Vous êtes ici

Paroissiens et réfugiés main dans la main

05 octobre 2016

Depuis un an, la paroisse de la Sainte-Famille à Schiltigheim a mis en place un système d'accompagnement pour les chrétiens d'Irak réfugiés dans la région. 120 d'entre eux sont parrainés par une douzaine de familles, qui les aident au quotidien. Témoignage de deux bénévoles.

« Il manque encore deux chaises. » Autour du curé Yannick Lobstein et de Jean-Luc Brachet, qui coordonne l'accueil des chrétiens d'Irak à Schiltigheim, une douzaine de personnes sont réunies au presbytère de la Sainte-Famille mercredi 28 septembre. Toutes se sont portées volontaires pour devenir « parrains » ou « marraines » de réfugiés. Leur mission : faciliter l'intégration des nouveaux arrivés. Ce soir, ils se retrouvent un an après le lancement du programme, pour faire le point.

La réunion débute par une prière collective : «Fais de ton Eglise une Eglise sans frontières aux portes ouvertes pour chaque personne en quête de vie.» Les douze bénévoles expliquent ensuite leur parcours d'accompagnement. Sur les douze familles parrainées, huit le sont depuis octobre dernier et quatre depuis mai. En tout, 120 chrétiens d'Irak sont inclus dans le dispositif. Différentes thématiques sont abordées : logement, travail, apprentissage du français, tracas administratifs... Après un an, tous les réfugiés ont trouvé un toit. Grâce au réseau des paroissiens, une douzaine d'Irakiens ont obtenu un CDD de manutentionnaires dans une librairie pendant l'été. Mieux, un des réfugiés a décroché un CDI comme second de cuisine.

De nombreux parrains trouvent cependant que l'intégration commence à patiner. Les cours de langue à l'université sont bondés, la recherche de travail laborieuse. Les Irakiens étaient ingénieurs ou restaurateurs dans leur pays. Enchaîner des petits boulots en France n'est pas forcément facile à accepter. Les démarches administratives sont parfois absurdes. Pour obtenir des bourses scolaires, les familles doivent par exemple présenter un certificat de revenus pour l'année 2014. Le prêtre ironise : « Ils vont devoir retourner à Mossoul pour les récupérer». Certains propriétaires sont réticents à louer à des réfugiés, même quand les parrains se portent caution.

Deux accompagnateurs racontent leur expérience.

Les raisons de l'engagement

Paroissien actif depuis plus de 18 ans, Gérard parraine Habib, sa femme, ainsi que leur fils Rivan et sa femme, Hatar. L'année dernière, quand le prêtre lui a parlé de l'arrivée de chrétiens d'Irak à Schiltigheim, Gérard n'a pas tellement hésité, touché par la large médiatisation du calvaire des chrétiens à Mossoul. Dans la tradition du christianisme social, il ne met pas les « bondieuseries » et la foi au centre de son engagement mais plutôt la nécessité de faire face à la détresse humaine.

Directrice de crèche, Catherine vit à Reichstett. Touchée par la situation des réfugiés, elle a pensé accueillir des migrants chez elle, avant de s’engager dans l’opération de parrainage de chrétiens d’Irak. En mai, elle et son mari rencontraient enfin leur famille : un couple de quadragénaires, Namir et Nacera, un garçon de 8 ans et une fille de 9 ans.

 

Le rôle du parrain

S'il regrette de ne pas avoir assez de temps à consacrer à ses "amis irakiens", comme il les appelle, Gérard les voit régulièrement, passant chez eux à l'improviste à la sortie du travail. Ils communiquent aussi par mail pour les problèmes administratifs et la recherche d'emploi. Grâce à lui, Rivan, le fils, a trouvé un stage. Pour le logement, il n'a pas eu à intervenir, la famille s'est débrouillée avec ses contacts au sein de la diaspora irakienne de Strasbourg.

La famille étant arrivée en France depuis plusieurs mois, Catherine et son mari n’ont pas connu les problèmes du début. Toutefois, à travers des visites tous les quinze jours, ils sont présents pour l'assister dans les démarches administratives. Grâce au parrainage, Catherine espère aussi les faire progresser en français. Namir parle déjà bien, ses enfants sont intégrés dans leur école et suivent un cursus scolaire normal. Seule Nacera éprouve encore des difficultés.

 

Les difficultés rencontrées

Encore traumatisée par la violence qu'elle a vécu dans la banlieue de Mossoul, la famille que parraine Gérard garde une rancoeur envers les musulmans. Gérard essaie d'apaiser cette haine mais, selon lui, cela prendra du temps.

Comme petits soucis de la vie quotidienne, il évoque pêle-mêle les propriétaires peu scrupuleux avec les réfugiés, l'intégration professionnelle difficile, et la vision incertaine de l'avenir.

Si l’appartement dans lequel vivent les quatre membres de la famille est dans un état convenable, ceux-ci dorment tous dans la même pièce. Malgré les démarches de Catherine à la mairie de Reichstett, ils n’ont pas pu trouver un meilleur logement. Les appartements qu’on leur propose se situent souvent dans des quartiers populaires où vivent des musulmans. Un élément rédhibitoire pour Namir et Nacera qui font le lien avec leurs persécuteurs en Irak. Le fait qu’ils soient sans emploi ne facilite pas les choses. C’est d’ailleurs une des plus grandes inquiétudes de Catherine. Namir a obtenu un travail saisonnier pendant l’été mais a décidé de retourner à l’université.

 

Les relations nouées

Quand Hatar a eu son premier enfant, né à Strasbourg, Gérard était convié au baptême comme un membre de la famille. Lui préfère se définir comme un ami. Il n'aime pas le terme parrainage qu'il juge infantilisant. Sur le plan religieux, il est impressionné par la foi des chrétiens d'Irak qui ont préféré l'exil à la conversion à l'islam, lorsque l’organisation État islamique leur a imposé de choisir.

 

Barbecue, repas de famille ou match de foot : Catherine et son mari retrouvent régulièrement Namir, Nacera et leurs enfants. Ils ont aussi eu l’occasion de discuter par internet avec des membres de la famille restés en Irak. La foi leur permet également de se rapprocher. Malgré des différences culturelles, la religion est un objet de discussion régulier.

 

L'indifférence et le climat social tendu

« Occupez vous de nos pauvres! » Gérard est régulièrement blessé par les remarques qu'il entend parfois. Au mieux, les gens sont indifférents, même au sein de sa paroisse. Un sentiment auquel est aussi exposée Catherine, qui aime pourtant parler de son expérience. Gérard, fils de Malgré-Nous, se désole de ces attitudes, dans une région qui a connu l'occupation allemande, l'exil et la guerre. 

Benoit Collet, Alexis Boisselier

Imprimer la page