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Le Parlement lance la bataille du budget


15 mars 2018

Mercredi 14 mars, le Parlement européen, réuni à Strasbourg, a adopté à une large majorité deux propositions sur le budget de l’UE post-2020. Des textes ambitieux qui relancent le débat sur l’avenir financier de l’Union, sur fond de Brexit.

Le Parlement veut un budget plus grand. Et l’a réaffirmé ce mercredi 14 mars à Strasbourg en adoptant deux propositions, l’une sur le plan budgétaire et l’autre sur ses moyens de financement. D’ici 2021, les textes proposent une augmentation nette des recettes de l’Union en misant sur un vieux rêve européen : les ressources propres.

Les ressources propres, ce sont des taxes dont les recettes vont directement dans la poche de l’Union européenne, sans passer par celle des Etats membres. A l’heure actuelle, elles représentent moins de 30% des 157,9 milliards qui constituent le budget de l’Union. Mais les eurodéputés souhaitent voir cette part augmenter, en créant de nouvelles taxes. Premières mesures annoncées : prélever 5% des revenus des géants du numérique comme Amazon et Google, taxer la production de plastique, imposer les transactions financières... 

Combler le trou budgétaire du Brexit

Pour l’un des rapporteurs belges Gérard Deprez (député PPE, droite), il est urgent de repenser le financement de l’UE. « On ne peut pas demander à certains États endettés de contribuer davantage. Les ressources propres peuvent prendre le relais. » D’autant que le départ imminent du Royaume-Uni va entraîner une baisse du budget annuel, de l’ordre de 12 à 14 milliards. « Avec le Brexit, la situation n’est plus tenable », explique la co-rapporteuse française, Isabelle Thomas (S&D, sociaux-démocrates). « Il faut doter le budget pour atteindre ses objectifs. » 

Dans l’hémicycle, les parlementaires se sont emparés du sujet. Deux camps se dégagent. D’un côté, les conservateurs et les eurosceptiques sont contre l’augmentation du budget, qu’ils jugent inutile. « Si un pays sort, il faut réduire la voilure. Les citoyens souhaitent une Europe économe », a réagi l’eurodéputé allemand, Bernd Kölmel (ECR, conservateurs). Le texte ne remporte pas non plus une totale adhésion auprès des libéraux : 20 europarlementaires ALDE, dont le président Guy Verhofstadt, se sont abstenus mercredi. La raison : un amendement sur la flexibilité budgétaire aurait été rayé des textes finaux.

Des arguments balayés par l’autre camp, ressorti largement victorieux des scrutins (458 et 442 voix en faveur des deux textes pour seulement 177 et 166 voix contre), qui défend un budget adapté pour l’Europe. « Plus personne ne peut prétendre qu’avec ce budget, il est possible de financer les politiques européennes et les futures priorités », a souligné Alain Lamassoure (PPE, droite). « Avec un budget moins important, l’Union ne sera pas à la hauteur de ses ambitions. Elle perdrait son sens aux yeux des gens », a renchéri Jordi Solé, un eurodéputé espagnol (Verts, ALE).

Conjuguer anciennes et nouvelles priorités

Concrètement, les eurodéputés veulent profiter de l’argent supplémentaire engrangé pour continuer à financer les priorités traditionnelles de l’UE : la politique régionale et la PAC (Politique agricole commune). Les textes proposent aussi de renforcer certains programmes, en triplant le budget d’Erasmus ou encore en doublant les fonds destinés aux PME. « Nous avons plus à faire avec moins », estime Isabelle Thomas. Réchauffement climatique, réfugiés, les nouveaux dossiers s’accumulent.

Si le Parlement a arrêté sa position, il doit désormais trouver un terrain d’entente avec la Commission et le Conseil, c’est-à-dire les États. Si Günther Oettinger, commissaire européen au Budget, indique « être d’accord à 90% » avec les propositions du Parlement, la position du Conseil est loin d’être arrêtée. D’autant que les Etats doivent adopter le texte à l’unanimité. Or, les divisions vont bon train.

En marge du sommet à Bruxelles fin février, c’est l’hypothèse d’une augmentation de la participation directe des Etats membres qui semblait la plus populaire auprès des chefs d’État. Avec ces « contributions nationales », qui constituent 70% du budget de l’Union, chaque pays donne un pourcentage fixe de son Revenu National Brut (RNB) à l’UE, chaque année. Le Parlement souhaite s’éloigner de ce mode de financement, pour ne plus dépendre des Etats.

La question brûlante des contributions nationales

Pourtant, certains pays ont clairement laissé entendre qu’ils voulaient contribuer davantage. Le nouveau gouvernement allemand s’est engagé sous la pression du SPD (sociaux-démocrates) à augmenter la contribution nationale. Huit pays d’Europe de l’Est se sont également prononcés en ce sens lors d’un sommet à Budapest début février. « Je suis extrêmement reconnaissant à ces États membres d’avoir accepté de contribuer un peu plus », a salué Günther Oettinger.

De l’autre côté, le Danemark, la Suède, les Pays-Bas et l’Autriche font bloc. « Mon but n’est pas d’augmenter les contributions, mais d’obtenir de meilleurs résultats avec un budget moindre », a déclaré début mars le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte. La position de la France sur le sujet reste pour le moment floue. Si Emmanuel Macron entend pousser, avec Angela Merkel, à un effort collectif, le président n’a pas détaillé comment.

Entre les deux, une autre position se dessine : la Pologne, le Portugal et les trois pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) soutiennent la nécessité d’augmenter le budget coûte que coûte, y compris grâce à de nouvelles formes de recettes. Une volonté réaffirmée mercredi lors du discours d’Antonio Costa au Parlement : « le Portugal est disponible pour augmenter sa contribution et soutient la création de nouvelles ressources propres ».

Le consensus entre tous les pays sera compliqué à trouver. Si la proposition de la Commission et du Conseil est trop éloignée de leurs revendications, certains europarlementaires envisagent d’aller jusqu’au bras de fer et de ne pas accepter le texte. « Il faut savoir utiliser les outils mis à disposition par les traités ! », insiste Isabelle Thomas. Alors que l’UE doit valider son plan pour le budget avant la fin 2020, les débats s’annoncent houleux.

Marianne Naquet et Corentin Parbaud

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