Une décision unilatérale
Alors que les besoins en matières premières critiques vont bondir, la Commission européenne présente un projet de loi pour assurer son indépendance vis-à-vis de la Chine, principal exportateur des matériaux qui composent nos batteries de voitures électriques. L’objectif : relocaliser leur extraction en Europe, malgré les conséquences environnementales.
Cette interdiction n’a pourtant pas fait grand bruit dans l’hémicycle. Peu de députés ont pris connaissance de cette décision. « Nous n’étions pas au courant. », explique un collaborateur de l’eurodéputé Yannick Jadot (Les Verts, écologistes). L’homme politique avait créé un compte lors de la campagne présidentielle française, aujourd’hui inactif. Il comptabilise près de quatorze mille abonnés.
La députée européenne Aurore Lalucq (S&D, sociaux-démocrates) n’était également pas informée de cette décision, elle se considère « boomeuse et perdue sur ce genre de plateforme ». Un fonctionnaire du Parlement, lui, n’est pas surpris, « Je savais qu’après la Commission européenne, l’interdiction allait arriver jusqu’ici », mais il avoue ne pas savoir la date d’entrée en vigueur.
Ça parle au Parlement
Mais, pour l’instant, l’interdiction ne s’applique que pour TikTok. L’application avait avoué, en novembre dernier, la possibilité pour certains employés chinois d’accéder aux informations d’utilisateurs européens et de traquer des journalistes.
« À partir du moment où on utilise un logiciel chinois, nous n’avons aucune garantie que nos données ne circulent pas dans les sphères étatiques », expose Alain Bouillet, délégué général du CESIN (Club des Experts de la Sécurité, de l’Information et du Numérique). Pour lui, une entreprise chinoise ou américaine peut, sous la contrainte de lois, se voir transférer les informations personnelles de ses clients aux agences étatiques. C’est le cas des lois américaines Patriot Act et Cloud Act. « Il y a un phénomène de mouton de Panurge. On peut même sourire lorsqu’on voit que les Américains s’émeuvent de l'accès aux données par des gouvernements, alors qu’ils sont les premiers à le faire », termine-t-il. « Je ne crois pas qu’il s’agisse de la seule entreprise aujourd'hui qui capte, utilise et instrumentalise nos données », abonde Manon Aubry (co-présidente GUE/NGL, extrême-gauche).
« Il y a des préoccupations en matière de sécurité en particulier la protection des données ou de collectes des données par des tiers », justifie Delphine Colard. L’institution suspecte que l’application chinoise utilise les informations personnelles à des fins d’espionnage. Le gouvernement chinois est en effet actionnaire de la maison mère de TikTok, Bytedance. Leurs liens étroits questionnent les Occidentaux sur l’opportunité de Pékin de récolter des renseignements précieux.
Le siphonnage de données
« Ça s’adresse au staff, assistants, députés et agents : tout le monde est concerné », précise Delphine Colard, porte-parole adjointe du Parlement européen. Les députés et les huit mille fonctionnaires de l’institution ont été informés via un courrier de la Direction générale de l’innovation et du support technologique (DG ITEC) : « L'application TikTok ne doit pas être utilisée ou installée sur les appareils du Parlement. Ceux qui l’ont déjà téléchargé doivent la désinstaller dès que possible. » De plus, aucun mail professionnel ne pourra être exploité pour créer un compte sur la plateforme.