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Apprivoiser le Rhin, plus d’un siècle de manœuvres
Les aménagements hydrauliques successifs réalisés sur le fleuve ont engendré la disparition des crues dans les forêts. L’endiguement du Rhin commence en 1817 et se termine en 1840, à l’aval de Strasbourg. À l'époque, trois raisons motivent cette décision : protéger les villages limitrophes, libérer de nouvelles terres cultivables, fluidifier la navigation et le commerce. Depuis cette date, la construction de différents ouvrages a progressivement diminué la surface des zones humides dans la région. Achevée en 1840 grâce aux travaux de l'hydrologue allemand Johann Tulla, la digue des hautes eaux, visible le long de la route du Glaserswoerth, réduit le “lit majeur” du fleuve. Il s’agit des zones potentiellement inondables lors des crues. Lorsque le débit augmente, il se heurte à la digue. Le Rhin étant un fleuve transfrontalier, les gouvernements français et allemands ont coopéré pour contenir son flux, notamment via des accords signés entre 1969 et 1982.
“On veut acheter votre terrain”
André Fuchs est lui aussi héritier, mais d’une famille bien plus ancienne. Il est le descendant du pêcheur Georg Fuchs, fondateur du lieu-dit Fuchs am Buckel, qui a vécu à la fin du XVIIIe siècle. Devenus par la suite des restaurateurs reconnus, ses ancêtres lui ont légué des terres au nord de la Robertsau. Aujourd’hui, André habite route de La Wantzenau, en face de la pagode vietnamienne Phô-Hien. Sur son terrain de 32 ares, l’ancien professeur d’histoire a fait construire une grande maison à la décoration baroque dans les années 70. Un patrimoine de plus en plus convoité: “Je reçois la visite d’au moins un promoteur par mois”, soupire-t-il. Les trois agences du secteur confirment la tendance, qui s’est accélérée depuis le premier confinement. “Ici, on note une augmentation de près de 8% du prix des biens en 2020”, confie un employé d’ASI (Agence Strasbourg Immobilière).
“Tu vois, la bière, c’est un piège. Avant je buvais ça et j’étais en état de dépendance.” Hervé sort de la Maison urbaine de santé (MUS) de la Cité de l’Ill. Il est venu prendre rendez-vous avec la psychologue du Réseau micro-structure (RMS), qui propose notamment de l’aide aux personnes qui veulent soigner leurs addictions. Il accepte d’évoquer son traitement contre le VIH, les conséquences de son ancienne addiction à l’alcool mais aussi ce que la MUS lui a apporté dans les moments les plus difficiles. "Les médecins, ils se donnent à fond. Moi quand j’avais besoin de parler, ils écoutaient. “Hervé a soigné son addiction à l’hôpital de jour de Strasbourg, en centre-ville. Mais aujourd’hui c’est à la MUS qu’il se rend une fois toutes les deux semaines pour assurer son suivi. “Je sais que si j’en bois pendant quatre jours, de cette merde, après je suis en manque et dès le matin il me faut une bière.”
Le diagnostic de santé partagée, commandé par la Ville de Strasbourg en 2013, indique que “l’alcoolisme à la Cité de l’Ill était normal il y a quelques années, il commence à être perçu comme un problème maintenant.” Toujours selon ce rapport, l’alcool n’est pas la seule addiction présente dans le quartier. “Il semble que les produits les plus couramment consommés soient l’alcool et le tabac, mais des consommations de cannabis et de médicaments de type anxiolytique ont également été soulignées.”
Laurence exerce en libéral à la Cité de l’Ill, dans la Maison urbaine de santé.
Laurence exerce ce qu’elle estime être “le plus beau métier du monde” en libéral. Durant seize ans, la sage-femme de 45 ans a travaillé à la clinique Sainte-Anne, mais ne bénéficiait pas du même statut que ses consœurs salariées: “J’exerçais en libéral et louais un local au sous-sol de l’établissement, près des poubelles et de la lingerie. Parfois, face au nombre de patientes dans le service maternité, mes collègues n’avaient d’autres choix que de m’intégrer comme si j’étais moi-même salariée.” Cette situation ambigüe l’exposait juridiquement en cas de problème: “Je ne me sentais pas investie dans la maternité.” Un manque de reconnaissance qui a renforcé sa décision de quitter la clinique.
En 2020, Laurence a intégré la Maison urbaine de santé (MUS) de la Cité de l’Ill, où aucune sage-femme n’exerçait jusque-là. Elle tenait à compléter l’offre de soin dans le quartier en participant à une logique d’échanges pluridisciplinaires entre professionnels de santé. Elle accompagne les jeunes parents et leur enfant dans une approche qu’elle veut humaine. Contrairement à la clinique, exercer à la Cité de l’Ill lui permet de demeurer auprès des femmes de l’adolescence jusqu’à la ménopause: prescriptions de moyens contraceptifs, dépistages, préparations à l’accouchement, suivis gynécologiques. La praticienne conserve cependant des liens étroits avec les consœurs de Sainte-Anne. Le Covid a d’ailleurs accéléré le rapprochement avec la clinique, l’objectif étant de tisser un réseau afin d’accompagner les soins à domicile.
Comme nombre de ses collègues, elle lutte pour une revalorisation de son métier. “Quand les jeunes voient nos conditions de travail par rapport à nos faibles rémunérations, bien sûr qu’ils ne sont pas attirés par cette voie.” Elle-même a déjà envisagé une reconversion, sans y parvenir, car “être sage-femme, ça a du sens”.
Apprivoiser le Rhin, plus d’un siècle de manœuvres
Les aménagements hydrauliques successifs réalisés sur le fleuve ont engendré la disparition des crues dans les forêts. L’endiguement du Rhin commence en 1817 et se termine en 1840, à l’aval de Strasbourg. À l'époque, trois raisons motivent cette décision: protéger les villages limitrophes, libérer de nouvelles terres cultivables, fluidifier la navigation et le commerce.
Depuis cette date, la construction de différents ouvrages a progressivement diminué la surface des zones humides dans la région. Achevée en 1840 grâce aux travaux de l'hydrologue allemand Johann Tulla, la digue des hautes eaux, visible le long de la route du Glaserswoerth, réduit le “lit majeur” du fleuve. Il s’agit des zones potentiellement inondables lors des crues. Lorsque le débit augmente, il se heurte à la digue. Le Rhin étant un fleuve transfrontalier, les gouvernements français et allemands ont coopéré pour contenir son flux, notamment via des accords signés entre 1969 et 1982.
Spécificité de Strasbourg, les Potagers urbains collectifs (Puc) sont pensés comme un compromis entre jardin familial et jardin partagé. Après un lancement prometteur en 2014, celui situé à la Cité de l’Ill s'essouffle, victime de la perte d’intérêt des habitants. “Nous avons remarqué que les potagers collectifs servent de transition vers les jardins familiaux”, affirme Olivier Moreuil, membre d’Éco-conseil, l’association en charge des six Puc de la ville. “Le hic, c’est de faire marcher la dimension collective. On est plus tranquille chez soi qu’avec d’autres”, explique-t-il en pointant les ronces et les orties qui se sont répandues sur les parcelles en friches. Devant l’échec du projet, l'Eurométropole compte réhabiliter le terrain en un espace de maraîchage bio. Une transformation prévue d’ici les deux prochaines années.
ENCADRE : Potagers urbains collectifs
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Spécificité de Strasbourg, les Potagers urbains collectifs (Puc) sont pensés comme un compromis entre jardin familial et jardin partagé. Après un lancement prometteur en 2014, celui situé à la Cité de l’Ill s'essouffle, victime de la perte d’intérêt des habitants. “Nous avons remarqué que les potagers collectifs servent de transition vers les jardins familiaux”, affirme Olivier Moreuil, membre d’Eco-conseil, l’association en charge des six Puc de la ville. “Le hic, c’est de faire marcher la dimension collective. On est plus tranquille chez soi qu’avec d’autres”, explique-t-il en pointant les ronces et les orties qui se sont répandues sur les parcelles en friches. Devant l’échec du projet, l'Eurométropole compte réhabiliter le terrain en un espace de maraîchage bio. Une transformation prévue d’ici les deux prochaines années.
Le sol est spongieux, les chaussures tachées de boue. Dans la réserve naturelle nationale de la Robertsau et de La Wantzenau, roselières et mares parsèment les 710 hectares de forêt. Attirées par l’humidité, les lianes telles que les clématites s’enroulent autour des troncs. Les promeneurs les plus chanceux peuvent apercevoir la sterne pierregarin, un oiseau migrateur proche de la mouette inféodé aux milieux aquatiques. Or, selon eaufrance.fr, deux tiers des terrains submersibles ont disparu à l’échelle nationale. L’Office des données naturalistes du Grand Est (Odonat) tirait déjà la sonnette d’alarme en 2019: avec seulement une centaine de couples dans la région, il s’agit d’un nicheur menacé.
“Ramener de l’eau vise à recréer un biotope favorable à certaines espèces”, explique Thierry Seibert, représentant de l’association Alsace Nature au sein du comité consultatif pour la réserve naturelle. Située dans l’une des zones inondables du Rhin, cette particularité lui confère une richesse biologique propre aux forêts alluviales. Le dépôt de sédiments comme la vase enrichit le sol grâce à ses éléments minéraux. Un apport indispensable aux arbres pour survivre en période de sécheresse.
Afin de préserver cet écosystème, le Premier ministre a signé un décret en juillet 2020 classant la zone en réserve naturelle nationale. Après l’île du Rohrschollen en 1997 et le massif de Neuhof-Illkirch en 2012, également des forêts alluviales, le poumon vert de la Robertsau est devenu le troisième site strasbourgeois à bénéficier de ce statut.
Retour des inondations : un projet qui peine à émerger
En 1991, le professeur Roland Carbiener, enseignant en écologie végétale et membre fondateur d’Alsace Nature, militait pour le retour des inondations dans les forêts alluviales rhénanes. L’objectif est indissociable de la redynamisation des cours d’eau qui les traversent, condition nécessaire à la restauration de ces milieux si particuliers. Les travaux de canalisation du Rhin menés aux XIXe et XXe siècle ont en effet isolé du fleuve certains bras, les privant de leur apport hydrique naturel. Actuellement, la forêt de la Robertsau ne dispose plus que d’une seule entrée d’eau provenant du canal. Mais L’Eurométropole pilote une étude de faisabilité pour la réalisation de nouveaux ouvrages de prises d’eau sur le Rhin. L’injection d’un débit suffisant permettrait de reconnecter les différents cours entre eux. Le but est ensuite similaire à celui du projet LIFE+ opéré sur l’île du Rohrschollen entre 2010 et 2015. L’aménagement d’une prise d’eau et le creusement d’un chenal avaient permis de rétablir un régime de crues basé sur le rythme hydrologique du Rhin. Six à huit fois par an, la vanne s’ouvre et garantit en moyenne cinquante jours de submersion.
Toutefois, les particularités de la forêt de la Robertsau en font un environnement plus difficile à appréhender que celui de l’île située au milieu du Rhin. “On a tout d’abord beaucoup de contraintes liées aux réseaux de gaz et d’électricité, puis il y aussi la présence de la station d’épuration (cinquième plus grande de France, NDLR) … C’est pourquoi la perspective de réinonder la zone reste compliquée”, précise Samuel Dehan, responsable du pôle hydraulique chez Artelia, société en charge de l’étude de faisabilité du projet. S’y ajoute la problématique de la fréquentation, puisque la forêt de la Robertsau accueille plus de 400 000 visiteurs par an. Une population importante à prévenir en cas d’inondation: “Cela demanderait de faire beaucoup de sensibilisation auprès du public, c’est une démarche qui prendra nécessairement du temps”, poursuit l’ingénieur.
Deux impératifs majeurs s’opposent: la nécessité de réguler les crues du fleuve dans une optique de sécurité, et la préservation de l’identité alluviale de la réserve, qui implique de renouveler régulièrement les inondations. Ce casse-tête explique le temps long qui entoure ce dossier. Les études hydrographiques ont débuté il y a plus de trois ans, sous le mandat de l’ancien maire Roland Ries. En place depuis un an et demi, l’équipe municipale écologiste aura la charge de relever ce défi. Une réunion du comité consultatif de la réserve est programmée le 7 décembre.
Son profil correspond à celui recherché par Déborah Jakubowicz, la gérante. Elle a installé sa boutique route de La Wantzenau, “au carrefour avec la Cité de l’Ill pour attirer une autre population de la Robertsau”. Dans le quartier, les patients n’hésitent pas à consulter plusieurs audioprothésistes. “Les gens vont faire un devis là, un devis ailleurs. Un petit peu comme pour les opérateurs téléphoniques”, explique Manuela Barbaras, du centre Maurice Frères Audition.
Avant l’arrivée des deux autres magasins, il fallait souvent patienter un mois. Depuis, l’attente a été divisée par deux. “Il y avait tellement de demandes. En étant seul, on n’aurait jamais pu les absorber”, concède-t-elle. Déçu par son matériel, Bouazzaoui Dahbi entend faire jouer la concurrence.