Vous êtes ici

La nomination du nouveau secrétaire général de la Commission provoque un tollé au Parlement


14 mars 2018

La nomination expresse et peu transparente de Martin Selmayr au poste de secrétaire général de la Commission européenne irrite les eurodéputés. Ils ouvrent une enquête pour favoritisme.

[ Plein écran ]

Günther Oettinger, commissaire en charge des ressources humaines, défendant la nomination de Martin Selmayr devant des eurodéputés, lundi 12 mars. ©  Phœbé Humbertjean 

 

« Vous nous prenez pour des enfants. » « Cette décision ternit l’image de l’Union européenne et encourage l’euroscepticisme. » La nomination, le 21 février, de Martin Selmayr au poste de secrétaire général de la Commission européenne ne passe pas. Les eurodéputés, de tous bords politiques, n’ont pas mâché leurs mots lors du débat du 12 mars en plénière.

En face d'eux, dans l’hémicycle, le commissaire en charge des ressources humaines Günther Oettinger, venu défendre la décision de son patron Jean-Claude Juncker, a essayé tant bien que mal d’apaiser les esprits. « Nous avons respecté les règles en vigueur pour nommer monsieur Selmayr, s’est-il défendu. Il est parfaitement qualifié pour son nouveau poste de par ses capacités, son expérience, son esprit européen et sa stature politique. »

Indignation unanime dans l'hémicycle

Un avis loin d’être partagé par les parlementaires européens. Si certains ont évité de s’attarder sur le personnage de Selmayr, d’autres n’ont pas hésité à mettre en garde contre  un « fanatique », un « homme sombre », ou encore « un énième Allemand placé à un poste sensible qui va consacrer la suprématie des bureaucrates sur les politiques. »

Même certains membres du groupe PPE (Parti Populaire européen, droite), dont Selmayr est proche, ont exprimé leur mécontentement. « Au sein de nos institutions, les nominations aux postes de la haute administration doivent se faire de manière transparente et juste, en suivant les règles de procédures, et non pas derrière des portes closes ou grâce à de petits arrangements entre amis », a dénoncé l'eurodéputée Françoise Grossetête (PPE).

Les opposants à la promotion de Martin Selmayr reprochent à Jean-Claude Juncker d’avoir méprisé les règles en procédant à une nomination expresse et pas assez transparente. Agé de 47 ans, l’Allemand a rapidement gravi les échelons au sein de l’Union européenne. Juriste de formation, il a intégré la Banque centrale européenne de 1998 à 2000. Neuf ans après, il retrouve l’UE en occupant le poste de porte-parole puis de chef de cabinet de la commissaire luxembourgeoise Viviane Reding. En 2014, il mène avec succès la campagne de Jean-Claude Juncker et devient directeur de son cabinet.

[ Plein écran ]

Les eurodéputés de tous bords politiques ont exprimé sévèrement leur mécontentement concernant la nomination de Martin Selmayr. © Mado Oblin

Le Parlement a chargé la commission du contrôle budgétaire d’enquêter sur cette promotion controversée. Les eurodéputés cherchent ainsi à faire pression sur Juncker en utilisant la décharge budgétaire. Cette procédure permet au Parlement, en cas d’anomalie détectée par cette commission d'enquête, de refuser ou d’ajourner la décharge budgétaire de la Commission européenne.

La menace de motion de censure plane sur la Commission 

Par le passé, le Parlement a utilisé cette technique à deux reprises. La première fois en 1984. La deuxième fois en 1998, obligeant la Commission Santer à démissionner un an plus tard. A l’époque, la Française Edith Cresson, alors commissaire en charge de la recherche, était visée par des allégations de favoritisme, tandis que l’Espagnol Manuel Marin, commissaire en charge des affaires extérieures, était accusé de fraude dans l’aide humanitaire.

« L’idée est de dire à la Commission européenne : vous n’êtes pas assez transparents dans vos démarches et donc vous dépensez l’argent d’une manière illégale », explique Indrek Tarand, député estonien du groupe les Verts/ Alliance libre européenne et vice-président de la commission du contrôle budgétaire. Je n’ai jamais vécu ce scénario durant mes neuf ans au Parlement, mais théoriquement, et selon les traditions, quelqu’un devra démissionner si le budget est ajourné ou refusé. »

Une première réunion est prévue les 19 et 20 mars, puis une résolution sera votée lors de la plénière d’avril. « Cette résolution sera un message politique pour rappeler à la Commission européenne qu’elle doit respecter les règles », indique Bart Staes (groupe des Verts/ Alliance libre européenne), membre de la commission du contrôle budgétaire, tout en assurant qu’une motion de censure est une piste envisageable par la suite. Pour être adoptée, une motion de censure doit recueillir les deux tiers des suffrages exprimés lors du vote. La Commission est alors obligée de démissionner en bloc. Mais cette procédure n’a jusqu’alors jamais abouti.

Louay Kerdouss et Shaza Al Maddad 

Imprimer la page