A Bruxelles, jeudi 11 mars, les eurodeputés ont exigé que la Commission européenne engage sans plus attendre des sanctions envers la Pologne et la Hongrie. Ces deux pays sont accusés de violations de l'état de droit.
Les eurodéputés ont interpellé le 11 mars la Commission européenne sur son manque de réactivité face au non-respect de l’état de droit dans certains pays, notamment en Pologne et en Hongrie. Pour la majorité d'entre eux, l’étendue de ces transgressions est considérable et nécessite d’être traitée rapidement. L’eurodéputé allemand Daniel Freund (Les Verts) décrit un détournement de fonds européens massif en Hongrie. Du coté polonais, les réformes judiciaires attirent les critiques pour avoir réduit l’indépendance des tribunaux. « Il y a une forte urgence à agir », insiste Freund.
Devant les eurodéputés, le commissaire européen au Budget, Johannes Hahn, s’est voulu rassurant. Il a indiqué que « toute violation sera traitée avec fermeté » et qu'« aucune poursuite ne sera abandonnée ». Il a aussi expliqué que les dossiers d'infraction à l'état de droit devront être préparés minutieusement pour être efficaces.
L’eurodéputé polonais Bogdan Rzonca (ECR - conservateurs) est quant à lui persuadé que son pays évitera les sanctions. « Il n'y a aucune vraie menace au respect de l'Etat de droit et aux principes de la démocratie en Pologne. Les actions de la Commission européenne sont le résultat d’une campagne de députés du groupe S&D (sociaux-démocrates) et du PPE (centre-droit) au Parlement européen ». Son compatriote Robert Biedrón (S&D) ne partage pas cet avis. Lors des débats, il a affirmé que la procédure de sanctions « devait être mise en œuvre très rapidement ».
Des sanctions difficiles à appliquer
Le respect de l’état de droit fait partie des principales valeurs de l’Union européenne. La corruption ou l’interférence du gouvernement dans le système judiciaire vont à l’encontre de celles-ci. Le traité de Lisbonne prévoit des sanctions pour ce type de dérive comme la suspension des droits de vote au Conseil de l'Union Européenne de l’Etat membre contrevenant. Cette procédure reste cependant difficile à appliquer puisqu’elle doit être approuvée à l’unanimité des autres Etats. En 2018, des eurodéputés ont alors proposé une alternative : un Etat membre qui violerait l’état de droit pourrait se voir retirer une partie des fonds communautaires à la simple majorité qualifiée.
Cette procédure de sanctions financières est en vigueur depuis le 1er janvier 2021, mais le Parlement attend toujours qu’elle soit appliquée contre la Hongrie et la Pologne. Il reproche à la Commission sa lenteur excessive et lui demande d'accélérer les poursuites contre les deux Etats. Une résolution officielle pour marquer l’insatisfaction du Parlement devrait être présentée dans les prochaines semaines. En attendant, la Hongrie et la Pologne contestent fermement les accusations du Parlement. Jeudi 11 mars, ils ont même déposé un recours devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) pour annuler la procédure engagée à leur encontre. Selon l’eurodéputé finlandais Petri Sarvemaa (PPE), la Commission n’a pas d’autres choix que d’attendre la décision de la Cour avant de décider d'éventuelles sanctions. Or, la CJUE ne devrait pas trancher sur le sujet avant l’automne 2022.
Emilio Cruzalegui
Les premières conclusions sont attendues pour le printemps 2022. « Elles seront suivies sans tabou, s’il faut réformer les institutions et les traités, faisons-le », assure Sandro Gozi. « Tous les scénarios sont ouverts », insiste Paolo Rangel (PPE-Centre-droit). Un enthousiasme qui n'est cependant pas pleinement partagé par tous. Ainsi, pour Bert-Jan Ruissen (ECR - conservateurs), il convient de fixer des lignes rouges pour « que l’Union européenne ne devienne pas un "super-État", mettant de côté les spécificités nationales.»
Dans l'immédiat, une nouvelle incertitude pèse sur l'organisation de la Conférence. Sa séance inaugurale pourra-t-elle se tenir à Strasbourg le 9 mai prochain, comme prévu, malgré la pandémie ?
Amandine Poncet
Un lancement retardé
L’idée de la Conférence était sur la table depuis longtemps. Dès son élection à la tête de la Commission en juillet 2019, Ursula Von der Leyen avait exprimé son envie d'initier un moment d'échange citoyen sur l’avenir de l’Union. En janvier 2020, les eurodéputés avaient adopté une résolution allant dans le même sens. Mais les désaccords entre les Etats membres sur le mode de gouvernance d'une telle conférence, puis l'émergence de la pandémie du coronavirus, ont conduit à repousser son lancement d’une année.
Le fonctionnement finalement retenu est celui d’une présidence conjointe de la Conférence par les trois institutions européennes. Un compromis un peu décevant pour les libéraux du Parlement européen qui auraient préféré une présidence unique, confiée à leur ancien président de groupe, le belge Guy Verhofstadt. L'eurodéputé Sandro Gozi (Renew - libéraux) espère néanmoins que ce dernier s'imposera comme « le protagoniste principal du comité exécutif ».
Des agoras réservées aux jeunes
« Ce n’est pas une Conférence pour la bulle bruxelloise, nous voulons entendre la majorité silencieuse », a déclaré Ursula Von der Leyen lors de la cérémonie de signature. Les citoyens seront ainsi invités à proposer leurs idées dans des « agoras » et sur une plateforme en ligne multilingue interactive. Certaines seront spécialement réservées aux jeunes.
Les propositions citoyennes seront ensuite débattues dans le cadre d'une « assemblée plénière » composée de représentants des institutions européennes, des parlements nationaux et de la société civile. « Combiner les plénières et des agoras est le meilleur moyen pour que cette Conférence ne soit pas juste un show », estime Helmut Scholz (GUE/NGL - extrême-gauche).
Les eurodéputés ont débattu de la stratégie européenne pour préserver les droits des enfants avec la vice-présidente de la Commission européenne, Dubravka Šuica. La pandémie de Covid-19 a entravé l'instruction et a pesé sur la santé mentale de beaucoup d'enfants, notamment à cause de la fermeture des écoles. La Commission présentera le 24 mars un nouveau plan d’action pour garantir les droits des mineurs dans tous les États membres. « Grâce à notre action, les enfants pourront retourner à l’école en sécurité », a précisé Dubravka Šuica.
La secrétaire d’Etat pour les Affaires européennes du Portugal, Ana Paula Zacarias, a rappelé devant les eurodéputés l’importance du nouveau plan d’action sur le socle européen des droits sociaux, récemment dévoilé par la Commission européenne. Au nom de la présidence portugaise du Conseil de l’Union européenne, elle a confirmé l’organisation d'un sommet social à Porto, le 7 et 8 mai 2021. Le nouveau plan d’action constituera la base des discussions entre les participants au sommet.
Alexis Cécilia-Joseph, Emilio Cruzalegui
Mercredi 10 mars, les présidents des trois principales institutions européennes ont signé une déclaration commune instituant la « Conférence sur l'avenir de l'Europe ». L'objectif de celle-ci est d’associer les citoyens aux futures réformes de l’Union européenne.
« La démocratie est fragile, il faut la protéger en impliquant les citoyens », a déclaré le président du Parlement européen, David Sassoli, pendant la cérémonie de signature de la déclaration commune de la « Conférence sur l’avenir de l’Europe », ce mercredi 10 mars. Aux côtés de la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, et du président du Conseil, Antonio Costa, il s’est réjouit de la tenue de cette Conférence qui devrait durer près de deux ans. Son but est de mieux prendre en compte l’opinion des citoyens européens, dont 92 % souhaitent que leur voix soit davantage entendue dans les décisions européennes, selon un sondage Eurobaromètre de février 2021.