Je n’avais jamais vu un sexe masculin, donc la première fois c’était un peu bizarre.”
La maman de la créatrice du podcast a plutôt bien pris le projet de sa fille. Elle la soutient, comme son entourage, et a même adoré le premier épisode sur le Kamasutra, qui comptabilise 1400 écoutes. “Je me suis dit, non mais attends, elle ne m’en a jamais parlé et elle me dit que c’est bien d’en parler ?”, s’esclaffe la trentenaire.
Consciente de ne pas être une experte, la célibataire n’entend pas délivrer la bonne parole. “Chacun a sa manière de voir les choses. Il n’y a pas de vérité absolue, assure-t-elle. Je pense qu’on n’est pas obligée de se marier et de faire des enfants pour être une femme accomplie. Mais je n’ai pas envie de répondre pour les autres.” Et entend pour cela donner la parole à tous et à toutes, celles et ceux qui vivent leur sexualité au quotidien, pour que chacun puisse se forger son avis.
La liberté, Raphaëlle Garcia y tient. C’est pour cela qu’en dépit d’avoir récolté les 3000 euros nécessaires sur Ulule, elle n’a pas cherché d’autre financement pour son projet. Pour l’instant, les trois amies animent la radio bénévolement, Laura et Emilie disposant du matériel adéquat grâce à leurs métiers dans l’audiovisuel. “J’aimerais bien pouvoir me consacrer à ça entièrement. Mais si ça n’est pas le cas, je continuerais à le faire bénévolement puisque cela me plait”, sourit la jeune femme qui ne manque pas de s’adapter à l’actualité, avec un prochain épisode consacré à la sexualité pendant le confinement.
Marylou Czaplicki
On s’est dit que c’est là qu’elle devait aller, sur ce terrain”, relate Laura Fix qui l’assure : “Elle a vraiment ce truc pour raconter des histoires !” La concernée accepte, à la condition que ses complices l’accompagnent, l’amitié étant une valeur sacrée pour elle.
Un thème qui ne surprend pas du tout Elise Walter : “Quand elle m’a dit que ça serait sur la sexualité féminine, ça ne m’a pas du tout étonnée. J’ai trouvé cela cohérent avec sa personnalité.” Le choix de la raison pour Raphaëlle Garcia qui écoute Les couilles sur la table et suit des comptes Instagram comme Le gang du clito ou Quoi de meuf. Une femme dans l’air du temps qui érige en modèles celles qui prennent la parole, qui osent, qui assument ce qu’elles pensent, à l’instar de Florence Foresti.
“Ma mère ne m’a jamais parlé de sexualité”
Pour l’initiatrice de Radio Clito, la parole se libère de plus en plus. Reste que les choses bougent trop lentement à ses yeux. “Dans les livres d’école, l’organe génital de la femme n’est pas du tout décrit, on ne voit que l’utérus. La sexualité féminine, c’est important, insiste Raphaëlle Garcia en jouant avec son briquet jaune. Moi, ma mère ne m’a jamais parlé de sexualité, à part pour me dire de me protéger. C’est vrai que j’avais un peu peur de la sexualité au départ. Est-ce que ça fait mal, comment ça se passe ?
Fille unique, elle dessine, peint, et se raconte des histoires. “Petite, j’avais un enregistreur cassette avec un micro. Je faisais déjà de la radio à ce moment-là. J’inventais des histoires, je parlais comme s’il y avait un public !”, se souvient-elle de sa voix grave de fumeuse.
Un amour de la création et du contact avec l’autre que la jeune femme a voulu retrouver : “La voix permet de faire travailler l’imagination. J’aime parler, échanger, rencontrer de nouvelles personnes”. Elle aime tant les gens, qu’elle a d’abord voulu en faire le sujet de son projet. Un podcast sur les parcours de vie, sur ceux qui nous entourent et auxquels on peut s’identifier. “Je me posais des questions sur mon parcours. Je voulais savoir ce qui pouvait me rendre heureuse, me faire vibrer, et je me suis dit qu’en interviewant d’autres personnes j’aurais peut-être des réponses”, confie Raphaëlle Garcia, plus sérieuse cette fois.
"On attend toujours la suite de ses aventures"
C’est là que deux de ses amies, Laura et Emilie, lui suggèrent de parler de sexualité féminine.
“Raphaëlle c’est un feuilleton. Elle a toujours des petites histoires à nous raconter avec les garçons. On attend toujours la suite de ses aventures. Elle parle de sexualité de manière débridée.
Lovée dans un pull, frange auburn sur le front, la Strasbourgeoise ne peut pas passer plus de cinq minutes sans rire aux éclats. Un rire chaleureux, communicatif, qui se diffuse tout autour d’elle. Parce qu’elle est comme ça, Raphaëlle Garcia. “Très joyeuse, toujours de bonne humeur”, affirme Laura Fix. “Ça fait du bien d’être entourée de personnes qui ont cette énergie-là”, abonde Elise Walter, son amie rencontrée il y a 14 ans sur les bancs du lycée Le Corbusier, à Illkirch, à l’occasion d’une Mise à niveau en arts appliqués (MANAA).
Après des études en communication visuelle à l’Ecole de design et d’arts appliqués de Strasbourg, Raphaëlle Garcia devient graphiste avant de se tourner vers la communication. Puis elle exerce dans la restauration, pendant quatre ans.
Un domaine qui lui plaît, mais “physique, ingrat. On travaille quand tout le monde s’amuse”, constate la jeune femme. Alors à la fin de la saison estivale 2019, au chômage, elle rêve d’un ailleurs. “Je n’avais plus envie qu’on me dise ce que je dois faire”, explique la trentenaire. Une idée lui trotte dans la tête depuis un bout de temps. Une envie de podcast.
La radio, une histoire d’enfance
La relation entre des salles bénéficiant d'aides publiques comme l’Espace Django et le tissu associatif est étroite. A ce sujet Pierre Chaput regrette: “Les cafés-concerts sont assez moribonds, c'est dommage, c'est le premier maillon de la chaine, il n’y a plus que le Local qui fait encore un peu des choses. Ça freine la diffusion des artistes locaux”. Un avis que partage Luc Leroy d’ODC Live pour qui les structures institutionnelles ne voient pas forcément “ce qui se passe sous le radar. Du coup, c’est un peu notre rôle d’aller voir ce qui s'y fait et de le proposer ensuite. On a un rôle de passeur.” Quant à Seylan, il estime que la Finca n'a pas nécessairement sa place dans ce type de salles : “C’est pas forcément la meilleure formule pour du clubbing. On préfère les lieux atypiques, les lieux qui pètent, qui impressionnent.” Justement les plus durs à trouver.
Guillaume Carlin
Côté radio la situation est différente: “Nous on finit nos soirées sans faire une thune”, indique Luc Leroy. L’argent provient des sponsors avec lesquels ODC Live travaille.
Pour les plus persévérants, l’étape suivante consiste à devenir professionnels, une perspective que n’envisagent pas encore la Finca et ODC Live.
Devenir professionnel
C’est en revanche le domaine de Pierre Chaput, directeur de l’Espace Django au Neuhof. Pour lui, la scène amateur est primordiale: “Elle est foisonnante à Strasbourg. Il y a plein de portes d’entrée pour les artistes du coin”. Il insiste sur la nécessité de travailler son projet: “Il ne suffit pas d’être talentueux pour créer les conditions d’écoute et de monétisation de son art. Il faut être entrepreneur de ce talent, s’organiser, pour savoir quel est son écosystème musical, connaître les acteurs de la chaîne locale”. L’Espace Django sélectionne ainsi trois projets musicaux tous les deux ans afin de les faire entrer dans “une pépinière musicale: on accompagne ces trois projets sur la partie artistique, scénique et entrepreneuriale, stratégique. Cela se passe sous la forme de résidences, de mises en contact et de formations. C’est un accompagnement total". Les artistes sont rémunérés durant ces deux années et ont accès à un réseau non plus uniquement local mais national. La promotion 2018-2020 vient tout juste de s’achever et a permis de faire éclore trois groupes: Amor Blitz (pop rock), Difracto (électro) et La Bergerie (hip hop). Les candidatures pour la promotion 2020-2022 sont ouvertes.
La méthode pour y parvenir est toutefois un peu différente: “La Finca c’est une structure apparue de nulle part. En tant que radio, en termes d’organisation, on a tout de suite eu une légitimé importante. Eux, ils ont dû l’acquérir par l’organisation de soirées”, explique le programmateur d'ODC Live.
Seylan raconte que c’est l’enchaînement de soirées réussies qui lui a permis de se faire un nom au niveau local: “En un an et demi, on a fait 85% d’événements qui ont très bien marché. Si je vais voir le patron de l’Espace K ou de l’Espace Django en disant : ‘J’ai fait 2 000 euros de bénéfice à ma dernière soirée’, ça rajoute de la légitimité, ça montre qu’on est pro ”. L’argument financier peut être décisif lorsque l’artiste s’adresse à un patron de bar dont l’objectif est de vendre à boire le temps d’un concert. Il faut donc leur démontrer une capacité à attirer du public. D’autre part, poursuit-il, “l’argent permet d’investir dans du matériel de qualité ou de mettre 400 euros pour louer une salle. Si la soirée marche pas, t’as juste perdu la somme. Un collectif qui n’a pas d’argent ne peut pas prendre ce genre de risque”.
ODC offre ainsi “40 heures de live par semaine, entre trois et six DJ par jour qui se rencontrent et parlent entre eux”. Leur studio d’enregistrement à l’hôtel Graffalgar est un “repaire à DJ, où à n’importe quelle heure de la journée tu peux croiser un artiste”. Un moyen infaillible, selon lui, pour entrer en contact avec la scène de musique électronique .
Se faire un nom
Accéder à une estrade dans un bar ou aux platines d’une boite de nuit reste difficile. Le nombre de lieux est limité tandis que celui des artistes augmente. Selon Seylan et Luc Leroy, la sélection se fait sur la crédibilité des artistes.
Vendredi 31 janvier, un peu avant minuit, le sous-sol du bar Le Fat à Strasbourg est comble. Ce soir-là, le collectif de musique électro La Finca est invité par un autre DJ, Winston Smith, à se produire avec lui. Aux platines, Seylan co-fondateur de la Finca, enchaine des titres disco et world music. Aujourd’hui, il estime son association bien installée, mais il n’en a pas toujours été ainsi: “Au début, on n’avait pas de salle, alors on l’a créée dans notre appartement. On a appelé ça les ‘Sunday Cathé’, vu que notre logement donne sur la cathédrale.” Comme tout artiste qui veut se produire sur scène, la Finca a eu du mal à se faire une place. Mais Seylan a sa recette: “Du culot, un peu de chance et le réseau. Mais surtout du culot: inviter 60 personnes que tu connais pas chez toi, faut oser. Mais c’est ça qui nous a fait connaitre.”
Pour faire son trou dans le réseau des artistes et des salles de concert à Strasbourg, Seylan a pu s’aider de la web-radio ODC Live. Luc Leroy y assure la programmation artistique et l’organisation de concerts. "Infiltrer le réseau, c’est galère”, confirme-t-il. Luc Leroy propose aux jeunes artistes de venir se produire à l’antenne et de diffuser leur passage sur les réseaux sociaux de la radio.