Comme elle, Véronique Reibel, intérimaire, a délaissé les caddies pour les paniers. En cause : les denrées en rupture dans les grandes surfaces. “Je galérais à trouver des œufs et de la farine alors que chez les maraîchers et les primeurs de Mutzig, je n’ai jamais eu de problèmes. J’ai toujours trouvé de tout, même du fromage et du saucisson”, se réjouit la quadragénaire. Une belle découverte pour cette habituée des supermarchés : “Avant, pour être honnête, je m’en foutais un peu. J’achetais tout ce dont j’avais besoin dans un seul magasin et ça m’allait comme ça.” Aujourd’hui, elle continue de consommer local : “C’est plus chaleureux, tout le monde discute avec tout le monde alors qu’en grande surface chacun fait ses courses de son côté.”
Fabienne Tritschler est elle aussi devenue adepte du circuit court. “Depuis que le confinement est terminé, je ne suis pas retournée au supermarché”, note-t-elle, “je me suis rendu compte que les petits commerces étaient très pratiques, que je perdais moins de temps à faire mes courses là-bas plutôt que dans une grande surface.”
Un chiffre d'affaires doublé
“Dès la fin de la première semaine de confinement, j'ai commencé à donner mes cours à distance, par Skype ou par Messenger.” Coincé entre quatre murs, Manuel Bleger, professeur de guitare indépendant à Grendelbruch, s'est adapté aux circonstances de la quarantaine pour poursuivre ses enseignements, à l’initiative de ses élèves. “Des parents m'ont dit que la prof de piano donnait des cours et m'ont demandé de faire pareil !” Lui qui n'avait jamais envisagé cette pratique se dit satisfait par cette expérience nouvelle, qu’il compte prolonger. Bien qu’il ait repris le travail en présentiel depuis le 11 mai, Manuel Bleger continue de dispenser ses cours à distance aux plus de 65 ans. Surtout, il envisage d'avoir des élèves exclusivement en visioconférence. “Un de mes anciens guitaristes, qui habite maintenant à Bordeaux, m'a recontacté. Je vais recommencer à lui donner des leçons.”
Enfermée chez ses parents, elle a trouvé le temps de partager son savoir-faire sur son compte. Elle essaie de publier une recette quotidienne : “Je ne vais peut-être pas pouvoir le faire tous les jours [après la fin du confinement] parce que j’aurais moins le temps. Mais, je vais continuer d’alimenter mon compte Instagram. Je ne vais pas le lâcher.”
Manal Fkihi
Marie Vancaeckenbergh
Un projet mondial
Les trois Bas-Rhinois ont, en fait, répondu à l’appel du youtubeur américain "Pippen FTS". Dans une vidéo, publiée le 21 mars et déjà vue près de dix millions de fois, il invite les joueurs du monde entier à rejoindre son projet BuildTheEarth. Le défi consiste à reproduire la Terre telle qu’elle est aujourd’hui, à l’échelle réelle, chaque cube du jeu représentant un mètre carré. Pour coordonner cette gigantesque entreprise, il a créé un serveur de discussion sur l’application Discord, très prisée des joueurs de jeux vidéo.
Le virtuel ne sera jamais à la hauteur du réel
Alycia Thomas, accompagnante des élèves en situation de handicap au collège Jean-Mentel de Sélestat, et peu habituée des musées, est le parfait exemple de ceux qui se sont essayés à l’art par écran interposé. Depuis son canapé, elle a tenté de découvrir le Louvre, mais s’est rapidement déconnectée. “J’ai été un peu déçue. Le virtuel, c’est quand même très différent. Je me baladais dans les couloirs avec ma souris, mais sans pouvoir observer les œuvres de près.” Laureen Turlin, étudiante à Strasbourg, a visionné des pièces de théâtre qui devaient être jouées au Maillon, à Strasbourg, et elle est du même avis : “Ce n’est pas aussi bien qu’en vrai. Les captations ne sont pas esthétiques et ça ne donne pas envie de regarder.”
Paul Lang, le directeur des Musées de la ville de Strasbourg, reconnaît que le numérique n’est pas une finalité, mais un moyen : ”Le web, on l’investissait déjà. Avec la crise, on a juste plus de visibilité.” Il espère, avant tout, que les gens reviendront dans les musées. Sabine Bierry confirme qu’internet est un outil indispensable pour se faire connaître : “L’avantage, c’est que les algorithmes permettent parfois de toucher des personnes qui n’auraient pas d’elles-mêmes regardé notre site, ou qui n’y seraient pas allées : ça peut clairement créer et susciter des envies.”
Première réussite : le concours #ArtEnQuarantaine compte déjà plus de 500 participants en France. Mais il faudra attendre jusqu’à la réouverture des espaces culturels pour savoir si leur présence sur le web a pu drainer un nouveau public.
Héloïse Décarre
Juliette Jonas