La prime à la rescousse

Pour « verdir » le parc automobile, les aides à l’achat de véhicules propres se multiplient. En France, l’État met la main à la poche. Mais sa générosité n’est pas sans limite.

Prime à la conversion, le gouvernement revoit sa copie

En France, l'État propose des aides conséquentes pour changer de véhicule. Mais les conditions d'attribution viennent de changer. Plus qu’un reciblage, beaucoup dénoncent un rabotage.

Pour troquer leur vieille auto contre un véhicule moins polluant, les Français ont droit à un coup de pouce. Depuis 2018, ils peuvent bénéficier d’une prime à la conversion, destinée à renouveler le parc automobile. Le dispositif choisi dans l’Hexagone permet de profiter d’aides financières sur une large gamme de modèles. Une prime bien plus ambitieuse que la moyenne européenne.

Mais depuis le 1er août 2019, les conditions d’octroi de cette aide ont changé. La raison ? Le gouvernement voulait faire mieux, c’est-à-dire orienter les Français vers l’achat de voitures encore plus propres, hybrides et surtout électriques. Le seuil d’émission maximum de CO2 des véhicules éligibles a ainsi été revu à la baisse : 116 grammes par kilomètre au lieu de 122.

Les diesel d’occasion, qui remportaient un franc succès auprès des automobilistes, ont été complètement exclus du dispositif. Seuls véhicules thermiques encore éligibles à l’aide gouvernementale : les diesel immatriculés après le 1er septembre 2019 (Crit’Air2) et les véhicules essence les moins polluants (Crit’Air 1). Enfin, chaque Français peut obtenir un rabais de 2 500 euros pour tout achat d’un véhicule électrique.

Un outil trop populaire

Ces nouvelles conditions ont soulevé l’incompréhension du secteur, dont le Conseil national des professions automobiles (CNPA). « Pourquoi restreindre une aide qui fonctionne ? », interroge une porte-parole du CNPA, qui souligne que ses membres ont été pris de court. « La restriction de cet outil incitatif a altéré son efficacité. En freinant le nombre de dossiers acceptés, moins de véhicules partent à la casse », déplore-t-on au Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA).

« Cela permet surtout de maîtriser les dépenses publiques », regrette l’économiste Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire de la consommation automobile Cetelem. Une maîtrise nécessaire car l’objectif affiché du gouvernement en 2017 - un million de primes sur tout le quinquennat - risquait d’être dépassé. Aux 300 000 attribuées en 2018, presque autant étaient venues s’ajouter pour le seul premier semestre 2019, explosant le budget prévu. Du propre aveu de la ministre des Transports Élisabeth Borne l’été dernier, le dispositif, victime de son succès, devait donc être limité.

Favoriser les plus modestes et serrer la vis

L’État insiste sur l’objectif social de la mesure : viser les ménages les moins aisés. Car le gouvernement a aussi modifié la manière dont il détermine les bénéficiaires de ces aides et prend en compte le revenu fiscal de référence plutôt que le caractère imposable. Les 20 % les plus modestes peuvent ainsi toucher une « super prime », une aide doublée quel que soit le type de véhicule acheté. Là encore, le CNPA juge l’initiative contreproductive. « Aujourd’hui, le bonus maximum est de 6 000 euros. Un véhicule qui coûte plus de 40 000 euros reste très cher. Les ménages modestes n’en ont pas les moyens. » Le délégué général de l’association 40 millions d’automobilistes est du même avis : « On incite surtout à acheter des voitures citadines, chères... Tout sauf familiales. »

Infographie par Marine Godelier, Louise Zeiller
Infographie par Marine Godelier, Louise Zeiller

Marine Godelier et Thémïs Laporte, à Paris

À Strasbourg, pas de financement pour les voitures

Les États ne sont pas les seuls à proposer des aides à l’achat de véhicules électriques : les collectivités aussi offrent des financements. En France, Strasbourg s'y refuse.

Les Strasbourgeois ne reçoivent pas d'aide financière s'ils achètent un vélo électrique. / Sarah Chopin

Pour l’achat d’une voiture électrique, un Parisien peut recevoir, en plus des aides nationales, jusqu’à 6 000 euros, un Lyonnais jusqu’à 5 000 et un Strasbourgeois… zéro. Alors que de nombreuses villes et collectivités locales françaises proposent des financements qui viennent compléter ceux de l’État, Strasbourg s’y refuse. 

Cette absence d’aides financières a été pointée du doigt par Réseau Action Climat dans son classement 2019 des agglomérations qui luttent contre la pollution. Pour l’ONG, l’inaction de Strasbourg est d’autant plus problématique que la ville prévoit la mise en place en 2021 d’une Zone à faibles émissions (ZFE) et l’interdiction du diesel dès 2025. Des mesures qui ne manqueront pas de toucher les propriétaires de véhicules les moins aisés.

Pour justifier ce refus, la métropole strasbourgeoise explique vouloir privilégier les transports doux comme le vélo, le train ou le tramway, plutôt que d’inciter à l’achat d’une voiture. Des aides financières existent pour faciliter l’usage de ces mobilités douces, par exemple des réductions en fonction du quotient familial pour le tramway ou une offre de crédit à l’achat de vélo électrique.

Mais ce système de crédit à ses limites, de l’aveu même de Jean-Baptiste Gernet, adjoint au maire de Strasbourg (ex-PS) : « Le problème, c’est qu’il faut passer par plusieurs interlocuteurs : d’abord un fournisseur de cycles, puis une banque. Ça peut être un frein. » Pour l’instant, la Ville n’est pas prête à passer au financement de véhicules neufs. L'élu l’admet : « On laisse ça au prochain mandat. »

Sarah Chopin