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Vers une centralisation des données des ressortissants étrangers en Europe


14 mars 2019

Améliorer la sécurité dans l’espace Schengen, c’est l’objectif du nouveau système d’échange de données adopté par les députés européens mercredi 13 mars. Il centralisera les casiers judiciaires des ressortissants de pays tiers.

Au Parlement européen, la sécurité de l’espace Schengen figure en tête des préoccupations. L’Union européenne veut renforcer la coopération policière et judiciaire entre les Etats membres. Les eurodéputés viennent d'adopter deux législations allant dans ce sens. La première concerne les casiers judiciaires, la seconde les visas.

Combler une faille de sécurité

Les Etats européens devront désormais mettre en commun leurs informations sur les ressortissants de pays tiers (RPT) ayant déjà fait l’objet d’une condamnation. Parmi ces informations : l’empreinte digitale, le nom, l’adresse et l’image faciale des personnes concernées. Le but : faciliter le travail d’Europol et des polices nationales, notamment dans leur lutte contre le terrorisme.

La commissaire européenne à la justice, Vera Jourova, insite sur l’importance de cette nouvelle plateforme : « A la suite des attentats de Paris en 2015, des efforts ont été déployés pour combler les lacunes du système. Les autorités auront un meilleur accès aux antécédents des ressortissants de pays tiers ». Jusqu’ici, il était difficile pour les polices nationales d’avoir accès aux informations sur les ressortissants étrangers. Elles devaient déposer une demande formelle auprès de chaque Etat pour les obtenir. « Le système ECRIS est déjà mis en vigueur pour les ressortissants de l’Union européenne et là, il faut l’étendre aux ressortissants des pays tiers », explique l’eurodéputé grec Notis Marias (ECR, souverainistes).

Le nouveau système d’échanges de données est doté d'un budget de 13,3 millions d’euros. © Aïcha Debouza 

Les Etats membres ont donc accepté dans un premier temps de mettre en commun les informations qu’ils possèdent sur les ressortissants extracommunautaires, au sein d'une plateforme baptisée ECRIS-TCN. La Commission souhaite à l'avenir étendre la centralisation des données aux citoyens de l’Union européenne. Pour ces derniers, le système actuel favorise la transmission automatique des informations d’un pays à l’autre. Mais il n'existe pas encore de plateforme commune au niveau européen. Pour l’instant, l’idée est rejetée par les Etats membres, qui tiennent à garder la mainmise sur la gestion des casiers judiciaires de leurs ressortissants.

Vers une harmonisation européenne

Mercredi 13 mars, le Parlement a également voté la réforme d’un autre dispositif de coopération en matière de sécurité : le Système européen d'identification des visas (SIV). Ce système permet l’échange d’informations entre les Etats membres sur les visas attribués dans l’espace Schengen. Il cherche à identifier les voyageurs qui pourraient représenter une menace pour la sécurité. « Avec le nouveau SIV, on va faciliter l’émission de visas, éviter le visa shopping, la fraude de visa et l’immigration illégale », déclare le rapporteur portugais Carlos Coelho (PPE, chrétiens démocrates).

Ces deux nouveaux projets s’inscrivent dans une dynamique de partage d’informations de plus en plus forte entre les Etats membres. Une multitude de fichiers existent déjà pour assurer la coopération policière : le SIS pour les personnes recherchées, Eurodac pour les demandeurs d’asile, le fichier de police européen d’Europol…

Un système doublement controversé

Ce partage croissant d'informations personnelles à l'échelle européenne ne fait pas l’unanimité. L’eurodéputé letton Anderjs Mamikins (S&D, sociaux démocrates) s’interroge sur le traitement de ces données par des entreprises extra-européennes : « La combinaison de ce système avec les autres représente un risque de transfert de données illicites et de fuite de données (…) Nous exposons des données sensibles à des risques colossaux ».

Le nouveau système d’échange d’informations sur les ressortissants des pays tiers suscite aussi la controverse parce qu’il est jugé discriminatoire par certains. La législation votée a en effet suivi l’avis de la Commission en incluant les ressortissants binationaux de l’Union européenne. Association d’experts internationaux sur l’immigration et la loi pénale, le comité Meijers s’est insurgé dans un communiqué de presse. Selon lui, le nouveau système « introduit pour la première fois dans la loi européenne une différence de traitement entre binationaux et simples ressortissants ».

Caroline Celle et Aicha Debouza

 

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