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« Ici, il s’agit de façonner l’avenir de notre planète », a scandé Ciaran Cuffe, eurodéputé (Les Verts, écologistes), dans l’hémicycle. Une majorité de parlementaires européens a voté en faveur de la rénovation en profondeur des bâtiments dans l'Union européenne. Ces derniers sont responsables de 36% des émissions de gaz à effet de serre du continent. À partir de 2028, les nouvelles constructions devront rejeter « zéro émission » de CO2.  Objectif : le secteur entier devra être décarboné à l’horizon 2050 pour lutter contre le réchauffement climatique et pour plus d’autonomie stratégique Pour cela, chaque État membre devra décider d’un système pour organiser la rénovation de ses édifices à échelle nationale. « Il faut commencer par s’attaquer aux bâtiments les moins efficients énergétiquement », explique la commissaire à l’énergie Kadri Simson. C’est bien un plan de rénovation par étapes qui est prévu dans ces objectifs contraignants. Les 15% des logements les moins performants dans chaque pays - classés G - devront être réhabilités pour obtenir au minimum une étiquette E d’ici 2030 puis D d’ici 2033. Petite exception faite pour les monuments historiques et édifices religieux. Le but des travaux est de réduire progressivement le nombre de passoires thermiques en Europe. 

À partir de 2028, les nouveaux bâtiments construits dans l’Union européenne seront décarbonés. Cette mesure a été votée à une large majorité par les eurodéputés ce 14 mars. Elle s’inscrit dans l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 et favorise l’indépendance énergétique du continent. Les chantiers prévus sont cependant nombreux et créent des doutes sur le financement du projet. 

Au-delà des tensions autour de la loi sur les véhicules à moteurs, les voltes-faces de l’Allemagne agacent de plus en plus au niveau européen.

Paris et Berlin, déjà opposées sur la question du nucléaire et des énergies renouvelables, s’affrontent de nouveau sur cette législation. Au micro de France Info, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie français, a déclaré ne pas vouloir de renégociation du texte. « Il ne faut surtout pas décaler cet objectif [l’abandon des moteurs thermiques après 2035]. Nous sommes prêts à aller au bras de fer sur ce sujet car c’est une faute environnementale. »

Concernant la suite des événements, « c’est un peu trop tôt pour dire ce qu’il va advenir de la législation » confie une source proche du dossier. Selon elle, il y a plusieurs possibilités. L’Allemagne pourrait finalement décider de ratifier l’accord tel quel. Elle pourrait aussi obtenir des modifications dans la législation, et entraîner ainsi un nouveau vote du Parlement européen.

Dernière possibilité, en cas d’impasse pour trouver un compromis, une nouvelle loi sur les e-fuels pourrait être écrite par la Commission européenne. L’idée de faire du tout-électrique d’ici 2035, serait alors définitivement abandonnée.

Quel avenir pour les moteurs thermiques ?

Le nœud du problème : les carburants de synthèse. Berlin souhaiterait inclure leur usage dans la nouvelle législation. Un moyen pour le pays de ne pas abandonner de sitôt les moteurs thermiques. Ces carburants, aussi appelés e-fuels, sont considérés, par certains, comme une solution intermédiaire pour lutter contre le changement climatique. Fabriqués lors d’un procédé chimique à partir de matières premières contenant du carbone et de l’hydrogène, ils n’utilisent pas de pétrole. Mais leur caractère écologique pose question. Selon Karima Delli, ces carburants « consommeront cinq à six fois plus d’électricité et émettront plus de monoxyde de carbone et d’oxyde d’azote (Nox) que des carburants classiques ».

Les carburants de synthèse : une alternative au tout-électrique ?

L'Allemagne rejoint l’Italie, la Pologne, la Slovaquie, la Roumanie, le Portugal, la Hongrie et la République tchèque dans le camp des réfractaires à cette législation. Pays berceaux de l’industrie automobile, ou sous-traitants, ils craignent pour leur économie et leurs emplois avec l’abandon total du moteur à explosion. En Allemagne, ce secteur compte plus de 800 000 travailleurs. 

Les ministres de ces États se sont réunis de façon exceptionnelle à Strasbourg en marge de la session au Parlement européen. « Nous nous opposons à la proposition à cause de ses conséquences négatives pour l'industrie et nous demandons à la Commission de la modifier », a déclaré Martin Kupka, ministre tchèque des transports lors d’un point presse.

Dans l’hémicycle, les députés qui pensaient le texte déjà adopté sont mécontents. Parmi eux, les écologistes français estiment qu’avec ce changement de camp, « l’Allemagne joue le jeu du lobby des industries automobiles ». D’autres groupes, au contraire, s’en réjouissent. Le groupe ultra-conservateur (ECR), fervent opposant à la mesure lors du vote au Parlement, « se félicite de cette décision. Nous avons toujours demandé une démarche ouverte qui n'exclut pas les moteurs à combustion. Il convient donc de renégocier tout ce texte », déclare Michael Strauss, porte-parole d’ECR (ultra-conservateur).

« L’Allemagne joue le jeu du lobby des industries automobiles »

« Les Allemands doivent arrêter avec leurs remous intempestifs », a déclaré, excédée, Karima Delli, députée écologiste (Les Verts, écologistes) et présidente de la commission des transports, ce mardi 14 mars, au sujet de la législation sur les véhicules thermiques. Lors de la session plénière de février, le Parlement européen avait approuvé, après des années de négociation, l'interdiction de la vente de voitures neuves à moteur à explosion pour 2035. Le texte devait ensuite être validé sans difficulté par les ministres des États membres. Mais l’abstention inattendue de l’Allemagne a reporté l’adoption du texte sine die. Si ce n’est pas la première fois que le gouvernement de coalition allemand fait volte-face sur des dossiers européens, à ce stade de la procédure : c’est un revirement historique. Ce report a fait pencher la balance du côté des États opposés à cette mesure. 

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