Vous êtes ici

Ce chantier empoussiéré est le lit d'un des deux lacs de retenue du district de Beed. © Baptiste Cogitore/Cuej

La faute aux hommes

On compare souvent la terrible sécheresse que connait cette année le Maharashtra à celle de 1972, la pire de son histoire.  Mais ses causes comme ses effets paraissent très différents.

 « Toutes les cultures étaient brûlées. 1972 a été un gros choc pour nous », se souvient Balasabeh Gawde, ancien chef du village de Gawadewadi. Si le vieil homme mentionne ce traumatisme ancien, c’est parce qu’il est régulièrement évoqué à propos de la sécheresse qui affecte le pays depuis des mois, suite à une mauvaise mousson, et qui culmine en ce mois de mai.  

Cependant, « les effets de la sécheresse de 2013 sont différents», analyse Parag Lakade, directeur de la société Gangotree, spécialisée dans l’ingénierie civile et l’environnement. « En 1972, ce sont les cultures qui ont été touchées, il y avait assez à boire pour tous, mais pas assez de nourriture. Les prix se sont envolés et les habitants n'avaient pas les moyens d'acheter à manger. En 2013, c’est l’eau qui manque, plus que la nourriture. Celle que l’on boit et celle que l’on utilise pour les cultures et le bétail. » A Gawadewadi, qui a bénéficié de l’action d’une organisation non gouvernementale (ONG) pour améliorer sa conservation de l’eau et se trouve relativement protégé contre la sécheresse, les éleveurs constatent une baisse du prix de leur lait, due à un fourrage de mauvaise qualité. La faute au manque d’eau.

Pourtant, si les précipitations de la mousson de 2012 ont bien été mesurées comme sensiblement inférieures à la moyenne, elles n'ont pas, dans le Maharastra, été plus faibles qu’il y a quarante ans. Première explication avancée à la pénurie de 2013, l’accroissement des besoins en eau de cet Etat est indexable sur le doublement de sa démographie :  50,4 millions d’habitants en 1971 et 112 millions en 2011, selon le dernier recensement.

364 milliards de mètres cubes d’eau perdus par évaporation

Beaucoup contestent cette imputation à une causalité simplement "naturelle". L’ONG South Asia Network on dams, rivers and people pointe d'abord du doigt les errances de la gestion de l’eau. Elle reproche aux gouvernements successifs d’avoir trop misé sur les gros barrages de retenue, construits à tour de bras après 1972, qui s’avèrent propices à l’évaporation. Pour le pays, le 12e plan (2013-2017) évalue les pertes d’eau par évaporation à 364 milliards de mètres cubes par an.

Parag Lakade relève, lui, un autre point noir :  l’irrigation a trop peu progressé. La surface de terres irriguées est passé de 17,8% des zones cultivées en 2001 à 17,9% en 2011, soit un peu moins de 200.000 hectares.  « Si ces surfaces irriguées ont si peu augmenté, malgré des investissements publics considérables, c’est parce que les plans sont décidés en dépit des préconisations techniques. » Il met aussi en avant l’usage incontrôlé de la nappe phréatique, encouragé par de nouvelles techniques de forage et par le subventionnement de l'électricité ou du carburant qui alimente les pompes.

Deuxième train d'arguments avancé par les contestaires : le choix de promouvoir des cultures excessivement consommatrices. La surface des exploitations dédiées à la canne à sucre, la plus gourmande en eau, a plus que sextuplé. Évaluée à 167 000 hectares en 1972, elle atteint 1 022 000 hectares en 2012. Une expansion que l’écologiste indienne Vandana Shiva attribue à la politique de la Banque mondiale. Après 1972, celle-ci a conditionné ses prêts aux projets de conservation et d'irrigation du Maharastra à une augmentation de la productivité des cultures de rente. La Banque mondiale n'a cependant jamais encouragé le gaspillage de l'eau.

Des mesures d'intervention au jour le jour

Pour faire face à la menace de mort qui pèse sur la vie des hommes et du bétail, le gouvernement multiplie les mesures d'urgence, recensées dans le plan de gestion de crise du ministère de l'agriculture (voir ci-contre), mais cette politique au jour le jour, certes utile, s'avère de plus en plus dispendieuse. « Les pouvoirs publics vont être obligés de chercher des solutions à long terme, constate Parag Lakade. Sinon la situation ira en s'aggravant dans les années qui viennent. »

Lisa Agostini, Yves Common, Jessica Trochet

Le plan de secours en chiffres

  • 172 millions d'euros de fonds spéciaux débloqués par l'Etat du Maharashtra.

  • 11 801 villages officiellement déclarés en état de sécheresse en mars 2013.

  • 100 000 têtes de bétail, pour le seul district de Beed, regroupées dans 75 camps subventionnés.

  • 2280 camions citernes fournissent de l’eau potable gratuite aux territoires affectés. 

 

Imprimer la page