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La victoire des eurosceptiques en Italie plonge l’Europe dans l’incertitude


15 mars 2018

Au Parlement européen, la percée des forces antisystèmes aux élections législatives italiennes suscite l'inquiétude.

« J’espère avoir l’honneur de diriger mon pays.» Matteo Salvini, eurodéputé italien, fait une entrée triomphale au Parlement européen, mardi 13 mars. Les membres de son groupe, venus le soutenir, applaudissent avec ferveur chacune de ses déclarations. La conférence de presse prend soudain des airs de meeting politique. L'Europe des Nations et des Libertés (extrême droite) salue la victoire de son leader.

Lors des élections législatives du dimanche 4 mars, les partis anti-systèmes et d'extrême-droite ont fait une percée spectaculaire en Italie, membre fondateur de l'Union européenne et troisième économie de la zone euro. Le Mouvement 5 étoiles est arrivé en tête de ces élections, avec 32 % des voix. Mais la véritable surprise du scrutin est le résultat du parti de Matteo Salvini, La Ligue. Contre toute attente, il a obtenu 17% des votes et a devancé la formation Forza Italia de Silvio Berlusconi au sein de la coalition de droite. Cependant, aucune majorité ne se dégage, et les prétendants au poste de Président du Conseil devront former une alliance dont les contours restent très incertains.

« Les conséquences sont encore imprévisibles puisque l’on ne sait pas encore quelle coalition va gouverner », commente Charles de Marcilly, responsable à Bruxelles de la Fondation Robert Schuman. Ce qui est certain c'est que si Le Mouvement 5 étoiles ou la Ligue accèdent au pouvoir, certaines politiques de l’UE pourraient en pâtir : l’espace Schengen, la réforme de la zone euro, et surtout, l’immigration. « Les Italiens ont eu un sentiment très fort d’abandon sur la politique migratoire, de la part des autres pays européens », explique Charles de Marcilly.

Une campagne anti-migrants

Matteo Salvini, leader de la Ligue, a fait de la lutte contre les migrants le coeur de sa campagne électorale. Depuis 2013, l’Italie en a accueilli 700 000. « Les commissaires européens associent l’Italie à un camp de réfugiés, affirme Matteo Salvini, devant les journalistes. Bien sûr il faut accepter d’aider ceux qui fuient la guerre, mais ils nous faut refuser les migrants économiques. » Le député français Alain Lamassoure (PPE/droite) estime que l’UE ne doit pas porter toute la responsabilité de la crise migratoire : « Ce n’est pas Bruxelles ou le Parlement européen qui doivent être mis en cause, mais l’égoïsme des pays voisins qui ont refusé d’appliquer les décisions européennes. »

Endiguer la montée des populismes

« Le vote des italiens est un signal d’alarme pour les institutions européennes, commente la députée italienne Eleonora Forenza (GUE/gauche radicale), et notamment pour la Commission, avec la défaite de la social démocratie en Italie, entraînant la chute de Matteo Renzi, et le rejet net des politiques d’austérité. »

Pour l’Union européenne, il s’agit désormais de contenir cette montée des partis anti-systèmes, déjà au pouvoir en Autriche, en Hongrie et en Pologne, en s’attaquant à leurs causes. « L’impuissance du budget européen a des conséquences sur la montée des nationalismes. Si l’on n'arrive pas à financer l’Europe, bien sûr que cela nourrit les populismes, c’est cela que les gens nous reprochent », explique Isabelle Thomas, députée française (S&D/sociaux-démocrates).

Même diagnostic pour Pierre Moscovici, le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires : « Une des choses dont nos peuples souffrent aujourd’hui, c’est un sentiment d'iniquité forte. Par exemple quand les firmes multinationales ne paient pas d’impôt, c’est une source des montées du populisme.»

Malgré le flou, une certitude se dégage toutefois : un Brexit à l’italienne est très peu probable. Il faudrait pour cela réviser la Constitution, qui interdit les référendums sur les traités internationaux. « L’Italie ne sortira pas de l’UE, assure Eleonora Forenza. Matteo Salvini était très agressif envers les institutions européennes pendant la campagne, mais il a déjà annoncé qu’il ne souhaitait pas sortir de l’UE, ni de l’Otan.»

Sophie Bardin et Marie Dédéban

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