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  • Un scrutin, deux élections

Ce n’est pas une mais deux élections qui ont lieu les dimanches 15 et 22 mars. Lorsque les électeurs glisseront leur bulletin dans l’urne, au milieu des flacons de solution hydroalcoolique, leur voix n’ira pas seulement à la liste qu’ils ont choisie pour le conseil municipal. Comme ils pourront le voir sur les bulletins de vote, les citoyens désigneront en même temps les 100 élus qui siègeront à l’Eurométropole de Strasbourg (EMS).

Les 100 sièges de conseillers eurométropolitains sont répartis entre les 33 communes qui composent l’EMS, en fonction de leur poids démographique. Une règle qui attribue 50 sièges à Strasbourg, entre deux et sept sièges aux six autres villes de plus de 6000 habitants, et un seul siège pour les 26 plus petites communes — occupé dans l’écrasante majorité des cas par le maire élu.

Cette année, les onze listes strasbourgeoises ont fait le même choix : les candidats au conseil communautaire sont systématiquement les 50 premiers noms inscrits sur la liste pour le conseil municipal. Simple comme bonjour.

 

Le maire de Wissembourg veut construire plus de logements dans la commune. Photo Mariella Hutt

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Jean-Philippe Vetter a été assistant parlementaire de Fabienne Keller de 2011 à 2017 mais ne l'a pas suivi quand elle a crée son mouvement Agir !

Les mois de janvier et février représentent la période creuse pour le tourisme à Colmar. Photo Aurélien Gerbeault

Les deux candidats ont un autre point d’accord : ils veulent leur offrir la possibilité de sortir le soir. André Krieger propose une discothèque éphémère avec les DJs de Wissembourg qui animent déjà différentes soirées dans la région. 

De plus, les deux candidats veulent créer un conseil municipal des jeunes. « Pour parler de leurs vrais besoins », confirme Sandra Fischer-Junck. « Je veux que les adolescents aient un bon souvenir du temps passé à Wissembourg, pour qu’ils reviennent ici après avoir fait des études », résume la candidate.

Pour retenir les jeunes majeurs, les trois candidats s’accordent sur un point : il faut développer l’enseignement supérieur. Pour l’instant, la plupart des majeurs partent s’installer à Strasbourg pour y faire leurs études. Un choix qui résulte d’un manque de possibilités à Wissembourg, où il n’existe actuellement que quatre formations de BTS : en chaudronnerie industrielle, en maintenance des systèmes, en métallurgie et en relation client. 

Christian Gliech souhaite discuter avec la direction du lycée pour trouver une solution. André Krieger insiste pour s’occuper d’abord du travail. Il veut trouver et attirer des entreprises, pour après créer des filières et offrir la possibilité à la population jeune d’être embauchée dans la commune. Pour cela il veut aussi créer des liens avec les entreprises. « Si on ne propose pas d’emploi, on n’arrivera pas à les attirer », dit-il. Sandra Fischer-Juck espère également attirer des entreprises et favoriser leur installation. 

Une idée qui trouverait écho dans les nouvelles générations. Thomas et Alexis, 17 ans, s’apprêtent à retourner au lycée pour l’après-midi et aimeraient pouvoir étudier à Wissembourg. Si c’était possible, ils l’assurent : « On resterait ici. » 

Mariella Hutt

Une figure fédératrice

La discrète Jeanne Barseghian conduit une large coalition, regroupant des personnes issues du Parti communiste, de Place Publique, des Verts, de Générations, comme de nombreux débutants en politique. Tous saluent les qualités de leur « coach ». « Elle a un vrai côté humain, est ouverte à la discussion », souligne Joris Castiglione. Alain Jund insiste pour sa part sur « sa détermination », tandis que Adrien Arbeit, délégué départemental du Mouvement des Progressistes et candidat aux européennes en 2019 sur la liste Urgence écologie, met en avant « ses convictions » et « son écoute ».

« Au-delà de la personne, c’est aussi le projet qui est porté, en rupture avec ce qui est mené pour le moment » qui explique ce succès potentiel de la liste Strasbourg écologiste et citoyenne, d’après Hülliya Turan, secrétaire départementale du Parti communiste. La 9e de la liste reconnaît tout de même un rôle de « chef d’orchestre » à sa tête de liste.

Celle qui a été désignée candidate à la mairie le 5 octobre 2019 par une assemblée citoyenne défend un « leadership coopératif ». Jeanne Barseghian en est consciente : « Une élection municipale, cela tourne aussi beaucoup autour de la personne de la tête de liste, qui la représente et porte le projet ». La prétendante à la mairie considère avoir trouvé avec son équipe « un bon équilibre » entre sa « campagne de notoriété » et « une construction la plus collective possible des décisions ».

Une carrière politique express

Jeanne Barseghian n’est pas une élue de carrière. Née à Suresnes, elle part deux ans en Allemagne après des études à Paris X – Nanterre, puis se spécialise en droit de l’environnement à Strasbourg, où elle arrive en 2002. Un parcours sans faute, au terme duquel elle devient éco-conseillère et trouve un emploi à la région Alsace. Elle ne quittera plus la ville et habite depuis une dizaine d’années au Neudorf. Son compagnon, de nationalité allemande, travaille à Fribourg.

Jeanne Barseghian a débuté sa carrière professionnelle en développant un projet franco-allemand dans le domaine du tourisme durable. Et elle n’hésite pas à rappeler son niveau, comme en indiquant le 6 mars dernier avoir échangé « en allemand » avec Toni Vetrano, le maire de Kehl. Alain Jund y voit là un atout indéniable : « Son itinéraire transfrontalier est nécessaire pour être maire à Strasbourg, alors que le centre de la ville se décale peu à peu vers le Rhin ». Par la suite, Jeanne Barseghian a ensuite œuvré au développement de projets avec l’Arménie, d’où est originaire son père, et a notamment créé une antenne de l’association Sevac à Strasbourg.

C’est seulement en 2013 qu’elle franchit le pas de la politique en adhérant à Europe Ecologie les Verts et en s’engageant pour la campagne des municipales à Strasbourg. Elle co-rédige le programme, est 4e sur la liste d’Alain Jund, et se retrouve élue à la Ville et à l’Eurométropole. « Cela m’a emmenée plus loin que prévu », se souvient Jeanne Barseghian.

Par ses fonctions de conseillère de l’Eurométropole, déléguée à l’économie sociale et solidaire et plus tard, à la réduction des déchets ou son expérience dans d’autres domaines, la tête de liste des Verts assure travailler « depuis des années, aussi bien avec des collectivités qu’avec des entreprises ou des associations ». Et donc ne pas souffrir d’un manque d’expérience.

Parmi ses passions, un engagement dans deux chorales strasbourgeoises, l’une plutôt pop, et l’autre classique. Laurène, amie de longue date de l’écologiste, la retrouve au chant chaque jeudi soir depuis 2014. « Jeanne est très douée, elle lit bien la musique et est l’un des piliers du groupe. » Dans ce domaine, ses qualités de meneuse sont mises en avant.

En vert et rouge

Jeanne Barseghian a pu le rappeler le 8 mars, elle se revendique féministe et propose plusieurs mesures en ce sens, comme tripler les moyens financiers de la Mission pour les droits des femmes et l'égalité de genre et co-construire avec les associations des projets, notamment contre les violences faites aux femmes et les stéréotypes de genre. Et si sa première mesure sera de déclarer l’état d’urgence climatique, la candidate affiche des positions politiques ouvertement à gauche. « Strasbourg est une des villes les plus inégalitaires de France », a-t-elle par exemple souligné, dans une interview donnée à Pokaa.

Au sein de l’équipe menée par Jeanne Barseghian, les communistes se montrent satisfaits. « Nous nous sommes rendus compte qu’elle défendait parfois les mêmes propositions que nous », relève Joris Castiglione. Le rapprochement avec les écologistes a débuté en juin dernier, et la candidate y est pour beaucoup.

« Ce que je trouve moins heureux chez Jeanne Barseghian, c’est un dogmatisme teinté de gauchisme ainsi qu’une tiédeur dans ses thèmes de prédilection. On dirait bien que les écologistes strasbourgeois sont entrés dans une logique de compromis avec le réel », estime toutefois Jean Faivre, engagé aux côtés de la candidate Chantal Cutajar, et qui critique les « mesurettes » proposées par la liste Strasbourg écologiste et citoyenne. Pour le jeune homme, ce « réel » est celui des compromis et la tiédeur.

« Dans la bonne génération »

Du côté d’Alain Jund, « la réalité de l’exercice du pouvoir » est celle de la campagne. Jeanne Barseghian y est déjà confrontée, ayant « changé de stature » depuis 2014, et un nouveau défi pourrait l’attendre une fois élue, comme le développe l’adjoint à l’urbanisme sortant. « Aussi longtemps que les écologistes étaient minoritaires dans la majorité, nous étions dans une zone de confort, réagissant surtout sur les questions environnementales. Là, en tant que maire, il faudra aussi gérer les questions de sécurité et de tranquillité publique par exemple. »

Désormais, Jeanne Barseghian « se prépare à être maire », considère Nicolas Tripa, engagé au sein de la liste. La candidate pratique le yoga pour rester concentrée. Et ses colistiers l’assurent : « même si elle a cultivé sa discrétion », Jeanne Barseghian a développé une « force de caractère » durant la campagne, entrouvrant son « manteau de timidité ».

Alain Jund est convaincu que sa successeure est « en capacité d’assumer le poste », parce qu’en plus de ses atouts personnels, Jeanne Barseghian est dans la « bonne génération » : « Je me plais à rappeler qu’elle a l’âge qu’avait Catherine Trautmann lorsqu’elle a été élue maire ! » L’ancienne ministre serait même un modèle à suivre pour la tête de liste de 39 ans. Interrogée par Rue89 sur la personnalité strasbourgeoise qui l’inspire, Jeanne Barseghian n’hésite pas : « Est-ce que j’ose dire Catherine Trautmann ? Eh bien oui ».

Jérôme Flury

Au mois de décembre 2018, le marché de Noël a attiré 1,5 million de visiteurs. Photo Aurélien Gerbeault

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