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Enseignants, associations et Roms, la triple entente

16 octobre 2013

Vocabulaire, poésie, conjugaison, Françoise Rollin de l'association Agir ABCD aide chaque mercredi les enfants de l'Espace 16 en français, en complément de leur scolarisation.

Au moment où des hommes politiques s'interrogent sur la possible intégration des Roms en France, l'Espace 16 mise sur l'intégration des enfants par leur scolarisation. Après deux ans de travail avec les associations et les établissements scolaires de Koenigshoffen, aller à l'école est devenu presque banal pour les 38 enfants du seul camp rom légal de Strasbourg.

 

Il est 17h30 à l'Espace 16, la nuit tombe. Les côtelettes cuisent déjà sur les barbecues de fortune. Dimitri discute devant chez lui avec ses amis. Ses trois enfants sont dans la caravane. Ils rentrent tout juste de l'école.

Comme partout ailleurs en France, dans le seul camp rom légal de Strasbourg, la scolarisation est obligatoire. C'est même la condition essentielle pour pouvoir y habiter. Pour Dimitri, qui parle et comprend le français, cela ne pose aucun problème. « J'ai été six ans à l'école en Roumanie. Je sais que c'est important », raconte-t-il. Son ainé, 7 ans, est entré au CP en septembre. Les deux autres, âgés de 6 et 5 ans, sont encore en maternelle. Vivre à l'Espace 16 facilite la situation. Avant, la famille habitait dans un camp derrière le terrain de foot de Koenigshoffen et gérait seule la scolarisation des enfants. Aujourd'hui, l'association Horizon amitié, chargée par la mairie de tenir une permanence sur place, les aide. Contrairement à Dimitri, pour d'autres parents, envoyer leurs enfants à l'école est loin d'être une évidence.

Trente-huit enfants de plus de trois ans vivent à l'Espace 16. Onze sont inscrits en maternelle, seize à l'école élémentaire et sept au collège. Seuls quatre jeunes n'ont pas encore de place mais les demandes d'inscriptions sont en cours. Tous sont dans des établissements alentours, la majorité est à Koenigshoffen.

« Pour la première fois cette année, les enfants ont tous une assurance scolaire et les manuels qu'on utilise pour travailler », salue Julie Motte, enseignante en CP à l'école des Romains. Comme la majorité de ses collègues, la jeune femme accueille des enfants roms dans sa classe. « Depuis qu'il y a l'Espace 16, ça a clairement changé pour nous, explique-t-elle. La petite que j'ai n'a manqué qu'un seul jour de classe depuis la rentrée alors qu'avant, l'assiduité était l'un des principaux problèmes. » Pour pallier ses difficultés en français, l'enseignante a mis en place un système codé avec des pictogrammes. « Quand je donne comme consigne de coller une feuille dans le cahier, je lui montre le dessin avec la colle qui est affiché sur la porte et elle comprend. » Loin d'être stigmatisant, le système sert aussi à d'autres élèves : dans la classe de Mme Motte, 18 élèves sur 23 ne parlent pas français à la maison.

La création de l'Espace 16 facilite aussi la communication avec les parents. « Avant ils avaient peur de l'école, ils n'osaient pas venir. Cette année, à la rentrée, la maman de la petite que j'ai en classe est venue me rencontrer accompagnée d'un éducateur spécialisé. Quand j'ai un mot à lui faire passer, je sais que grâce aux travailleurs sociaux, elle pourra le faire lire et être informée, ça change beaucoup de choses », raconte l'institutrice, qui n'échangeait jusqu'à alors que par le geste avec les parents.

Des actions circonscrites au camp légal

D'autres acteurs interviennent en marge du travail fait par les enseignants. Deux institutrices à la retraite de l'association Agir ABCD donnent chaque mercredi des cours de soutien à sept élèves. « Pour la première fois cette année, des enfants sont entrés en petite section de maternelle. Si ça continue comme ça, ils seront les premiers de l'Espace 16 à avoir une scolarité complète », espère Françoise Rollin, une des intervenantes. Ni éducatrices, ni parents, les deux bénévoles se considèrent comme des « béquilles ». « On leur apporte surtout du vocabulaire. Comment peut-on apprendre une poésie quand on ne comprend pas la moitié des mots ? » La retraitée, habituée aux classes difficiles, ne s'alarme pas. « Les enfants apprennent très vite. Ils ont une très bonne logique, parlent tous plusieurs langues, romani, roumain, français au minimum. De toute façon, quand les parents veulent, les enfants suivent. Et ici, on sent que les parents nous font confiance.»

Seul bémol, ces actions pour favoriser l'intégration des enfants ne sont menées qu'à l'Espace 16. A Saint-Gall par exemple, Médecins du monde estime à une vingtaine le nombre d'enfants scolarisables. Tous officiellement inscrits, leur présence effective à l'école serait beaucoup plus limitée.

Margaux Velikonia

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