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À Strasbourg, le quartier Gare, majoritairement jeune, manque d'installations de loisir en extérieur. Et quand elles existent, les habitants se plaignent de leur mésusage. 

Tel un pompier, le petit garçon glisse le long de la barre en fer de l’aire de jeux Sainte - Aurélie. Tout en s’amusant sur la structure en forme de train, il appelle sa mère à grands cris. Le sourire qu’Anice Coli lui envoie se dissipe lorsqu’elle commence à parler des installations de loisir du quartier Gare. “Ici, il n’y a que des immeubles. Ça fait du bien de temps en temps de sortir les enfants pour qu’ils prennent l’air.

Les infrastructures récréatives en extérieur sont rares dans le secteur. Pour 13 200 habitants, on y trouve seulement cinq squares équipés de toboggans, balançoires, toiles pour escalader et jeux à bascule. Il y a aussi deux city stades et cinq équipements métalliques pour faire du sport individuel. Pourtant, selon les chiffres de l’Insee datant de 2016, le quartier Gare regroupe une population constituée à 39% de jeunes actifs (15-29 ans). Les deux barres parallèles et le banc à abdominaux de la Laiterie font pâle figure selon Siham Rouini, qui habite le quartier depuis un an : “On a posé ça comme ça, mais c’est trop peu pour les vrais sportifs.” 

“Le stade n'est clairement pas assez grand”

Vêtu d’un marcel gris trempé de sueur et d’un short, Mattia enchaîne les “dips” [des exercices pour les triceps] sur l’agrès. L’activité physique est essentielle dans la vie de ce beau gosse italien de 26 ans, venu s'installer il y a un an rue de la Broque. L’étudiant transalpin utilise régulièrement ces barres et le banc métallique du square de la Laiterie. “Je ne me plains pas, en Italie on n’a pas tout ça. C’est agréable de pouvoir faire de l’exercice sans payer la salle.” Il reste toutefois des améliorations à apporter : “J’ai un ami avec qui je vais à Neudorf et là-bas il y a beaucoup plus de matériel pour s'entraîner.” 

 

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Un enfant s'amuse sur l'aire de jeux Sainte - Aurélie. © Mathilde Lopinski 

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Michel joue au foot sur le city stade de la Semencerie. © Mathilde Lopinski

Les deux city stades du quartier n’échappent pas aux critiques des plus jeunes. Michel, 13 ans, se rend presque tous les jours avec ses amis à celui de la Semencerie. “On est une quinzaine et le stade n'est clairement pas assez grand pour qu’on puisse jouer tous ensemble.” En plus, ils doivent souvent se disputer ce terrain avec des adultes qui viennent y fumer et boire : “Ils nous obligent à aller au city stade de la Laiterie. C’est encore pire, c’est deux fois plus petit.

Conflits entre usagers

Un mémoire réalisé en 2021 par la faculté de géographie de Strasbourg* montre qu’au square Sainte-Aurélie aussi, les conflits d’usage sont récurrents. “Les adultes qui utilisent les installations, c’est quelque chose que l’on déplore collectivement au sein de l’école”, observe Anice Coli. Avec d’autres parents d’élèves de l’école maternelle et élémentaire située en face de la place, elle a fait remonter le problème à la Ville. “On prend notre mal en patience ! La mairie a seulement répondu avec les rondes de CRS et une présence policière augmentée, mais ce n'est pas encore suffisant”, soupire la maman.

Les barrières en rondin de bois qui entourent l’aire de jeux sont également jugées trop basses, alors que le boulevard de Nancy passe juste à côté. “Elles arrivent à hauteur de genoux, n’importe quel gosse peut les franchir”, explique la mère de famille, qui garde les yeux rivés sur son enfant. Face à ces critiques, Marie-Dominique Dreyssé, l’élue référente du quartier Gare, a une réponse qui peut étonner : “On ne va quand même pas retirer la route !” Elle ajoute : “Sainte-Aurélie, on le sait, c’est compliqué au niveau du partage de l’espace entre les adultes qui picolent et côtoient les enfants en sortie d’école. Mais on travaille dessus.” L’adjointe évoque un atelier de réflexion avec les parents d’élèves pour améliorer l’utilisation de la place, tout en restant vague sur sa mise en œuvre concrète.

Des aménagements pas toujours appréciés

En juillet 2022, une table de ping-pong et un terrain de pétanque ont été aménagés sur le parvis de la gare. Le projet a bénéficié d’un budget participatif de 25 000 € voté en 2018. Selon Myriam Niss, présidente de l’Association des habitants du quartier de la gare (AHQG), ces équipements sont mal placés : “Ce qui brouille beaucoup le message, c’est qu’à la gare on trouve principalement des gens de passage. Et les gens de passage, c’est pas non plus les gens du quartier.” Elle n’a d’ailleurs vu qu’une seule fois des personnes utiliser le terrain de pétanque pour jouer… au mölkky. 

La table de ping-pong, quant à elle, n’entend pas souvent les rebonds de la balle : “On se demande à quoi sert cette table, juste ici. À faire les mélanges de substances !, s’indigne Myriam Niss. Sans caricaturer, c’est un peu ça. Comme dans le reste du quartier au final.” 

Mathilde Lopinski et France-Marie Nott-Mas

© Mathilde Lopinski / France-Marie Nott-Mas

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