Rouler des mécaniques, un loisir désuet ? Penser la voiture comme simple moyen de se déplacer, c'est oublier la fierté suscitée par une belle carrosserie, le plaisir déclenché par le bruit d’un moteur.
C'est le grand succès du moment : le SUV. Les ventes explosent, l'industrie automobile se frotte les mains. Mais des voix s'élèvent contre ce que certains qualifient de « chars d'assauts » des villes. Car trop lourds, trop gros et trop polluants.
Yacine Arbaoui et Virgil Schneckenberger
Touche pas à mon auto. Pour une partie des automobilistes, la voiture représente bien plus qu’un simple moyen de locomotion : objet de désir, de plaisir mais aussi créatrice de lien social, elle est devenue chez certains une véritable passion. Plongée chez ces irréductibles du volant, parfois inquiets de l’avenir que leur préparent les nouvelles mobilités.
Bruit de moteur, ligne épurée, conduite souple… Une description qui fait saliver les mordus d’automobile. Depuis sa création, la voiture est une promesse de vitesse et de liberté. Elle est, au-delà d’un objet, une source de distinction et de plaisir. Mais les nouvelles normes écologiques et innovations technologiques font planer le spectre d’une route aseptisée. Les vignettes Crit’air tendent à rejeter les véhicules de collection hors des villes tandis que la voiture électrique fait disparaître les vrombissements des moteurs. Stéphane Belin est amateur de voitures italiennes, il craint de voir l'euphorie que lui procure son véhicule disparaître.
L’automobile, c’est aussi un objet de rencontre, autour duquel se retrouvent ceux qui l’adulent. Les passionnés forment une communauté de goût, de savoirs et de techniques. Les rassemblements automobiles font figure de grand messe où les véhicules prennent le pas sur leurs propriétaires. Transmettre cette passion, la vivre à plusieurs, est partie prenante de la joie procurée par la voiture. Des salons de niche comme le Retromobile consacré aux modèles anciens, drainent ainsi chaque année près de 130 000 visiteurs. Éric Vassas collectionne les vieilles Citroën. Pour lui l'amour de l'automobile se vit avec les autres.
C’est d’ailleurs parce qu’ils pratiquent la même passion qu’Éric Vassas a rencontré Anthony Deroy. Ce jeune homme de 22 ans retape lui aussi des voitures du siècle dernier. La récup, le bricolage et l’entretien des véhicules sont au cœur de ce culte de la bagnole. Alors, pour certains, la prime à la casse est une attaque qui vise directement leur droit à rouler ancien. Pour le sociologue Éric Derras, « la mécanique est l’occasion de reconnecter avec un passé ouvrier et d’affirmer des compétences manuelles ». Pour ensuite recueillir, sur la route et dans le regard des autres, le fruit de son travail.
Penser passion automobile, c’est bien souvent penser tunning. Pour ses 150 000 adeptes en France, le terme renvoie à l’optimisation de l'esthétique et de la performance de leur bolide. C’est l’expression d’une relation affective à la voiture et une valorisation de la singularité : aileron flashy, jantes chromées et peinture exotique sont autant de façons d’affirmer sa personnalité.
Souvent stigmatisé pour son aspect populaire, le tunning s’accorde mal avec les nouvelles normes environnementales et de sécurité. Depuis le milieu des années 2000, il est en net déclin.
Pierre Boudias