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Depuis le 4 mars, le Haut-Rhin est un nouveau foyer épidémique du coronavirus, où la situation est passée en stade 2 renforcé. L’inquiétude ambiante et les mesures de restrictions obligent les candidats à revoir leur stratégie de campagne.

Rimbach-près-Guebwiller est niché dans une petite vallée à 600 mètres d'altitude. Photo Pauline Boutin

 

À Strasbourg, comment tracter sans serrer les mains

Vidéo Pauline Boutin

« Tout est chamboulé, perturbé. » Christophe Meyer (LREM), candidat à la mairie de Cernay - à l’ouest de Mulhouse - ne mâche pas ses mots pour qualifier la crise. Depuis une semaine, il vit dans un « cluster » : le Haut-Rhin est devenu l’un des principaux foyers épidémiques du nouveau coronavirus (sars-cov-2), avec 260 cas en date du 10 mars. 

A Mulhouse, toute la ville a été prise de court. « Il s’est abattu un climat de forte panique », explique Romain Spinali (SE), candidat aux municipales. En plus des mesures du gouvernement - fermeture d’établissements scolaires, de crèches, de musées, de bibliothèques, etc - la maire sortante et candidate à sa réélection, Michèle Lutz (LR), a demandé l’interdiction des concerts et réunions publiques de plus de 50 personnes, pour une durée de 15 jours. 

Les candidats à l’assaut des réseaux 

Dans une ville au ralenti, la campagne électorale se trouve bousculée, et ce, à seulement quelques jours du premier tour des municipales. La plupart des meetings et réunions de campagne ont été annulés. Une mesure « tout à fait normale », estime l’aspirante à la mairie Lara Million (LREM). Mais pour parer ce changement de programme de dernière minute, elle n’a d’autre choix que de trouver de nouvelles formes de communication avec les habitants. Alors, la candidate s’est tournée vers les réseaux sociaux. Cette semaine, elle organisera trois Facebook live. « Je préfère le contact humain, être sur le terrain. Mais nous n’avons pas d’alternative », dit-elle. 

À Colmar, le candidat LR Éric Straumann, propose, depuis vendredi dernier, un live par jour sur Facebook. À Cernay, Christophe Meyer (soutenu par LREM) fait de même. « On poste aussi des petites vidéos thématiques de une à une minute trente », développe-t-il. Un format déjà utilisé par le candidat, d’autant plus mis en valeur depuis l’arrivée du Covid-19. 

Un terrain différent 

Mais la présence sur le terrain reste indispensable. Avec ses colistiers, Christophe Meyer continue le porte-à-porte. Désormais, « on sonne, on recule de trois pas, on ne serre plus la main, insiste-t-il. C’est terrible, dans une campagne électorale, de ne pas serrer une main. » 

Pour respecter les recommandations et disperser les foules, les candidats étalent leurs réunions publiques. « On essaie d’être visibles dans la rue et de rester longtemps pour réguler le nombre de personnes qui viennent nous voir », affirme Christophe Meyer. De son côté, Michel Sordi (LR), maire de Cernay et candidat, a proposé mardi dernier aux habitants de venir à la rencontre de son équipe pour une présentation du projet, plutôt que d’organiser une réunion « éclair ». « Les personnes étaient présentes, mais au compte-goutte. Cela prend plus de temps, mais permet d’éviter de créer un attroupement », avance-t-il. 

Psychose et abstention 

Même son de cloche chez le candidat mulhousien de Lutte ouvrière, Julien Wostyn, qui continue à partir à la rencontre des habitants et à se rendre sur les marchés : « Forcément, ça change l’ambiance de la campagne. Les conversations tournent beaucoup autour du virus. » Une « atmosphère d’angoisse » que regrette le candidat Romain Spinali. Avec sa liste « J’aime Mulhouse » (SE), il a développé une application pour informer les habitants sur l’évolution de l’épidémie. « Tout le monde n’a pas le coronavirus, mais tout le monde panique », regrette-t-il. Le candidat a beau jeu de s’indigner alors qu’il lance lui même une application sur le sujet. 

Des inquiétudes qui pourraient avoir de fortes conséquences sur la tenue du scrutin dimanche. Selon le dernier sondage Ifop, 28% des Français envisagent de ne pas aller voter, par peur d’être contaminé. Alors que beaucoup redoutent déjà une abstention massive des plus âgés, le sondage Ifop tend à démontrer le contraire : parmi les répondants qui pourrait s’abstenir lors du 1er tour, 40% ont moins de 25 ans et 37% entre 25 et 34 ans. De quoi faire pâlir les Verts, qui ont profité du vote jeune lors des européennes.

« On n'a pas d'autre lieu pour se réunir », explique un jeune du quartier de Cronenbourg qui passe ses soirées dans les cages d'escalier. Photo Maxime Arnoult 

Alain Furstenberger, maire sortant, est en lice pour un deuxième mandat. Photo Pauline Boutin

Entre sélection à l’entrée et diversification des offres, les candidats aux municipales multiplient les idées pour l’avenir du tourisme à Colmar.

Une cabine téléphonique subsiste dans le village, symbole d'un autre temps. Photo Pauline Boutin

« Un vivier de logements dans la banlieue »

L’association Col’Schick reproche pourtant à la maire d’avoir modifié le Plan local d’urbanisme (PLU), pour rendre certaines zones urbanisables.

Avec la modification du PLU, les zones industrielles Alsia et Air Product ont été reconverties en zones à vocation mixte (commerces et habitat). Route de Bischwiller, l’usine gris métallique d’Alsia vit ses derniers jours. Elle va bientôt déménager et 6 000 m² de terrain deviennent constructibles, ce qui rend la zone plus chère et plus attractive. « L’entreprise a tout intérêt à les vendre au meilleur prix, cela lui permet de sauvegarder ses emplois », justifie Pierre Maciejewski, en charge des questions d’urbanisme à la Ville.

Mais certaines associations schilikoises redoutent de voir tomber le terrain aux mains d’un constructeur privé. « La mairie a manqué de courage politique en permettant le vote de la modification du PLU, ajoute Frédéric Staut, membre de la France insoumise à Schiltigheim. On aurait pu éviter cette reconversion, notre ville est la deuxième commune de l’Eurométropole, elle a du poids. »

Sur la route de Bischwiller, un peu avant l’énorme bâtiment de verre et de béton de la mairie sixties de Schiltigheim, Aouatef Ouanes tient une boutique de couture. Elle accueille favorablement la construction massive de logements : « Cela fait 25 ans que je suis ici et les commerces s’en vont les uns après les autres, soupire-t-elle. On n’a plus de tapissier, de magasins de vêtements… Si ça peut rendre la ville plus attractive, alors je prends ! »

Pour Frédéric Straut, c’est plutôt Strasbourg que l’Eurométropole compte rendre attractive : « La logique de cette métropolisation, c’est de dynamiser le centre en créant un vivier de logements dans la banlieue. Il n’y a pas de politique d’urbanisation cohérente à Schiltigheim, l’Eurométropole veut en faire une cité-dortoir. »

Des promoteurs qui courent après l'argent

Les blocs de béton jaillissent un peu partout et contrastent étrangement avec les maisons en pierre du XIXe siècle alignées dans les rues alentours. Près d’Alsia, les immeubles Quartz gris et blanc bâtis par Nexity ont remplacé en 2017 les locaux de France Télécom. Ils ont le même format, un balcon, des fenêtres rectangulaires et un petit carré de jardin au rez-de-chaussée. Le promoteur construit aussi 30 logements et une médiathèque un peu plus loin sur la route, à la place du supermarché Simply. Près de la brasserie Heineken, fleuron de la ville, plusieurs bâtiments sortent de terre : Bouygues immobilier prévoit pour 2021 une résidence pour personnes âgées avec 250 logements autour.

Selon Raphael Rodrigues, ces constructions sont une aubaine financière pour les bailleurs : « Depuis la loi Pinel, si vous investissez dans du logement neuf, vous bénéficiez d’énormes économies d’impôts. Donc on construit des logements à la va-vite, pour défiscaliser. » « On crée des zones irrespirables, sans école ou infrastructures adaptées, sur des sites pollués, déplore Louisa Kraus, la présidente de Col’Schick. Cette saturation crée aussi des problèmes de stationnement et de circulation. »

Entre 2015 et 2020, la commune a dépassé le nombre de 3 200 logements prévus par l’Eurométropole.

Caroline Celle

Pour Richard Bauer, électeur strasbourgeois de 43 ans, « le contact humain est primordial. Les partis nous montrent qu’ils sont mobilisés et engagés. » Une absence peut rapidement jouer en leur défaveur. Le candidat à la mairie d’Illkirch-Graffenstaden, Thibaud Philipps, se souvient d’un jour où il ne s’était pas déplacé : « Les gens étaient étonnés de ne pas nous voir ! La présence sur les marchés est symbolique, ça montre qu’on est là. »

Le public n’est pourtant pas toujours réceptif. Pour certains électeurs, tracter sur les marchés n’a plus de sens. « Si je veux me renseigner, je vais regarder les programmes sur Internet ou sur les réseaux sociaux », estime Simon Hueber, 27 ans. Coralie, professeure des écoles de 28 ans, se dit même « dérangée » par le tractage : « Je viens au marché pour faire mes courses, pas pour parler politique ! »

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