En 2015, Le Figaro encourageait déjà ces dernières à s'épiler et selon Cosmopolitain, les esthéticiennes sont aujourd'hui habituées à une clientèle masculine de plus en plus fidèle. Comme l'épilation, les façons de se maquiller, se coiffer ou s'habiller dépendent des normes de notre époque et de notre culture. "La définition première [de la norme] c'est vraiment quelque chose d'extérieur à l'individu, qui s'impose à lui et qu'il va incorporer", poursuit la sociologue. "Mais nous ne sommes pas passifs et pouvons réagir à ces normes, ce qui fait sans doute qu'elles évoluent dans l'histoire, parce qu'on peut avoir à un moment donné des personnes qui s'y opposent ou qui les transforment."
Dia n’a pas été rebuté par la dimension virtuelle des cours, qui est devenue la règle : "Il n’y a pas d’importance si la leçon est en présentiel ou en ligne, parce que j’ai besoin de parler." Le virtuel n’a pas déshumanisé les interactions pour le jeune père de famille, au contraire ! "Le groupe de Strasbonding est très amical", dit-il. Pour Clémence, s’investir était une évidence. “J’ai toujours aimé faire partie d’associations (elle a été bénévole à la SPA, ndlr) et là je me suis dit que c’était un peu l’occasion." La jeune femme reconnaît que le confinement lui a offert un temps précieux, qu’elle a pu consacrer à son nouvel engagement. Dia et Clémence prévoient déjà de se voir autrement que sur l’écran de leur téléphone. "On s’est dit que ça sera plus sympa autour d’un café !", rigole la jeune femme. Dia, lui, ne veut pas arrêter d’apprendre le français. Son objectif ? Acquérir un niveau suffisant pour pouvoir de nouveau pratiquer la médecine dans son pays d’adoption.
Strasbonding doit maintenant concrétiser cet essai. Tom Vallée voudrait transformer le collectif en association en déposant les statuts d’ici à septembre. "Je voudrais monter une campagne de financement participatif et tourner un clip vidéo avec des étudiants qui parlent de l’association pour nous faire connaître." Le jeune homme envisage aussi un partenariat avec le centre Bernanos, la paroisse universitaire de Strasbourg. "Même si je ne reste pas, si la structure est bien en place, d’autres étudiants pourront prendre le relais."
Claire Birague
Léa Giraudeau
Lors de son volontariat à Casas (Collectif pour l'accueil des solliciteurs d'asile de Strasbourg), Tom Vallée, étudiant en sciences politiques à l’Université de Strasbourg, constate que les deux cours de français par semaine ne suffisent pas aux nouveaux arrivants. "Ce sont surtout les moins intégrés qui sont en demande, ils ne peuvent pas travailler… S’ils pouvaient, ils prendraient des cours toute la journée", souligne le jeune homme, qui fonde le collectif Strasbonding dès le début du confinement, pour relier des réfugiés ou demandeurs d’asile avec des étudiants qui peuvent leur apprendre le français. Dia et Clémence forment l’un des tandems autour de la langue française. Le père de famille, médecin syrien de 35 ans, est arrivé en France il y a un an. Après un premier contact par Skype avec l’étudiante de 22 ans, le binôme se met à échanger via des appels vidéo sur Whatsapp. Trois fois par semaine, les deux partenaires discutent autour d’un sujet donné comme Alep, la ville d’origine de Dia, ou parlent de leurs loisirs ou encore évoquent des voyages. "C’est exactement ce dont j’ai besoin", explique Dia. "Je veux pratiquer ce que j’ai déjà appris car malheureusement je n’ai pas trop eu l’occasion de parler avec quelqu’un dont la langue maternelle est le français." Grâce à ce rythme d’échange soutenu, il se sent plus à l’aise au fil des semaines. Le médecin avait déjà eu l’occasion de suivre des cours avant la crise sanitaire à l’IIEF (Institut international d’études françaises) de l’Unistra.
Une dizaine de Bas-Rhinois ont accepté de parler de leur expérience esthétique du confinement : la plupart se sont moins fréquemment maquillés, rasés ou coiffés. Ils comptaient pour autant renouer avec leurs habitudes dès le retour à la normale.
Une question de normes et d'époques
Cheffe de projet en informatique originaire d'Illkirch-Graffenstaden, Valérie, 46 ans, a repoussé sa teinture de quelques semaines avant de céder à l'envie de cacher ses mèches dépigmentées. "Je ne suis pas prête à avoir des cheveux blancs, je me sentirais vieille. Et puis il y a aussi le regard des autres."
À l'image de Valérie, pour nombre de personnes interrogées, porter attention au corps, c'est une question d'estime de soi. "Je me rase tous les deux jours. Je n'aime pas avoir des poils", confie ainsi Myriam, 47 ans.
"Le rapport à la pilosité a une histoire", rappelle Camille Couvry. "L'épilation sous les bras doit dater des années 60, c'est un phénomène relativement récent pour les femmes. Mais les hommes sont de plus en plus concernés."
Strasbonding, collectif créé à la faveur du confinement, rassemble natifs et réfugiés autour de l’apprentissage du français. Clémence et Dia échangent trois fois par semaine depuis qu’ils se sont rencontrés via Whatsapp. Ils font partie des trois premiers tandems.
Lors de son volontariat à Casas (Collectif pour l'accueil des solliciteurs d'asile de Strasbourg), Tom Vallée, étudiant en sciences politiques à l’Université de Strasbourg, constate que les deux cours de français hebdomadaires ne suffisent pas aux nouveaux arrivants. "Ce sont surtout les moins intégrés qui sont en demande, ils ne peuvent pas travailler… S’ils pouvaient, ils prendraient des cours toute la journée", souligne le jeune homme, qui fonde le collectif Strasbonding dès le début du confinement, pour relier des réfugiés ou demandeurs d’asile avec des étudiants qui peuvent leur apprendre le français.
Dia et Clémence forment l’un des tandems autour de la langue française. Le père de famille, médecin syrien de 35 ans, est arrivé en France il y a un an. Après un premier contact par Skype avec l’étudiante de 22 ans, le binôme se met à échanger via des appels vidéo sur Whatsapp. Trois fois par semaine, les deux partenaires discutent autour d’un sujet donné comme Alep, la ville d’origine de Dia, parlent de leurs loisirs ou encore évoquent des voyages. "C’est exactement ce dont j’ai besoin", explique Dia. "Je veux pratiquer ce que j’ai déjà appris car malheureusement je n’ai pas trop eu l’occasion de parler avec quelqu’un dont la langue maternelle est le français." Grâce à ce rythme d’échange soutenu, il se sent plus à l’aise au fil des semaines. Le médecin avait déjà eu l’occasion de suivre des cours avant la crise sanitaire à l’IIEF (Institut international d’études françaises) de l’Unistra.
L’icône byzantine de la vierge de Vladimir, posée sur l’autel boisé orné d’un napperon blanc, apparaît pixélisée à l’écran. Le tintement des cloches, qui résonnent doucement dans les enceintes de l’ordinateur, annonce la célébration de la messe dans l’église Saint-Alexis de Griesheim, rattachée à la communauté de paroisses du Rosenmeer (Rosheim). La voix du père Dalmer grésille légèrement et son visage se floute : “Nous nous préparons à célébrer l’eucharistie. Mais avant cela, un peu de mu…’’ La fin de sa phrase est inaudible. L’image se fige pendant quelques secondes. Puis, un Alléluia, interprété à la flûte de pan par un fidèle, lance l’office 2.0.
Pour pallier l’interdiction des cultes, imams, prêtres et rabbins ont investi les réseaux sociaux tels que Zoom, Youtube, Facebook, devenus des outils incontournables pour garder le contact avec les croyants. Messes en direct, cours de talmud thora (le cours de religion pour les enfants), lecture du Coran… “Il y a une explosion des propositions en ligne comme les lives, une démultiplication des temps de prière et des offices religieux”, souligne Isabelle Jonveaux, sociologue des religions.
"Avec toutes ces astuces vous ne ressemblerez pas à Chewbacca", la célèbre créature poilue de la saga Star Wars. C'est ainsi qu'un site de santé vendait son article sur l'épilation à l'heure de la fermeture des salons de beauté. Confinement oblige, à la mi-mars, beaucoup de Bas-Rhinois ont vu leurs contacts avec le monde extérieur réduits à peau de chagrin. Pourtant on n'a jamais vu autant d'articles éclore sur Internet pour enjoindre aux corps de rester exactement les mêmes.
Pour Camille Couvry, chercheuse en sociologie à l'Université de Rouen, "la période de confinement a vraiment révélé l'importance du corps dans nos vies, dans l'identité sociale de chacun". Elle en veut pour preuve les nombreuses vidéos postées sur les réseaux sociaux pour encourager les confinés à garder la ligne. Un phénomène parfois "vécu comme une forte contrainte et une invitation à une surproductivité", que d'autres ont assimilé à "une aubaine".
Cloîtrés chez eux pendant deux mois, une dizaine de Bas-Rhinois racontent comment ils ont laissé leur corps souffler. Venues en nombre des médias et des réseaux sociaux, les "incitations à être beau/belle" n'ont pas perturbé plus que ça leur quotidien.
À l’image du mémorial Alsace-Moselle, de nombreux musées et salles de spectacle du Bas-Rhin, contraints de fermer, ont dû de se réinventer en imaginant des alternatives numériques aux visites. Ainsi, sous l’impulsion des Musées de Strasbourg, le concours national “Art en quarantaine” s’est invité dans le département. De nombreuses personnes ont utilisé les hashtags #tussenkunstenquarantaine et #artenquarantaine pour publier sur les réseaux sociaux une photo reproduisant une œuvre d’art exposée dans un des musées de la capitale alsacienne. Les mélomanes ont pu, de leur côté, profiter du télétravail des musiciens de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, qui ont régulièrement organisé des concerts à distance diffusés sur Facebook. Enfin, le Théâtre National de Strasbourg (TNS) a débarqué chez les mordus d’art dramatique avec des lectures et des extraits de monologues proposés en ligne.
Pendant deux mois d’enfermement, les écrans ont fait office de fenêtres ouvertes vers la culture. Des pratiques nouvelles qui fragilisent les anciennes frontières menant à des lieux parfois perçus comme élitistes. Fini les contraintes financières ou géographiques, adieu le sentiment d’illégitimité à franchir le seuil d’un musée ou d’un théâtre.