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Le Watergate grec fragilise l'État de droit


17 février 2023

Depuis juillet 2022, le gouvernement grec est accusé d’avoir mis sur écoute des journalistes et des personnalités politiques grâce au logiciel espion Predator. Les députés européens s'inquiètent du recul grandissant de l’État de droit dans le pays.

"En Grèce, les écoutes téléphoniques se font à grande échelle" assure l’eurodéputé grec Georgios Kyrtsos (Renew, libéraux). Il est bien placé pour en parler, il a lui-même été mis sur écoute pendant 18 mois par le logiciel espion Predator. Au moment des faits il était membre du parti du gouvernement au pouvoir en Grèce, Nouvelle Démocratie. Critique de certaines décisions politiques, il en a été évincé. D’autres hommes d’affaires, politiciens et journalistes ont été surveillés. Ils s’étaient aussi ouvertement opposés au gouvernement. 

D’après l’ONG Reporters sans frontière, au total, 13 journalistes grecs ont été mis sur écoute l’année dernière. “Il n’y a pas eu une remise en cause de la liberté de la presse aussi inquiétante dans l’Union européenne que le Predatorgate en Grèce, confie Pavol Szalai, responsable du bureau de l’UE de RSF.

Ces écoutes téléphoniques ont été décelées par l’ADAE, le gendarme de la vie privée grecque. "Maintenant il y a une guerre ouverte du gouvernement et du procureur général contre cette autorité indépendante", affirme Georgios Kyrtsos. Début février 2023, le procureur général grec a interdit à l’ADAE de mener des recherches auprès des sociétés de télécommunication pour découvrir qui était sur écoute. Ce constat a accru l’inquiétude, déjà importante, des parlementaires européens. L’année dernière, une délégation s’était même rendue en Grèce pour enquêter sur l’utilisation de Predator.

Des députés poussent à l’action

Une large majorité au centre et à gauche de l'hémicycle a dénoncé cette situation dégradée. L’eurodéputée grecque Syriza Kóstas Arvanítis (GUE/NGL gauche radicale) parle d’ “un pas de plus vers le recul de l’État de droit dans le pays.” Selon la parlementaire belge Saskia Bricmont (Les Verts, écologistes), “La Grèce suit le même chemin que la Pologne et la Hongrie avant elle. Il nous appartient d’agir et de dépasser le stade des recommandations.” 

Georgios Kyrtsos, eurodéputé grec (Renew, libéraux) mis sur écoute. © Mathieu CUGNOT, European Union 2022 - Source : EP

De son côté, le PPE (droite), groupe majoritaire dans l'hémicycle dont fait partie Nouvelle Démocratie, le mouvement au pouvoir en Grèce, porte une voix dissonante. "Quelqu'un s’en prend au gouvernement en faisant la campagne de l'opposition", a affirmé l’eurodéputée grecque Eliza Vozemberg (PPE, droite), faisant référence aux élections législatives grecques de juillet prochain. 

La Grèce à la traîne pour la liberté de la presse

L’ONG Reporters sans frontière est satisfaite que les eurodéputés se saisissent de cette question. Pavol Szalai aimerait pourtant qu’ils aillent plus loin : "les eurodéputés parlent régulièrement de la violation de la liberté de la presse en Hongrie mais pas en Grèce alors qu’elle y est davantage en danger." En 2022, le pays a perdu 38 places dans le baromètre de la liberté de la presse de RSF, passant de la 70ème à la 108 place sur 180 nations. Cette position fait de ce pays l’État membre le moins bien classé de l’Union européenne. 

Adélie Aubaret et Pauline Beignon

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