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Jean-Luc Poussin, habitant du quartier Gare, repart avec sa photo en noir et blanc © Yann Rudeau

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Un camion de CRS se fraye un chemin parmi les passants. © Robin Schmidt

Ateliers et vie de quartier

Arthur Poutignat a déjà franchi le pas en rejoignant le Cric en 2019. Ancien membre de la Semencerie, l’artiste performeur évoque avec nostalgie les “Expositions de Voisins”, qui permettaient aux riverains de profiter d’un espace de création le temps d’un week-end. Depuis son arrivée au Cric, Arthur Poutignat regrette le manque d’actions sociales dans son nouveau quartier, classé lui aussi prioritaire par la politique de la Ville. 

Julie Lescarmontier et Angelina Lenez

 <div style="background-color:#DBDDDE; padding:10px;"><h4>Lexique</h4><p>

  • Vandale : graffeur hors la loi, illégal.
  • Graffiti : discipline recouvrant l’ensemble des pratiques illégales de peinture sur un support.
  • Street art : œuvres légales ou tolérées dans l’espace urbain nécessitant davantage de temps de réalisation.
  • Tag : signature simple, monochrome la plupart du temps.
  • Blaze : pseudonyme des graffeurs, constitué le plus souvent de quatre ou cinq lettres.
  • Crew : groupe de graffeurs qui peuvent avoir une signature commune, souvent avec trois lettres. Exemple : Nocif est membre du TNC.
  • Pièce : graffiti de plusieurs couleurs, avec des lettres en volume.
  • Chrome : pièce assez peu travaillée, de couleur chrome. 
  • Scène : ensemble des artistes d’une même discipline et d’un même lieu.Flop (ou throw-up) :  lettrage minimaliste arrondi avec un remplissage simple.

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“Les activités sur la place, ça permet de prendre l’espace public, de créer un point de rencontre”, explique Maïté Smerz-Marchel, 27 ans, médiatrice de Stimultania. Elle imprime les clichés du jour pendant que les participants profitent de la visite guidée de l’exposition. Jean-Luc Poussin se marre en se voyant lui-même lécher lassiette lors des agapes en plein air. Ludovic Szrednicki, animateur de lassociation Aube qui accueille des personnes en difficulté psychologique ou psychiatrique, repart satisfait de sa sortie avec cinq bénéficiaires. Latelier a servi de premier contact avec Stimultania avant un partenariat prévu pour 2023 entre les deux structures.

Stimultania travaille régulièrement avec divers acteurs sociaux. Cette année, elle a collaboré avec le foyer Adoma du quartier Gare, qui propose des hébergements à des personnes précaires. Avec le photographe Yann Datessen, les résidents ont travaillé sur le thème de l’intérieur. Ils ont choisi une image qui représente un lieu de vie durable. La photo, une banale chambre d’hôtel marseillais, suscite deux interprétations différentes : symboles de stabilité et d’équilibre pour les pensionnaires, d’enfermement pour l’artiste. Cette expérience a inspiré une exposition permettant aux résidents de travailler dans l’intimité de leur studio. Place Karl-Ferdinand-Braun, le cliché à l’origine de la collaboration en 6 x 5 mètres trône sur le pignon de la Maison de l’image.

"On est une asso ouvrière qui fait de la formation où, en plus du savoir-faire, on a tout ce côté savoir-être", explique Florian Guehl, prévôt - équivalent d’un CPE - à seulement 23 ans. Autour d’une table aux pieds façonnés en fer forgé par les Compagnons, il explique son rôle : assurer le lien avec les 500 entreprises partenaires en Alsace tout en gérant les 170 résidents. À ses côtés, Judith Fauvet, 21 ans, se forme à la pâtisserie depuis quatre ans, "Je suis rentrée car j’étais passionnée par mon métier. Si je reste c’est pour ce qu’il ya  autour: les valeurs et la communauté." Chez les Compagnons, l’entraide, le respect ou la politesse sont fondamentaux.

La plupart des graffeurs devenus artistes professionnels gardent un profond respect pour la scène vandale. C’est le cas de Mesk1, SekuOuane, Handstyle Strasbourg et QMRK. “Je ne couvrirai jamais des graffitis anciens. Je considère ça comme une forme d'art”, explique QMRK. Son œuvre doit beaucoup à la scène vandale : “Je n'aurais pas appris à faire ce que je fais aujourd’hui si je n'avais pas commencé par des tags.”

Ilham Ech-Cheblaouy et Max Donzé

Deux visions pour un même espace 

Quartier Gare, les meilleurs spots font l’objet de toutes les convoitises entre les artistes légaux et illégaux. Rue de Rothau, à proximité de la voie ferrée et du musée Vaudou, les crews 7Click et TNC ont posé leurs noms. Exécutés hâtivement, ces graffitis d’environ 1,50 m recouvrent une fresque subventionnée. Derrière, on devine encore des lettrages travaillés, complétés par des effets de brillance et de volume sur un fond complexe. “Il y avait un chrome qui était posé sur le mur qui datait de 2002 ou 2003, retrace SekuOuane. Dans le cadre du off de Noël [de 2017] il a été recouvert, mais les artistes qui étaient sur ce truc-là n’ont pas été contactés. Là, c’est un peu fâcheux parce que généralement, quand tu te retrouves dans ce type de plan, tu passes un coup de fil à la personne.”

Outre le besoin d’aménager des espaces d’attente confortables, la SNCF veut créer “une gare pour vivre”, explique Christelle Delplanque, directrice communication de SNCF Gares & Connexions Grand Est. Le but recherché par les travaux est aussi “d'engranger du chiffre d’affaires”.

« L’ingrédient secret, c’est la délinquance »

L'aspect vandale du graffiti reste revendiqué par un bon nombre de graffeurs qui refusent de se ranger. C’est le cas de Nocif, actif depuis quinze ans à Strasbourg. Son style simple se limite le plus souvent à des tags ou à des lettrages droits, bruts, lisibles. Des techniques qui prennent moins de temps et qui lui évitent d’être repéré par la police. Pour lui, l’aspect esthétique demeure secondaire, le plus important c’est de “tenir le terrain” : “Le graffiti c’est TON blaze, le but c’est qu’il se voit plus que les autres.” Sa vision de la discipline est claire, tout le plaisir réside dans l’illégalité : “Pour moi si t’as pas la trouille de te faire choper, c’est pas drôle. Ça perdrait tout son sens de faire du graff si c’était légal. L’ingrédient secret, c’est la délinquance.”

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