeu de traversée", précise Somhack Limphakdy.

Pour prévenir les conflits entre usagers aux carrefours, l’association Strasbourg à vélo réclame deux pistes unidirectionnelles, une dans chaque sens de circulation. "L’objectif n’est pas de punir les automobilistes mais de permettre aux personnes les plus exposées de pouvoir traverser un carrefour en toute sécurité", complète Ronald Baillot, un autre membre du collectif.

La suppression totale des places de parking côté est pose aussi question. "Il risque d’y avoir des véhicules qui se garent sur la piste", s’inquiète le détenteur du compte J’trace à Stras. Le danger serait de passer à côté de l’objectif visé. "Il faut vraiment, à mon sens, favoriser les usagers les plus exposés. La vie importe plus que nos contraintes respectives", avance Ronald Baillot.

Élodie Niclass et Léa Oudoire

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