Cependant, deux points ont concentré les tensions dans l’hémicycle. Le premier concerne la protection des investissements et le « Mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats » (ISDS). Cet outil, inscrit dans de nombreux traités de libre-échange, permet aux entreprises et investisseurs étrangers d’attaquer en justice un Etat européen s’ils estiment que leurs mesures politiques nuisent à leur profit. Une mesure qui scandalise la députée néerlandaise Anne-Marie Mineur (GUE, gauche antilibérale) : « L’ISDS établit une justice en faveur des multinationales, qui minimise le rôle de la loi et de la démocratie et met à mal les gouvernements et la souveraineté des Etats ». En réponse, David Martin assure « avoir obtenu des garanties concernant la mise en place d’un système juridictionnel avec possibilité d’appels et des garanties juridiques ».
C’est la première fois que l’UE signe un partenariat de libre-échange avec un pays d’Asie du sud-est. Un enjeu de taille. « Singapour est la porte d’entrée vers les marchés asiatiques », assure l’eurodéputé espagnol Antonio Lopez-Isturiz White (PPE, chrétien démocrate). La cité-Etat est d’ores et déjà le premier partenaire commercial de l'UE dans la région. Leurs échanges s’élèvent à 53,3 milliards d'euros de marchandises en 2017, et 44,4 milliards d'euros de services en 2016. 10 000 entreprises européennes y sont établies.
Un accord pour les multinationales ?
« C’est l’accord le plus progressiste que nous ayons signé, un modèle pour l’avenir », se réjouit David Martin. Car à la disparition des barrières douanières s’ajoute une nouveauté : l’inclusion dans le traité de dispositions sur le droit social et le développement durable. En échange de la levée des barrières douanières, Singapour se voit obligé de ratifier trois conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur les discriminations et le travail forcé. De plus, Singapour s’engage à respecter l’accord de Paris sur le climat. L’introduction de ces contreparties pourrait servir de modèle pour les futurs traités. L’UE négocie d’ailleurs actuellement un accord similaire avec le Vietnam. « Le protectionnisme américain pousse nos partenaires à accentuer leur coopération avec l’UE », affirme David Martin.
Le Parlement européen a adopté, mercredi 13 février, les différents volets du partenariat commercial entre l’Union européenne et Singapour. Cet accord doit faciliter les échanges entre l’Europe et ce pays d’Asie du sud-est, en échange de contreparties sociales. Il suscite cependant de vives critiques.
Il aura fallu dix ans pour arriver à un accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et Singapour. Le Parlement européen a approuvé, mercredi 13 février, le traité négocié par la Commission européenne. Le texte, adopté à 425 voix contre 186, et porté par l’eurodéputé britannique David Martin (S&D, sociaux-démocrates) comprend deux volets : l’un commercial, l’autre sur la protection des investissements. lls doivent éliminer les barrières douanières et établir un environnement juridique favorable aux investissements.
Quels ont été les principaux points de désaccord ?
La négociation de l’accord a été marquée par une bataille entre les protecteurs des droits d’auteur et les militants d’un Internet libre. Parmi eux, l’allemande Julia Reda (Verts) pour qui la manière dont le contenu sera filtré est « une menace pour les petits éditeurs, auteurs et utilisateurs d’Internet ». En dépit de ces critiques, la majorité des eurodéputés ont salué, avec la commissaire européenne à l’Economie et à la Société numérique, Mariya Gabriel, un accord qui « améliore l’équité des pratiques en lignes des plateformes ».
Clémence Barbier
Officiellement pourtant, à Strasbourg, personne n’ose s’avancer sur les bouleversements à venir du Parlement. « C’est un sujet trop sensible », explique le co-président polonais du groupe CRE et membre du PiS, Ryszard Antoni Legutko.
Au PPE, si on refuse formellement tout rapprochement avec Salvini, on reconnaît néanmoins à demi-mot que « fatalement, il y aura une recomposition ». Et le président du groupe, l’Allemand Manfred Weber laisse planer le doute. « Nous devons travailler avec tous, et écouter tout le monde pour trouver une vision commune », a-t-il affirmé, en septembre, dans un entretien accordé au quotidien italien La Stampa. La porte ouverte à toutes les options.
Mayeul Aldebert et Sarah Lerch
Le leader de la Ligue a pour ambition de construire un front très à droite au sein du Parlement. Pour se faire, il essaye d’attirer les membres de l’aile droite du PPE, notamment les eurodéputés hongrois du Fidesz, le parti du Premier ministre Viktor Orban. Il s’est d’ailleurs rendu en Hongrie en août. Autre pays visité récemment par Salvini : la Pologne, où il s'est déplacé le 9 janvier afin de discuter avec les dirigeants du parti Droit et Justice (PiS, conservateurs et eurosceptiques). Des Polonais à la recherche de nouveaux alliés en raison du départ planifié des conservateurs britanniques, leurs principaux partenaires au Parlement européen. Au vu des positions déjà communes entre la Ligue et le PiS, Italiens et Polonais pourraient bientôt se retrouver au sein d’un même groupe.
En parallèle, Luigi Di Maio multiplie les échanges. Car un autre groupe risque aussi de disparaître à cause du Brexit: l’EFDD, qui associe actuellement les élus Cinq-Etoiles aux Britanniques eurosceptiques de UKIP. C’est dans cette optique que le ministre italien s’est rendu en France début février, pour rencontrer des Gilets Jaunes projetant de former une liste aux élections européennes, et qu’il a pris contact avec les dirigeants de la droite polonaise Kukiz’15, le croate Zivi Zid et les libéraux du Finlandais Liike Nyt.
À l’inverse, les sociaux-démocrates, par la voix de leur président Udo Bullman (S&D), se sont montrés inquiets « de voir que l’un des membres fondateurs amène la nation italienne dans l’isolement politique et économique ». Le Belge Guy Verhofstadt (ADLE, libéraux) a dénoncé le passage d’un pays « défenseur et partisan enthousiaste de l’Europe à un qui attaque l’Europe », avant de surnommer Conte la « marionnette de Salvini et Di Maio ».
Élections européennes en ligne de mire
Un débat tendu, à quelques semaines des élections européennes prévues en mai, lors desquelles se jouera la recomposition politique du Parlement européen. La crainte d’une assemblée trop fragmentée est dans toutes les têtes. Surtout depuis que Salvini et Di Maio sont passés à l’offensive pour tenter de peser davantage dans les équilibres politiques de la future assemblée.