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Les eurodéputés veulent renforcer la lutte contre la propagande russe


14 mars 2019

Mercredi 13 mars, une recommandation pour lutter contre la propagande a été votée au Parlement européen. Le texte renforce la cellule anti-propagande russe, créée en 2015: la Task Force Est.

Parfum de guerre froide. Le Parlement européen a adopté (489 voix pour, 148 contre et 30 abstentions), mercredi 13 mars, une recommandation pour lutter contre la propagande de pays tiers. Ce texte vise les campagnes de désinformation et de déstabilisation de l’Union par la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l’Iran.

Si ce projet n’est pas contraignant, il incite la Commission européenne à davanatge légiférer et à augmenter ses moyens de lutte contre la propagande, notamment en période électorale. La recommandation appelle aussi les Etats membres à modifier leurs lois électorales pour lutter contre la désinformation, les cyber-menaces de violations de liberté d’expression lors des élections. L’approche du scrutin européen décisif du mois de mai et l’ombre du scandale Cambridge Analytica, où des données personnelles d’utilisateurs de Facebook ont été utilisées pour influencer certaines élections, ont en effet largement plané sur les débats dans l’hémicycle.

Les eurodéputés ont notamment qualifié cette lutte de « guerre hybride », où le numérique tient une place centrale. Ils ont donc accordé une attention particulière à la capacité d’adaptation de l’Union aux différentes formes attaque. La recommandation dénonce la modernisation et la furtivité des moyens utilisés par les pays extra-européens. C’est le cas des réseaux sociaux, les messageries cryptées, telle que Telegram ou encore les chaînes d’informations russes internationales comme Russia Today.

La Russie : cible prioritaire

La chaîne d’information russe, financée par le Kremlin et diffusée dans le monde entier en anglais, français, arabe, espagnol et allemand est accusée par le Parlement d’être aux ordres de Moscou. La Russie est ainsi spécifiquement visée par cette recommandation. L’eurodéputé tchèque Jaromir Stetina (PPE, Chrétiens démocrates) a expliqué avec force sa position : « Notre ennemi c’est la Russie ! »

Les médias russes à visées internationales comme Russia Today ou Sputnik sont clairement critiqués par la recommandation. © Julie Gasco

Pour contrer les russes, les eurodéputés souhaitent que l’Union s’appuie sur un outil dédié à la contre-propagande créé en 2015 par le Service européen d’action extérieure (SEAE), qui gère la politique étrangère et la sécurité de l’Union : La Stratcom East Task Force. Ce service de communication est chargé de contrer la désinformation russe. Il a pour but de repérer et discréditer sur internet les campagnes hostiles à l’UE. Sur le site euvsdisinfo.eu et son compte Twitter, la Task Force Est publie quotidiennement pour contredire, en anglais, les « fake news » téléguidées par la Russie. Au Parlement, l’eurodéputé estonien Tunne Kelam (PPE, chrétiens démocrates) a salué la réussite de cette cellule d’action : « Elle a fourni d’excellents résultats qui ont révélé 5000 exemples d’informations pro-kremlin ».

La recommandation adoptée mercredi veut aller plus loin et renforcer cette stratégie. D’une part la Task Force Est a vocation à continuer sa croissance mais aussi à poursuivre sa collaboration avec son équivalent des balkans, la Stratcom Task Force Balkans. Et d’autre part, les eurodéputés demandent aussi l’augmentation du nombres d’experts de chaque pays dans la Task Force Est. Autre point important qui ressort de la volonté parlementaire: faire de la cellule une structure à part entière du SEAE.

Anna Fotyga (ECR, souverainistes) était déjà la rapporteure d’une première mouture du texte en 2016. © Julie Gasco

 

L’extrême droite vent debout contre le projet

Ce commando spécial des réseaux sociaux et du numérique ne fait pourtant pas l’unanimité parmi les eurodéputés L’extrême droite se montre très critique envers le projet de recommandation l’accusant d’entraver la liberté d’expression. L’eurodéputé français Jean-Luc Shaffhauser (ENL, extrême droite) accuse la rapporteur polonaise Fotyga (ECR, souverainistes) « de couper l’Europe de son âme russe et d’inspirer du courant conspirationniste qu’elle décrit ».

Dans les rangs, socialistes et conservateurs, la mesure est globalement bien accueillie. Sylvie Guillaume, vice présidente du Parlement européen (S&D, socialistes), rappelle la nécessité d’un cadre juridique « La prévention seule ne sera pas suffisante, l’Union doit renforcer son arsenal juridique jusqu’à imposer des sanctions ». Dubravka Suiva, eurodéputée croate (PPE/chrétiens démocrates) salue pour sa part l’attitude de la Commission « La guerre hybride exige des réponses hybrides très complexe : la lutte contre la propagande, assurer la cybersécurité et l’éducation sur comment repérer des fake news. »

La balle est désormais dans le camp de la Commission et du SEAE. « Un système d’alerte rapide des « Fake-news » est en préparation, pour parer à la vitesse de propagation des fausses informations. Des travaux sur l’intelligence artificielle sont également en cours » précise-t-on au SEAE.

Julie Gasco, Léo Limon

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