À gauche comme à droite, un argument fait mouche : de l’énergie économisée c’est un pas en plus pour « isoler l’empire russe agressif » tonne le bulgare Radan Kanev (PPE, droite). Dans un contexte de crise de l’énergie suite à la guerre en Ukraine, l’Europe pousse pour retrouver une plus grande indépendance énergétique. Les eurodéputés espèrent, par ce texte, économiser 50 milliards de mètres cubes de gaz, soit l’équivalent de la consommation de 35 millions de foyers européens.
Ce projet de loi sera prochainement discuté entre les institutions européennes, notamment les États membres, pour trouver un accord final. Alors que les gouvernements français et allemand regrettent un manque d’ambition, l’Italie et la Pologne ont déjà annoncé leur réticence face à la directive. Des négociations qui s’annoncent délicates.
Une volonté d’indépendance énergétique
Un autre point épineux persiste : trouver des fonds. Pour l’instant le texte reste flou sur le budget alloué, ce qui alimente les spéculations et les critiques de l’opposition. François-Xavier Bellamy (PPE, droite), à la tête de la délégation française du parti, s'oppose à ce projet qu’il juge « punitif » et infinançable. Il évoque un coût annuel de « 275 milliards » alors que Bruxelles ne prévoit que « 150 milliards d’euros de budget global ». Il est rejoint par beaucoup d’ultraconservateurs du groupe ECR et des membres de l’extrême droite d’ID. Ils brandissent le manque de réalisme financier pour torpiller le texte.
À l’inverse, Hélène Sibileau du Think tank Building Performance Institute Europe, est plutôt confiante : « les banques voudront investir dans un marché de la rénovation créé automatiquement après cette obligation ». Elle se dit « satisfaite » du texte ambitieux qui « après 20 ans d’information et d’incitation sans changement » passe enfin à l’engagement en contraignant des États à rénover leurs édifices. Une porte ouverte à la création d’emplois selon elle : « Pour un million investi dans un programme de rénovation, 18 emplois sont créés au niveau européen. C’est plus que dans le nucléaire ou le fossile. »
Guerre des chiffres
« Ici, il s’agit de façonner l’avenir de notre planète », a scandé Ciaran Cuffe, eurodéputé (Les Verts, écologistes), dans l’hémicycle. Une majorité de parlementaires européens a voté en faveur de la rénovation en profondeur des bâtiments dans l'Union européenne. Ces derniers sont responsables de 36% des émissions de gaz à effet de serre du continent. À partir de 2028, les nouvelles constructions devront rejeter « zéro émission » de CO2. Objectif : le secteur entier devra être décarboné à l’horizon 2050 pour lutter contre le réchauffement climatique et pour plus d’autonomie stratégique Pour cela, chaque État membre devra décider d’un système pour organiser la rénovation de ses édifices à échelle nationale. « Il faut commencer par s’attaquer aux bâtiments les moins efficients énergétiquement », explique la commissaire à l’énergie Kadri Simson. C’est bien un plan de rénovation par étapes qui est prévu dans ces objectifs contraignants. Les 15% des logements les moins performants dans chaque pays - classés G - devront être réhabilités pour obtenir au minimum une étiquette E d’ici 2030 puis D d’ici 2033. Petite exception faite pour les monuments historiques et édifices religieux. Le but des travaux est de réduire progressivement le nombre de passoires thermiques en Europe.
À partir de 2028, les nouveaux bâtiments construits dans l’Union européenne seront décarbonés. Cette mesure a été votée à une large majorité par les eurodéputés ce 14 mars. Elle s’inscrit dans l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 et favorise l’indépendance énergétique du continent. Les chantiers prévus sont cependant nombreux et créent des doutes sur le financement du projet.
Au-delà des tensions autour de la loi sur les véhicules à moteurs, les voltes-faces de l’Allemagne agacent de plus en plus au niveau européen.
Paris et Berlin, déjà opposées sur la question du nucléaire et des énergies renouvelables, s’affrontent de nouveau sur cette législation. Au micro de France Info, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie français, a déclaré ne pas vouloir de renégociation du texte. « Il ne faut surtout pas décaler cet objectif [l’abandon des moteurs thermiques après 2035]. Nous sommes prêts à aller au bras de fer sur ce sujet car c’est une faute environnementale. »
Concernant la suite des événements, « c’est un peu trop tôt pour dire ce qu’il va advenir de la législation » confie une source proche du dossier. Selon elle, il y a plusieurs possibilités. L’Allemagne pourrait finalement décider de ratifier l’accord tel quel. Elle pourrait aussi obtenir des modifications dans la législation, et entraîner ainsi un nouveau vote du Parlement européen.
Dernière possibilité, en cas d’impasse pour trouver un compromis, une nouvelle loi sur les e-fuels pourrait être écrite par la Commission européenne. L’idée de faire du tout-électrique d’ici 2035, serait alors définitivement abandonnée.
Quel avenir pour les moteurs thermiques ?