Prochain arrêt : Technopolis

Sillonner l’Europe dans un train circulant à 1000 km/h, se rendre sur son lieu de travail en taxi volant, traverser Lyon en navette sans chauffeur... Des promesses et un doute : le progrès technologique est-il la clef du changement ?

Taxis parés au décollage

« Metropolis » en 1927, « Retour vers le futur » en 1985, imaginaient déjà la voiture volante. D’ici quatre ans, elle pourrait devenir réalité.

Les taxis volants pourront peut-être relier les gares aux aéroports. Airbus

En un clic sur son smartphone, commander un taxi et s’envoler, pour atterrir sur le toit d’un building. L’idée semblait farfelue il y a quelques années mais se concrétisera probablement d’ici 2024. Pionniers de l’aviation et start-up sont à l’œuvre pour développer la mobilité aérienne urbaine. Première application envisagée : le transport de passagers dans des véhicules volants, électriques et sans émission de CO2. Deux prototypes d’Airbus, Vahana dont la phase d’essai s’achève aux États-Unis et CityAirbus en Allemagne, pourraient être capables de décoller et d’atterrir verticalement, sur des plateformes baptisées « vertiports ».

Où circuleront-ils ? Les couloirs aériens situés entre les drones et les avions sont parfaitement exploitables, font valoir les défenseurs du projet. Sur la terre ferme en revanche, l’intégration de ces engins est plus problématique. « Cela changera probablement la façon dont on pense l’espace urbain, tous les bâtiments seront de potentiels vertiports. C’est le principal enjeu de notre réflexion, en partenariat avec la RATP, Aéroports de Paris et la région Île-de-France », explique Matthieu Duvelleroy, porte-parole d’Airbus. À l’avenir, devra-t-on rénover un pont, avec les coûts que cela implique, ou le remplacer par un service de véhicules aériens ? « Imaginons que les camions qui empruntent ce pont soient remplacés par des cargos volants », répond-il.

Outre l’intégration de ces nouveaux engins, reste à savoir s’ils se multiplieront dans le ciel. « Dès les JO 2024, nous prévoyons de relier La Défense à Roissy. Le tarif sera d’environ deux euros du kilomètre soit 30 euros pour les 15 kilomètres à parcourir, avance le porte-parole d’Airbus. La RATP tient à ce que les courses soient accessibles. » Pourtant le nombre de passagers transportés, un seul pour le Vahana, est encore loin de concurrencer le RER et ses milliers d’usagers.

Thémïs Laporte, à Paris

 

L’Hyperloop verra-t-il le bout du tunnel ?

Plusieurs entreprises travaillent à développer un train à sustentation magnétique plus rapide que l'avion. Mais sa compatibilité avec les objectifs écologiques reste à démontrer.

La capsule de la société américaine Hyperloop one. L’entreprise a annoncé en juillet 2017 avoir passé le cap des 309 km/h lors d’un essai. Hyperloop one

« Un tube pneumatique jeté à travers les océans à la vitesse de 1 500 km/h ». Dans La journée d’un journaliste américain en 2889, publié en 1889, Jules Verne ne pouvait pas se douter qu’on envisagerait déjà, en ce début de XXIème siècle, de construire le moyen de transport qu’il avait imaginé. Car, ce qu’on appelle désormais l’Hyperloop, n’est autre qu’un long tube mis sous vide, et transportant dans des capsules propulsées par un champ magnétique des passagers à près de 1 000 km/h. Le concept mise sur un système de coussin d’air ou de sustentation magnétique pour éviter le frottement avec les rails.

Aujourd’hui, et depuis les annonces du magnat américain Elon Musk qui a lancé l’idée en 2013 à coup de grandes campagnes de communication, plusieurs entreprises travaillent sur le développement de cette technologie. Deux d’entre elles veulent installer leur centre d’essai en France : la canadienne Transpod dans le Limousin et l’américaine HTT (Hyperloop Transportation Technologies) à Toulouse.

Mais de tels projets rencontrent pour le moment plusieurs difficultés. La question de la durabilité se pose notamment : « Comment maintenir le vide et, surtout, avec quelle consommation d’énergie ? Peut-on envisager d’entretenir une navette à propulsion magnétique avec des énergies vertes ? », interroge Christian Brodhag, enseignant-chercheur à l’école des Mines de Saint-Étienne.

On rêve aujourd’hui de faire Paris-Marseille en 30 minutes d’Hyperloop comme on rêvait hier d’un Paris-Lyon en deux heures de TGV. Mais « plus on augmente la vitesse et la mobilité, plus on a des effets sur le système économique et industriel et des effets néfastes en aménagement du territoire et sur l’environnement », avec ces tubes perchés à plusieurs mètres de hauteur, résume Christian Brodhag. Alors si l’Hyperloop est aujourd’hui sur les rails, pourra-t-on avoir un jour à la fois le progrès et l’argent du progrès tout en validant les impératifs écologiques ?

Mayeul Aldebert, à Lyon

Rêve qui devient réalité

Si les voitures sans chauffeurs font depuis longtemps l'objet de fantasme, les entreprises misent plutôt sur les navettes automatisées pour répondre aux objectifs écologiques.

Mayeul Aldebert

« La voiture pour tous, tout le temps, est un idéal révolu » 

Eric Vidalenc, économiste à l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), et conseiller au Centre indépendant d'études et de réflexion prospective Futuribles, porte un regard critique sur les moyens de transports innovants, censés révolutionner la mobilité. 

Les véhicules à énergie fossile auront-ils disparu en 2050 ? 

Les voitures ont une durée de vie de plus ou moins 15 ans. En 2050, soit dans 30 ans, nous aurons renouvelé deux fois le parc automobile. Avec les technologies adaptées, nous sommes capables de produire des véhicules légers, décarbonés. Il y a des perspectives intéressantes : l’électrique dont on parle beaucoup, le biogaz pour les longues distances et les poids lourds... 

La question technique est à mon sens moins importante que celle de l’évolution des mentalités. Or, les pouvoirs publics et les industriels ont un rôle à jouer. Dans toute mutation économique, le premier à bouger prend un risque. La valeur de son investissement est incertaine dans un horizon proche, rien ne lui assure que le réseau est adapté. L’État doit donc prendre des mesures incitatives, financer de nouvelles infrastructures. 

Faut-il sortir de la logique du déplacement individuel en voiture ? 

Une chose est sûre : la voiture pour tous, tout le temps, est un idéal révolu. Plus personne ne tient le discours de Pompidou qui, il y a 50 ans, préconisait d’y adapter la ville. Pourtant en France, nous avons encore un urbanisme pensé autour du véhicule individuel. En 2050, tout dépendra des choix d’aménagement qui auront été faits. Nous avons compris que la voiture dans les centres-villes denses ne fonctionne pas. Ce mode de transport consomme le plus d’espace par personne, or l’espace est une denrée rare et le sera de plus en plus. Il n’y aura aucune raison de laisser quelqu’un s’approprier 10 m2 pour se déplacer. 

Certains prédisent la fin de la conduite. Quel regard portez-vous sur les véhicules autonomes ? 

La promesse consiste à pouvoir traverser la France en dormant... Cela serait plus confortable mais ne résoudrait rien aux problèmes environnementaux et à la saturation des routes. En revanche, il peut être pertinent d’utiliser les voitures autonomes presque 100% du temps, comme véhicule partagé. Là est peut-être la solution. D’autant qu’en ville, il existe d’autres moyens de transports. La mobilité de demain sera plus proche du vélo et de la trottinette que d’un SUV de deux tonnes. Mais le panel des choix n’est pas le même partout, en zone rurale tout est plus compliqué. On doit donc penser des voitures radicalement différentes : plus petites, légères, probablement électriques et pourquoi pas autonomes. 

Des taxis volants ou des trains Hyperloop pourraient faire leur apparition d’ici quelques années. Peuvent-ils être considérés comme les transports de demain ? 

Ces innovations sont présentées comme futuristes. Mais si elles se concrétisent, je pense qu’elles resteront des solutions de niche. L’Hyperloop s’inscrit dans une philosophie particulière : aller de plus en plus vite, de plus en plus loin. La classe supérieure qui a les moyens cherchera des expériences, de la nouveauté. D’ailleurs les porteurs de ce projet n’ont pas en tête de passer par le Cantal, mais veulent relier Paris à Londres ou Berlin, où la demande est solvable. Pour le taxi volant c’est la même chose, j’y vois une démocratisation relative de l’hélicoptère. Mais cela ne répond pas à un enjeu collectif : permettre au plus grand nombre de se déplacer. La complexité technologique ne résoudra pas la question environnementale. Car renforcer la technicité du système, c’est accroître la dépendance des individus à la technique. Et déplacer le problème. 

Propos recueillis par Thémïs Laporte