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L'Union européenne prête à réagir face aux taxes de Donald Trump


15 mars 2018

Le Parlement s’est réuni mercredi 14 mars pour débattre des mesures à mettre en place après les taxes annoncées par Donald Trump. Le président américain veut imposer des droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium.

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Chaque jour, des tonnes d'acier transitent par le port de Kehl. L'Union européenne exporte 5 millions de tonnes d'acier aux États-Unis chaque année. © Worldsteel Association

« Si l’Union européenne n’est pas exemptée des taxes douanières que veut mettre en place Donald Trump, nous devrons réagir de façon ferme. » Dans un langage direct, Cecilia Malmström s’est exprimée, mercredi 14 mars au Parlement européen, sur les taxes annoncées par Donald Trump. La commissaire suédoise au commerce n'entend pas courber l'échine face au président des États-Unis qui veut imposer des droits de douane sur les importations d'acier et d'aluminium. Selon les calculs de la Commission, le manque à gagner pour l’Union européenne pourrait être de 2,8 milliards d’euros.

Le 8 mars dernier, Donald Trump a officialisé la mise en place de ces taxes à hauteur de 25% sur les importations d'acier, et de 10% pour l'aluminium. La mesure ne s’appliquera qu’à partir du 23 mars. Le pensionnaire de la Maison-Blanche a précisé que certains pays pourraient y échapper. Le Mexique et le Canada en sont « pour le moment exemptés », a-t-il ajouté. L’Union européenne espère parvenir à un accord similaire, mais a tout de même élaboré une stratégie en cas d’échec dans les négociations.

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A gauche, le tweet original publié par Donald Trump le 10 mars 2018, à droite sa traduction.

Priorité à la négociation

« Nous sommes partenaires de longue date avec les États-Unis, je ne vois pas pourquoi nous devrions justifier que nous ne sommes pas une menace. L'Union européenne devrait être exemptée de ces taxes », a énoncé Cecilia Malmström devant le Parlement européen. Le 10 mars, la commissaire européenne a pourtant subi un premier revers. Elle rencontrait à Bruxelles Robert Lightizer, représentant au commerce américain pour s’entretenir sur ces taxes. Leur conversation s’est révélée infructueuse pour l’Union européenne. « Une guerre commerciale serait néfaste pour les relations transatlantiques et l’ordre mondial bâti avec les partenaires américains, a-t-elle détaillé. Il faut éviter que les choses ne dérapent, manoeuvrer de façon prudente. » Donald Trump accuse l'Union européenne de taxer, elle aussi, les produits qu'elle importe d'une manière qu'il juge injuste.

« Pendant les quinze jours à venir, la priorité de l’Union européenne, c’est de parvenir à être exemptée de ces taxes », rapporte une source européenne. Lors du débat, les députés ont rappelé l’importance d’éviter une guerre commerciale. « Le Parlement soutient pleinement la Commission », a sobrement annoncé le bavarois Manfred Weber au nom du PPE (droite). Même son de cloche pour l’ALDE (libéraux) : « Nous n’avons pas besoin de guerre commerciale, nous allons faire notre possible pour l’arrêter », a précisé la députée néerlandaise Martieje Schaake. « Nous devons ensemble dire à M. Trump que nous tenons au respect du droit international et non au seul droit du plus fort qui prévaudrait sur tous les autres », a complété l’allemand Bernd Lange du S&D (Sociaux-démocrates)

Une taxe contre les Harley Davidson ?

En cas de maintien de la taxe sur les exportations d’acier et d’aluminium, trois axes de riposte sont possibles. L'Union européenne envisage, en premier lieu, d’intenter une procédure devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC). À plus court terme, elle mettrait en oeuvre des mesures de sauvegarde. À la suite de l’augmentation des droits de douane américains, de nombreux pays pourraient chercher à exporter leur production vers l’Union européenne. Bruxelles mettrait ainsi en place des quotas d’importation, afin d’éviter une concurrence subite pour les producteurs européens.

Le troisième axe consiste en des mesures de rééquilibrage pour combler le manque à gagner. L'Union européenne travaille à l'élaboration d'une liste de produits taxés à leur importation des États-Unis. Seront concernés des articles typiquement américains, tels que les motos Harley Davidson, les jeans Levi’s, ou encore le beurre de cacahuètes. La liste pourrait être publiée par Bruxelles avant le 23 mars si les États-Unis n’ont pas reculé d’ici là. Les différents États membres en discuteront lors du « trade barriers committee ».

La liste se veut très symbolique, ce que conteste le député français Yannick Jadot (Verts/Ale) : « On exporte pour 6,4 milliards d’euros vers les États-Unis (dont 5,3 sur l’acier et 1,1 sur l’aluminium). On ne sait pas encore ce qui va être couvert par le dispositif américain. Il ne faut donc pas être dans le symbolisme mais dans la rétorsion commerciale à hauteur du préjudice subi.»

« On pourrait perdre jusqu’à 20 000 emplois »

Chaque année, l'Union européenne exporte 5 millions de tonnes d'acier aux États-Unis. « Avec 25% de droits de douane, on aura ces millions de tonnes d’acier qu’on ne pourra plus vendre à un prix compétitif sur le marché », explique Charles de Lusignan, porte-parole d'Eurofer. « L'industrie de l'acier est très présente en Europe, avec 320 000 employés », précise-t-il. Le secteur représente 1,2% du PIB de l'Union européenne. « Si les taxes entrent en vigueur, on pourrait perdre jusqu'à 20 000 emplois », ajoute-t-il. L'Allemagne serait la plus touchée : elle assure un quart des exportations vers les États-Unis avec 1,3 million de tonnes chaque année. La France se classe au 7e rang avec 277 000 tonnes.

Jeudi après-midi, Cecilia Malmström s'est entretenue par téléphone avec Wilbur Ross, le secrétaire d'état américain au commerce. Ils devraient se rencontrer la semaine prochaine pour poursuivre les négociations.

Nicolas Grellier et Mathilde Obert

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