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L'actu du mardi 6 février en bref

06 février 2024

L'actu du mardi 6 février en bref

violences faites aux femmes, émissions carbone, stages, technologies vertes

Etat de droit bafoué : la Grèce sur le banc des accusés

09 février 2024

Etat de droit bafoué : la Grèce sur le banc des accusés

Le Parlement européen a vivement condamné les reculs de l’Etat de droit et de la liberté de la presse en Grèce. Un message politique fort à l'encontre du gouvernement de Kyriákos Mitsotakis.

Les eurodéputés au moment du vote de la résolution dans l'hémicycle, le 07 février 2024 ( Strasbourg) ©Clara Lainé 

Sylvie Guillaume (S&D, sociaux-démocrates) ne cache pas son soulagement : « L'accumulation de violations de l’Etat de droit en Grèce nous a finalement permis de convaincre suffisamment de parlementaires », expose-t-elle, à la sortie de l’hémicycle. Ce mercredi 7 février, une majorité de députés a condamné les menaces qui pèsent sur l'Etat de droit en Grèce, mais les débats ont été animés. La résolution a été adoptée avec une courte majorité : 330 voix contre 254. 

L'état de la liberté de la presse est au cœur des préoccupations. Plus mauvais élève de l’Europe, le pays est classé 107e sur 180 du classement de la liberté de la presse de Reporter Sans Frontière (RSF), soit une chute de 37 places par rapport à 2019. « Depuis quelques années, il y a un vrai climat d’intimidation envers les journalistes », dénonce Julie Majerczak, directrice du bureau européen RSF de Bruxelles. 

Des députés ont rappelé l’assassinat du journaliste Giorgos Karaïvaz en 2021, alors qu’il travaillait sur des dysfonctionnements au sein de l’État. L’enquête sur sa disparition en est toujours au point mort. En parallèle, les « procédures baillons » se multiplient. Dernière en date : le procès pour diffamation intenté par le neveu du Premier ministre Kyriákos Mitsotakis, contre des journalistes. Au total, il leur réclame 550 000 euros pour avoir révélé l’espionnage d'opposants par le gouvernement. « Pour les petits médias indépendants, c'est très intimidant », résume Julie Majerczak. 

Mais la liberté de la presse n’est pas la seule atteinte à l’Etat de droit en Grèce, qui est « sous pression sur tous les domaines », d’après Sophie In’t Veld (Renew, libéraux). Le gouvernement  de Mitsotakis a notamment été rappelé à l’ordre par le Parlement sur la manière dont il traite les migrants. Outre les menaces qui pèsent sur les ONG qui s’emploient à les défendre, la normalisation du pushback inquiète les eurodéputés. Cette pratique illégale consiste à empêcher brutalement les migrants d’entrer sur le territoire national.

Une « orbanisation » de la démocratie européenne 

Si la résolution adoptée par le Parlement n’a pas de portée contraignante, il n’en reste pas moins un avertissement adressé à la Grèce, mais aussi, à l’ensemble des États membres de l’Union. « On essaie d’éviter une orbanisation de la démocratie européenne », affirme l’eurodéputée Sylvie Guillaume, (Les Verts, écologistes), qui a cosigné la résolution. Derrière ce néologisme, le spectre de la Hongrie,  épinglée à maintes reprises par le Parlement et la Commission européenne. Le pays s’est vu bloquer plusieurs milliards d’euros d’aides pour ses atteintes à la démocratie. 

Chaque année, depuis 2021, l’Union recense les évolutions dans l’ensemble des États membres : « Le rapport montre peu à peu que l’Etat de droit fait partie des valeurs les plus agressées dans de nombreux pays de l’UE », déplore Sylvie Guillaume. Dès lors, la situation en Grèce s’inscrit dans un contexte global, résumé par cet implacable constat de Gwendoline Delbos-Corfield (Les Verts, écologistes) : « Notre démocratie semble vraiment fragile en Europe ces jours-ci ».

Des sanctions économiques soumises au jeu politique 

Fragile, mais pas enterrée. Car les députés ont trouvé une position commune, malgré l’hostilité manifeste du Parti populaire européen (PPE, droite), le plus grand groupe politique dans l'hémicycle. Les causes de sa frilosité sur le sujet ont un nom : le dirigeant grec Kyriákos Mitsotákis, dont le parti est affilié au PPE. Une situation révoltante pour Sophie In’t Velt (Renew, libéraux)  : « Il y a cette culture du silence, de se protéger », dénonce-t-elle.

Après les discours, l’action ? Garante de l’Etat de droit et gardienne des traités, la Commission peut  prononcer, si elle l’estime nécessaire, des pénalités économiques. Pour Lefteris Papagiannakis, membre du conseil de la ligue grecque des droits de l’Homme, « si la résolution peut mettre la pression au gouvernement, le seul moyen de le faire agir, ce serait des sanctions économiques ».

Joëlle Dalègre, maîtresse de conférences et spécialiste de la Grèce contemporaine, se montre plus sceptique : « J’ai du mal à croire que l’Union prenne des mesures aussi fortes que des gels de crédit juste avant les élections, face à un Premier ministre grec qui paie ses dettes en avance et se déclare à 1000% européen ! ». Un scénario d’autant moins probable pour la chercheuse qui considère qu'il n’existe pas de limite précise sur le moment où un pays sort de l’Etat de droit, avant d’ajouter, désabusée : « Ce flou arrange tout le monde ».

Fanny Lardillier et Clara Lainé

Trouver le coupable  

Le lendemain, à la même heure, autre ambiance à l'intérieur du Parlement. Dans l'hémicycle feutré,  les députés s’interrogent à leur tour sur les causes de la crise agricole. Pour les parlementaires de droite, le  « Pacte vert pour l'Europe » est coupable de tous les maux. Ce programme de transition durable, lancé par la Commission européenne, serait trop contraignant et basé sur une idéologie « écologiste » plutôt que sur de vraies données scientifiques. Adopté en 2020, il prévoyait notamment une baisse de 50% de l'usage des pesticides d'ici à 2030 pour protéger les champs de produits trop agressifs. Ursula Von Der Leyen, présidente de la Commission européenne, a annoncé ce mardi le retrait du projet concernant les produits phytosanitaires. La droite a félicité cette décision. « L’Union européenne garantit à nouveau un mode de vie décent à nos agriculteurs » explique Juan Álvarez (PPE, droite). Dans le contexte de guerre en Ukraine, les pesticides aideraient les agriculteurs à produire plus et moins cher face aux produits fermiers ukrainiens bon marché, désormais commercialisés sans restriction en Europe. 

À gauche, c’est plutôt le modèle économique libéral de la PAC qui agace. Les députés accusent la Commission d'avoir conclu un pacte avec les industriels et la Copa-Cogeca. « La majorité des paysans n'ont pas accès à la PAC. Ce sont les semenciers et les grosses exploitations qui profitent du système » s'indigne Martin Häusling  (Les Verts, écologistes). Les subventions liées à la PAC seraient distribuées pour moitié à moins de 10% des coopératives européennes, c'est-à-dire aux plus puissantes. « On est censés nourrir des gens, on meurt dans nos champs à cause des plus grands » s'offusque Manon Aubry (The Left, extrême gauche), reprenant les mots d’un agriculteur. 

Les députés socialistes et de gauche radicale dénoncent également la logique libérale de la Commission. En vingt ans, l’Union a signé plus de 30 accords commerciaux avec des pays tiers. Le dernier en date a particulièrement indigné : l'accord entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande prévoit en effet l'importation de 38 000 tonnes de viande bovine. Pour les élus de gauche, cette pratique libérale met en péril la souveraineté agricole européenne. Les importations à bas prix pourraient bientôt remplacer les produits des fermes européennes dans les supermarchés. 

Frilosité ambiante

La prochaine échéance importante est le « dialogue stratégique sur l’avenir de l'agriculture », une série de concertations entre agriculteurs, eurodéputés et citoyens chargés de façonner un modèle plus viable, à la fois sur le plan économique, social et environnemental. Annoncé par Ursula Von Der Leyen à la mi-janvier pour calmer la colère des agriculteurs, les premières réunions sont prévues pour la fin février.

Selon le vice-président de la commission agriculture du Parlement européen, Benoît Biteau (Les Verts, écologistes), c’est de la poudre aux yeux. « C’est exactement le même sujet que sur la convention citoyenne pour le climat. On convoque des gens et finalement on décide tout aux antipodes de ce que ces gens proposent » soupire-t-il. Lennart Nilsson, président du syndicat agricole Copa-Cogeca n’est pas du même avis: « La colère des agriculteurs est enfin reconnue. Nous avons des rencontres prévues avec Bruxelles pour permettre ce dialogue stratégique ».

Si ces discussions ne reflètent pas d’action concrète, il s’agit surtout pour les institutions européennes de donner un « signal politique sur les prochaines années », rappelle Luc Vernet, secrétaire général du think tank Farm Europe. Concrètement, la PAC a très peu de chance d’être réformée puisqu’elle a déjà été modifiée l’année dernière. Néanmoins, « des plans stratégiques nationaux peuvent être révisés chaque année et les États membres peuvent revoir un certain nombre de règles pour faciliter la vie des agriculteurs », explique-t-il. C’est le cas notamment de la Belgique, qui a adapté l’obligation des 4% de jachères prévue par la dernière PAC en proposant des alternatives à ses agriculteurs, comme les couverts végétaux ou les prairies extensives.

Pour Paul Fritsch et ses camarades paysans, tout reste à faire. Si les tracteurs ont regagné leurs exploitations, les agriculteurs ne comptent pas relâcher la pression et attendent des mesures concrètes.

Chloé Bouchasson, Léa Bouquet, Alice Bouton

Les manifestations d’agriculteurs ont bousculé le débat prévu au Parlement européen sur la politique agricole. Pesticides, jachères ou accords de libre-échange, les députés se sont déchirés sur les causes de la crise.

Des tracteurs ont envahi le parvis du Parlement européen de Strasbourg pour faire entendre leurs revendications. © Anna Chabaud

 La crise agricole s’invite au Parlement

09 février 2024

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Ce mardi 6 février, le rendez-vous était donné à 10h devant le Parlement européen à Strasbourg. En arrivant, le convoi fait résonner les klaxons : il est temps de les écouter. Une vingtaine de tracteurs français et allemands se place face au bâtiment, pancartes bien en évidence sur les bras des engins agricoles. « L’UE détruit nos producteurs » peut-on lire. Devant, Paul Fritsch, le président de la Coordination Rurale du Bas-Rhin, distribue des drapeaux à ses camarades. « Les États ne sont plus maîtres de leurs décisions » s’indigne-t-il. Pour lui, ce sont les mesures européennes qui sont responsables des difficultés des agriculteurs. La raison de sa colère : la Politique agricole commune (PAC) et la récente obligation de mettre 4% de terres en jachère pour préserver la biodiversité. Une mesure qui vient impacter un peu plus les revenus des agriculteurs, « on ne veut pas produire plus, on veut juste vivre de notre travail ».

 

De nouvelles mesures contre l'antisémitisme et l'islamophobie

« N'oublions jamais que c'est la haine et l'antisémitisme qui ont mené à l'Holocauste ». Le vice-président de la Commission européenne, Margarítis Schinas, alerte les eurodéputés. Dans l'hémicycle, le commissaire a annoncé de nouvelles mesures contre l'antisémitisme et l'islamophobie. Depuis la tuerie de masse du Hamas et la réponse disproportionnée d'Israël en octobre dernier, le nombre d'actes anti-juifs et anti-musulmans n'a cessé d'augmenter sur le Vieux continent.

Pour lutter contre ce phénomène, la Commission compte agir à travers l'éducation, le sport et la culture. Elle veut mettre en place un réseau de lieux de commémoration où les massacres de l'Holocauste ont été perpétrés. Un appel d'offres assorti d'un budget de 30 millions d'euros sera lancé pour protéger les lieux de culte. D'autres financements seront attribués pour lutter contre les discours de haine sur les réseaux sociaux.

Les annonces de Margarítis Schinas ont cependant été largement éclipsées par les eurodéputés qui ont massivement critiqué l'équivalence faite par la Commission entre antisémitisme et islamophobie. La controverse a rapidement gagné l'hémicycle et le débat a dérivé sur la situation géopolitique à Gaza.

Lounès Aberkane

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