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“La proximité avec la Cité de l’Ill n’est pas dissuasive”

Au fond de la rue Hechner, deux bâtisses se distinguent, l’une orange, l’autre jaune, reliées par un même jardin. Elles appartiennent à André Mauchoffé, qui a racheté le terrain d'une ancienne ferme en 1977. Le grand-père a eu la surprise il y a quelques années d'un “regroupement familial imprévu”, quand ses deux fils sont revenus au domaine parental. “Je réside dans l'ancien habitat de la ferme, et il y a moins de dix ans, mon fils a transformé la grange.” Une troisième maisonnette “entretenue pour éventuellement la louer”, a fini entre les mains de son second fils. Un mélange s’opère à travers les opérations de rachat des propriétés de sa rue: “Petit à petit, des nouveaux viennent, investissent et agrandissent. Beaucoup de gens vendent par succession, d’autres décèdent.” Logé à la frontière même entre quartier résidentiel et cité HLM, André lutte contre les stéréotypes: “La proximité avec la cité de l'Ill n'est pas dissuasive. C'est une ânerie monstrueuse de vouloir dire que ces bâtiments ne se trouvent pas dans la Robertsau.”

À la Robertsau, les professionnels de santé privilégient l'est du quartier au détriment de la Cité de l’Ill. Cette inégalité s'explique par les conditions socio-économiques des habitants.

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©Alexia Avril et Martin Hortin

"Pour nous, c’était du patrimoine"

Pourtant de nouvelles constructions détonnent. En décembre 2017, l’ancienne blanchisserie, un bâtiment historique appelé “la Bleich”, a été démolie. À la place, douze logements d’accession à la propriété de forme cubique en bois brut ont été érigés. À l’époque, l’Association de défense des intérêts de la Robertsau avait déposé un recours gracieux contre les permis de démolir et de construire. “Ils ont fait un truc en bois, c’est bien, mais ils auraient pu mettre un toit en tuiles par-dessus”, déplore Claude.

Certains habitants auraient préféré que la bâtisse soit rénovée pour lui donner une seconde vie. “Pour nous, c’était du patrimoine, explique Alain Kempf. C’était un symbole du style de vie du quartier: il y avait des oies, des canards et des poules qui se promenaient en liberté autour de la Bleich.” La mairie ambitionnait aussi la construction de deux petits immeubles collectifs de huit logements chacun au 59 route des Chasseurs, l’adresse de la plus vieille maison de la cité, qui lui a donné son nom. Mais après avoir pris connaissance du projet, le propriétaire s’est ravisé.

 

Un défi à relever

Toutefois, les particularités de la forêt de la Robertsau en font un environnement plus difficile à appréhender que celui de l’île située au milieu du Rhin. “On a tout d’abord beaucoup de contraintes liées aux réseaux de gaz et d’électricité, puis il y aussi la présence de la station d’épuration (cinquième plus grande de France, NDLR)… C’est pourquoi la perspective de réinonder la zone reste compliquée”, précise Samuel Dehan, responsable du pôle hydraulique chez Artelia, société en charge de l’étude de faisabilité du projet. S’y ajoute la problématique de la fréquentation, puisque la forêt de la Robertsau accueille plus de 400 000 visiteurs par an. Une population importante à prévenir en cas d’inondation: “Cela demanderait de faire beaucoup de sensibilisation auprès du public, c’est une démarche qui prendra nécessairement du temps”, poursuit l’ingénieur.

Deux impératifs majeurs s’opposent: la nécessité de réguler les crues du fleuve dans une optique de sécurité et la préservation de l’identité alluviale de la réserve, qui implique de renouveler régulièrement les inondations. Ce casse-tête explique le temps long qui entoure ce dossier. Les études hydrographiques ont débuté il y a plus de trois ans, sous le mandat de l’ancien maire Roland Ries. En place depuis un an et demi, l’équipe municipale écologiste aura la charge de relever ce défi. Une réunion du comité consultatif de la réserve est programmée le 7 décembre.

 

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Surperficie dédiée au maraîchage et à l’horticulture de l’âge d’or à aujourd’hui, en hectares. ©Lisa Ducazaux et Louise Llavori

“Ramener de l’eau vise à recréer un biotope favorable à certaines espèces”, explique Thierry Seibert, représentant de l’association Alsace Nature au sein du comité consultatif pour la réserve naturelle. Située dans l’une des zones inondables du Rhin, cette particularité lui confère une richesse biologique propre aux forêts alluviales. Le dépôt de sédiments comme la vase enrichit le sol grâce à ses éléments minéraux. Un apport indispensable aux arbres pour survivre en période de sécheresse.

Afin de préserver cet écosystème, le Premier ministre a signé un décret en juillet 2020 classant la zone en réserve naturelle nationale. Après l’île du Rohrschollen en 1997 et le massif de Neuhof-Illkirch en 2012, également des forêts alluviales, le poumon vert de la Robertsau est devenu le troisième site strasbourgeois à bénéficier de ce statut.

Retour des inondations: un projet qui peine à émerger

En 1991, le professeur Roland Carbiener, enseignant en écologie végétale et membre fondateur d’Alsace Nature, militait pour le retour des inondations dans les forêts alluviales rhénanes. L’objectif est indissociable de la redynamisation des cours d’eau qui les traversent, condition nécessaire à la restauration de ces milieux si particuliers. 

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Plan de localisation du bois de Bussière, au nord-ouest de la Robertsau. ©Clémence Blanche et Théodore Laurent

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Au Jardin de Marthe, les clients achètent fruits et légumes produits sur place. ©Dorian Mao

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