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A Bruxelles, le débat sur l’accès des pays les plus pauvres au vaccin contre le Covid-19 a été dominé par la question de la levée des brevets, qui a profondément divisé les eurodéputés.

La campagne de vaccination monte en puissance dans le monde, pour atteindre le milliard et demi de doses administrées. Mais obtenir des vaccins reste « un privilège réservé aux pays qui peuvent les produire ou aux plus riches » pour reprendre les mots de l’eurodéputée belge Kathleen Van Brempt (S&D, sociaux-démocrates). Ce 19 mai, le Parlement européen s’est entendu sur un besoin de solidarité avec les pays les plus défavorisés pour faciliter leur accès aux vaccins. Mais la manière d’y parvenir a divisé les eurodéputés. Le principal point d'achoppement a été la proposition de lever les brevets des vaccins, détenus par les laboratoires pharmaceutiques. Défendue publiquement par le Président américain Joe Biden au début du mois de mai, cette idée controversée s’est logiquement imposée dans le débat européen. 

La propriété intellectuelle des laboratoires, source du désaccord

Les eurodéputés favorables à la levée des brevets sont convaincus que les capacités de production sont opérationnelles dans plusieurs pays dotés d’usines pharmaceutiques, comme l’Inde ou le Bangladesh. « Mais le problème est qu'ils se voient refuser des licences pour produire davantage », déplore Philippe Lamberts (Verts/ALE, écologistes). Pour Manon Aubry (GUE/NGL, extrême-gauche), il faut « reprendre le contrôle sur les conditions imposées par les laboratoires ». L’ONG Oxfam regrette, par ailleurs, que le vaccin ait permis à neuf dirigeants de laboratoires de devenir milliardaires. L’organisation s’en remet à la société civile pour que la Commission européenne se saisisse du sujet : « 150 000 signatures pour notre pétition. A un million, les Commissaires devront présenter un acte législatif sur la levée des brevets », explique Sandra Lhote-Fernandes, responsable plaidoyer santé de l’ONG.  

Pour d’autres eurodéputés, pour la majorité de groupes de droite, la levée des brevets n’est pas la solution pour intensifier la diffusion du vaccin dans le monde. Elle risquerait en effet, selon eux, de mettre en péril les Biopharma allemandes, au cœur de la conception des vaccins Arn-messager. « Si les règles du jeu changent en cours de route, les laboratoires ne prendront plus de risques pour fabriquer des médicaments », alerte l'eurodéputé français Geoffroy Didier (PPE, centre-droit). Ces arguments convergent avec la position des laboratoires. « Ce serait une menace pour l’innovation dans le futur », estime ainsi Leem, le syndicat européen du secteur. Autre inquiétude : la maîtrise de technologies de haut-niveau pour produire les vaccins, sans l’aide des laboratoires qui les ont conçus.

Pour être solidaires avec les pays moins riches, les détracteurs de la levée des brevets estiment que l’urgence reste d’intensifier la production, et l’exportation de vaccins. Chrysoula Zacharopoulou (Renew, libéraux) souligne ainsi que l’Union européenne n’a pas « à recevoir de leçons de solidarité » de Joe Biden, en rappelant que les 27 ont déjà exporté la moitié des doses produites sur leur sol, soit près de 200 millions d’unités. De son côté, la Commission européenne, par son vice-président Valdis Dombrovskis « invite les pays développés à mettre en commun leur production », le regard tourné vers les Etats-Unis qui ont jusqu'à présent drastiquement limité leurs exportations.

Maryline Ottmann

Le Parlement européen a rejeté une résolution sur l’impact du changement climatique sur les populations vulnérables des pays en développement. La proposition de "passeport climatique" est apparue comme le principal point de discorde.

Mercredi 19 mai, les parlementaires européens ont rejeté le rapport de Monica Silvana Gonzalez (S&D, sociaux-démocrates) qui appelait à une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux dans la politique d'aide au développement de l'Union européenne. Tout laissait présager que celui-ci allait être adopté mais un flot d’amendements a tant modifié le texte que celui-ci a finalement été rejeté.

L'objectif initial du rapport était de soutenir davantage les dispositifs participant spécifiquement à la lutte contre le changement climatique dans les programmes européens de coopération extérieure. Dans ce sens, il appelait à une augmentation du budget alloué à l'aide au développement des pays les plus défavorisés, en accord avec les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris. Mais c’est une autre mesure envisagée, la reconnaissance du statut de déplacé avec l’instauration d’un passeport climatique, qui a cristallisé les tensions.

Pour Monica Silvana Gonzalez (S&D, sociaux-démocrates) qui portait le texte, il s’agissait « d’une mesure de protection temporaire qui aurait permis des voies migratoires légales et sûres pour les personnes victimes de catastrophes naturelles ». Une proposition controversée qui a été torpillée par l’adoption d’un amendement à l’initiative des groupes de droite. La nouvelle version du texte faisait passer à la trappe la question migratoire mais insistait davantage, à l'inverse, sur le besoin de maintenir les personnes dans leur pays d'origine.

Alice Kuhnke (Verts/ALE, écologistes) n’a pas masqué sa déception et a fustigé ces amendements au rapport initial : « les partis conservateurs ont décidé de voter pour l’inaction », estime-t-elle. « Le texte que nous avions sur la table aujourd'hui était trop faible. Ce processus a été une occasion manquée mais nous reprendrons le combat. »

Hadrien Hubert

 

Le Parlement européen souhaite favoriser le développement d'une migration de travail légale à l'échelle du continent.

Donner une image positive de la migration économique légale, telle est l’ambition principale du rapport adopté par le Parlement européen le mercredi 19 mai. « Pendant la période du Covid-19 de très nombreux travailleurs de première ligne étaient des travailleurs étrangers. Comment nos sociétés auraient pu traverser ces épreuves sans leur présence ? », fait mine de s'interroger l'eurodéputée française Sylvie Guillaume (S&D, sociaux-démocrates) qui a porté le rapport.

Celui-ci souligne la nécessité pour certains pays d’embaucher des travailleurs à l'étranger pour faire face au vieillissement de la population et au manque de main d’œuvre dans certains secteurs clés.  Son objectif est aussi de lutter contre les migrations irrégulières qui conduisent de nombreux réfugiés à risquer leur vie pour rejoindre l’Europe. Parmi les propositions phares des eurodéputés, figure ainsi la création d'un « réservoir de talents » qui permettrait de faciliter l'intégration de travailleurs migrants qualifiés au marché du travail de l’Union européenne.

Actuellement la régulation de la migration de travail relève de la compétence des États. Les députés demandent à la Commission européenne de mettre en place un cadre législatif commun à l'échelle européenne. « Le rapport appelle à l'élaboration d'un code européen des migrations harmonisé qui simplifiera les procédures pour les travailleurs migrants et fera en sorte qu'ils ne soient pas confrontés à vingt-sept procédures fragmentées sur le continent. », explique l’eurodéputé allemand David Boeselager (Les Verts/ALE, écologistes). Des propositions auxquelles se sont opposées les souverainistes. Pour l’eurodéputé français Gilles Lebreton (ID, extrême droite), « l’immigration est une anomalie quand elle n’est pas consentie par les pays d’accueils. »

Pour les députés libéraux, socialistes, écologistes et de la gauche anti-libérale en revanche ce rapport doit être suivi d'effets. « Nous espérons que la Commission reprendra nos idées dans son nouveau paquet "Talents et compétences" », insiste Damien Boeselager. Les propositions de la Commission devraient être connus en décembre 2021.

Claire Blondiaux

La responsabilité environnementale des entreprises : une législation encore trop peu appliquée

20 mai 2021

La responsabilité environnementale des entreprises : une législation encore trop peu appliquée

Jugeant que les entreprises respectent encore trop peu leurs obligations environnementales, les eurodéputés ont proposé une série de mesures pour que les règles existantes soient mieux appliquées.

Jugeant que les entreprises respectent encore trop peu leurs obligations environnementales, les eurodéputés ont proposé une série de mesures pour que les règles existantes soient mieux appliquées.

Jeudi 20 mai, le Parlement européen a approuvé un rapport critique sur le respect des règles environnementales par les entreprises. Les parlementaires ont dénoncé la mauvaise application de la directive sur la responsabilité environnementale, qui date de 2004, et qui vise à responsabiliser les acteurs privés. En guise d’exemple, l’eurodéputée Manon Aubry (GUE-NGL, gauche anti-libérale) a cité le cas de l'industriel français Lactalis. « Sur 70 de ses usines, 38 ont violé le droit environnemental depuis 2010 et pour autant elles n’ont pas été condamnées. Au contraire, elles ont reçu des aides publiques. » 

Pour mettre fin à cette situation, les parlementaires préconisent trois mesures fortes. D’abord, obliger les entreprises à mieux assumer leurs responsabilités. Elles devraient rembourser elles-mêmes les dommages causés sur l’environnement, et ne plus pouvoir se reposer sur les contribuables du pays concerné, en particulier lorsque les réparations sont trop élevées pour les entreprises. Autre interdit, celui de se défausser de leurs responsabilités sur leurs entreprises filiales, y compris lorsque celles-ci sont hors d’Europe. 

Les parlementaires proposent également la création de task forces européennes, dotées de moyens financiers suffisants, qui veilleraient à la bonne application des règles et notamment au respect du principe pollueur-payeur. C’est un point crucial pour Francesca Carlsson, de l'ONG Bureau Environnemental Européen : « La législation actuelle n’est pas mauvaise, mais il n’y a pas assez de personnel pour l’appliquer. Il faut des autorités suffisantes pour pouvoir inspecter, faire des recherches et lancer des poursuites.»

Enfin, les eurodéputés suggèrent de remplacer la directive par un règlement. À la place de règles qui doivent être transposées par chaque État - souvent avec plusieurs années de délai - un règlement doit être appliqué instantanément et intégralement dans toute l’Union Européenne.

En 2022 justement, la Commission européenne doit redéfinir la directive sur la responsabilité environnementale. Mais va-t-elle prendre en compte les recommandations du Parlement ? Pour Antonius Manders (PPE, centre-droit), rapporteur du texte, les dés sont déjà jetés. « Ils m’ont déjà fait savoir que nos propositions ne seraient pas appliquées. Et c’est vraiment une honte, parce que c’est pour protéger notre monde, pour nos petits-enfants.»

Géraud Bouvrot

Hydrogène : le Parlement en quête d'énergie

20 mai 2021

Hydrogène : le Parlement en quête d'énergie

Le Parlement européen a affiché son soutien au le développement d’une filière européenne de l’hydrogène. Une étape nécessaire selon les eurodéputés pour assurer la transition écologique du continent.

Le Parlement européen a affiché son soutien au développement d’une filière européenne de l’hydrogène. Une étape nécessaire, selon les eurodéputés, pour assurer la transition écologique du continent.

Ce 19 mai, les eurodéputés ont exprimé leur soutien à la stratégie de la Commission européenne en matière d’hydrogène. Présentée à l’été 2020, celle-ci prévoit trois phases de déploiement de ce gaz peu polluant en Europe entre 2020 et 2050 : d’abord une augmentation des capacités de sa production, puis le développement de son utilisation dans les systèmes énergétiques intégrés, et enfin son déploiement dans tous les secteurs à grande échelle. 

« L’hydrogène, c’est le pétrole du futur ! » s'est enthousiasmé l’eurodéputé néerlandais Bart Groothuis (Renew, libéraux) lors du débat au Parlement européen. Pour lui, l'Union européenne doit investir vite et fort dans cette source d'énergie afin de tenir son objectif de neutralité carbone en 2050. Mais le Vieux Continent part de loin. L’hydrogène ne représente aujourd'hui que 2 % de son bouquet énergétique. Pour les eurodéputés, il faudrait atteindre au moins 20 % d’ici 30 ans et utiliser cette énergie massivement pour les transports et l’industrie. L’avantage de l’hydrogène est qu’il ne rejette que très peu de gaz à effet de serre lors de sa combustion et qu’il constitue un puissant vecteur énergétique.

Déployer une industrie européenneSi les eurodéputés soutiennent globalement les axes proposés par la Commission, ils invitent toutefois cette dernière à proposer, en collaboration avec les Etats, un véritable plan de formation pour disposer d’une main d’œuvre compétente. Ils l'encouragent également à préciser sa classification de l'hydrogène selon ses différents modes de production. On distingue en effet l'hydrogène « vert », produit à partir d’énergies renouvelables (principalement par électrolyse de l’eau), et l'hydrogène « bas carbone », produit quant à lui à partir d'énergies fossiles ou de nucléaire.

La majorité parlementaire souhaite parier sur le « vert », tout en maintenant des investissements dans le « bas carbone » durant une période de transition.

L’hydrogène « bas carbone » contesté

Une partie des eurodéputés s’est opposée à tout soutien à l’hydrogène « bas carbone ». Pour Manuel Bompard, eurodéputé français (GUE/NGL, gauche) : « Le seul hydrogène compatible avec la transition écologique et environnementale c’est l’hydrogène vert ». Pour de nombreuses ONG, la transition ne peut pas passer par un hydrogène carboné.  Camille Maury, chargée de la décarbonisation industrielle chez WWF explique : « La plus grosse critique que l’on puisse faire c’est cette idée qui est toujours là, que les énergies fossiles vont nous aider dans notre transition ».

Lors du débat, la commissaire européenne à l’énergie, Kadri Simson, a assuré avoir pris bonne note des suggestions des eurodéputés et a réitéré son engagement à « faire de l’Europe un espace propre et chef de file des technologies propres ».

Pierre Frasiak

Morts de migrants en Méditerranée : l'Europe toujours sans politique commune

20 mai 2021

Morts de migrants en Méditerranée : l'Europe toujours sans politique commune

Abordant une nouvelle fois la question des morts en Méditerranée, les eurodéputés ont dénoncé le manque de coordination des Etats membres en matière de sauvetage en mer des migrants.

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