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Au grand agacement des riverains, les travaux de la ligne G chamboulent la circulation du boulevard de Lyon au quartier Gare.

Comme tous les matins depuis deux mois, Paul, 77 ans, va acheter sa baguette, un casque antibruit sur les oreilles. En sortant de la boulangerie, il cherche le passage piéton et se faufile entre les barrières, dans le brouhaha des klaxons et le grondement des engins de chantier.

Cependant, ce sont surtout les difficultés de circulation qui font râler les habitants du boulevard de Lyon. “Le bruit, ça a toujours été une catastrophe ici, constate Patrick, dont l’appartement donne sur la chaussée. Par contre, à cause des déviations je mets vingt minutes de plus tous les jours pour rejoindre l’autoroute en voiture !”

Pour mener à bien le projet d’extension de la ligne de Bus à haut niveau de service (BHNS), le boulevard de Lyon a été mis à sens unique. La Compagnie des transports strasbourgeois (CTS) possède la maîtrise d’ouvrage du chantier. 

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Il n'est pas rare de voir des cyclistes emprunter la voie de bus qui leur est pourtant interdite. © Lisa Delagneau

Avec la suppression de la voie dans le sens nord-sud, les automobilistes sont contraints d’emprunter des déviations pour remonter le boulevard (voir carte). S’il s’avère fonctionnel, ce mode de circulation pourrait être maintenu à l’issue des travaux.

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Aménagement provisoire de la circulation pendant les travaux de la ligne G. © Lisa Delagneau

Ces travaux gênent aussi les commerçants du coin. Leur principale inquiétude : le manque de places de stationnement. “Ce qui nous fait vivre, ce sont les clients en voiture. S’ils ne sont plus là, on peut mettre la clé sous la porte”, indique Raoul Roehn, co-gérant de l’enseigne Monceau Fleurs.

Au restaurant Akabe, de l’autre côté du carrefour, Serkan estime avoir perdu environ 20 % de son chiffre d’affaires. “C’est bien beau d’améliorer la ligne de bus, mais si les petits commerces ferment…”

Suppression de places de stationnement

Le chantier rendant inaccessible le stationnement sur le terre-plein central, beaucoup d’automobilistes se garent sans scrupule sur les emplacements de livraison réservés aux magasins. “Parfois, quand les livreurs ne trouvent pas où se garer, ils passent leur chemin et on n’est pas livrés”, se désole Sismane, boucher au Bon marché Toros.

Armin Chahard, kinésithérapeute sur le boulevard, s’indigne : “On a des patients lourdement handicapés, il arrive que les ambulances ne trouvent même pas de place pour les déposer.” Les préoccupations des commerçants ne se limitent pas à la durée des travaux.

A terme, seules 56 places de stationnement seront conservées sur les 145 existantes. “Aujourd’hui, on ne peut plus concevoir que chacun puisse avoir le parking à 20 mètres de chez lui”, déclare Alain Jund, conseiller municipal en charge des mobilités et des transports. “L’objectif est de garder uniquement le stationnement utile, comme des places réservées aux personnes à mobilité réduite, des places de livraison, ou du dépose-minute, et d’éloigner le reste 200 ou 300 mètres plus loin”, clarifie Philippe Pagenot, adjoint au chef du service Aménagements tramway à l’Eurométropole.

Malgré les complications engendrées par l’imposant chantier, certains habitants restent optimistes. “Si on ne pense qu’à sa petite personne, oui, les travaux sont gênants, reconnaît Nirvan, résidant rue de Saales. Mais le résultat sera positif !”

Patrick est du même avis : “Le quartier Gare a plutôt mauvaise presse habituellement. Je trouve ça bien qu’il y ait des travaux, pour montrer que c’est aussi un endroit qui bouge.”

Lisa Delagneau et Coline Playoust

Au-delà des embouteillages aux heures de pointe, il suffit de passer quelques minutes sur ce boulevard pour faire un autre constat : on n’y comprend rien du tout. Bus, voitures, vélos, piétons, les usagers ne savent ni où rouler, ni où marcher. “La première fois que je suis venu sur le chantier, j’ai failli me faire empaler par une voiture”, raconte Bertrand. Malgré les multiples panneaux de signalisation et le marquage au sol temporaire, la confusion domine : aucune déviation n’est schématisée.

Nombreuses sont les voitures qui s’engagent dans les sens interdits, ou qui manœuvrent au beau milieu d’un carrefour pour faire demi-tour. “Et encore, dès qu’il pleut ou qu’il fait nuit, c’est pire, s’agace un conducteur expérimenté de bus CTS. C’est très stressant de rouler ici !”

“La difficulté, c’est que le chantier évolue en permanence”

Les cyclistes se sentent particulièrement vulnérables : “C’est vraiment galère”, juge Léa. “C’est n’importe quoi”, s’emporte Nina. Jean-Mathieu parle carrément d’un “gros bordel”. “D’un côté les voitures sont tellement perturbées qu’elles ne font pas attention aux vélos, et de l’autre, la piste cyclable provisoire est régulièrement coupée par les barrières”, résume Nathalie. 

Marie-Dominique Dreyssé, élue référente du quartier Gare, reconnaît qu’il y a “une marge de progrès. La signalétique est assez précaire et les habitudes tenaces. Mais la difficulté, c’est que le chantier évolue en permanence.” Nathalie, elle, relativise : “L’ancienne piste cyclable était constamment encombrée. Je suis contente qu’ils construisent une vraie piste séparée des voitures, pour être en sécurité.”

La ligne G en bref

  • Ligne G actuelle : Espace européen de l’entreprise > Gare centrale

  • Prolongement : Gare centrale > Rotterdam (liaison en 20 minutes)

  • 12 nouvelles stations

  • 5,4 km de tracé ajouté

  • Circulation de 4h30 à 0h30, fréquence de 7 minutes aux heures de pointe 

  • 30 000 voyageurs par jour

  • Budget compris entre 11 et 12 millions d’euros

  • Mise en service prévue avant le marché de Noël 2023

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Les travailleurs s'activent sur le chantier de la ligne G. 
©  Lisa Delagneau

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