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Les deux animateurs gardent un œil attentif sur les stocks alimentaires, anticipent et relancent les appels aux dons via les réseaux sociaux. Pour assurer un minimum de confort et d’intimité dans les 2000 m² du Bugatti, il a aussi fallu aménager des pièces grâce à des cloisons, fabriquées à partir du matériel trouvé sur place, ou bien des grandes bâches en plastique. Des cabines de douche supplémentaires ont été installées rue Bugatti pour répondre à une demande croissante. Car “trois-quatre personnes arrivent chaque semaine”, constate Lahcen Oualhaji. 

Une gestion partagée 

Un autre point important est l’établissement de règles. “On a mis en place un règlement pour que ce ne soit pas la pagaille, précise Edson Laffaiteur, mais les habitants s’autogèrent.” Ils le consultent, mais ce sont eux qui ont le dernier mot. Encore récemment, avec le coronavirus, ce sont les occupants de l’Hôtel de la Rue qui ont pris l’initiative de désinfecter les 1850 m² du bâtiment. “Ils m’ont demandé de changer la serrure pour contrôler les entrées et les sorties, mais il n’y a qu’une clé et elle est en leur possession”, souligne Edson Laffaiteur. 

Rue Ettore-Bugatti, les mesures édictées sont différentes. En raison de la crise sanitaire, Lahcen Oualhaji a imposé plusieurs dispositions, comme le fait qu’un groupe cuisine pour tout le monde afin de mieux gérer les stocks de nourriture, mais les repas sont pris séparément. Ce qui n’a pas suffi à prévenir la propagation du virus. Il fait office d’intermédiaire avec Médecins du Monde pour le dépistage et la prise en charge des occupants infectés. En parallèle, la Ville s’est engagée à fournir de nouveaux points d’eau (douches, lavabos), du gel hydroalcoolique et des masques sur place.

Créer un lieu de vie et d’accueil pour les sans-abris, cela se prépare. La première étape consiste à dénicher des habitations capables d’accueillir des familles, qu’importe leur taille. “Je fais le tour de la ville pour repérer les bâtiments vides, prendre des photos. Ensuite je consulte le registre des cadastres sur internet. Si le propriétaire est l’Eurométropole ou un grand groupe industriel, je le retiens. J’ai identifié 63 bâtiments abandonnés qui correspondent à ces critères”, explique Edson Laffaiteur. Ce choix est tactique : il est plus facile d’exercer une pression sur la Ville, l'État ou les grosses entreprises pour obtenir un bail. L’occupation devient une dénonciation de l’absence d’hébergement pour les sans-abris. Le président de l’association La Roue Tourne ne souhaite pas poser problèmes aux particuliers : “On ne veut pas se les mettre à dos”. Le soutien de la population à leur démarche est essentiel pour le bénévole.

Subvenir aux besoins primaires

Une fois l’installation effectuée, il faut s’occuper de la literie, de l’alimentation et de l’hygiène. L’eau et l’électricité fonctionnaient dès le départ dans les deux squats. Au squat Bugatti, “90% de nos besoins de nourriture sont couverts par les associations et les particuliers”, détaille Lahcen Oualhaji.

Faute d’hébergement, des sans-abris ont créé deux grands squats depuis juillet dernier. Il a fallu penser à tout, de l’occupation à la vie quotidienne. 

“Un lieu pensé par des SDF, géré par des SDF, pour des SDF.” Edson Laffaiteur désigne en ces mots le squat Bugatti, ouvert en septembre dernier dans la zone commerciale d’Eckbolsheim, dans un bâtiment désaffecté et propriété du groupe Lidl. La vie de près de 300 personnes est organisée par Lahcen Oualhaji, qui vivait jusque-là dans le parc des Glacis. Son lancement fait écho à celui de l’Hôtel de la Rue en juillet 2019 dans un immeuble de l’Eurométropole, 91 route des Romains à Koenigshoffen. Ce dernier accueille 200 personnes. Il est géré par Edson Laffaiteur, président de l’association La Roue Tourne, qui a vécu huit ans dans la rue et a ouvert des squats à Nantes, Bordeaux ou encore Perpignan. Lahcen Oualhaji et Edson Laffaiteur remplissent leur fonction avec méthode, et cela bénévolement.

Du côté de la justice, les tribunaux sont fermés depuis le 16 mars sauf en ce qui concerne les contentieux essentiels. Face à la menace d’une hausse des violences conjugales, les affaires urgentes liées à l’éviction d’un(e) conjoint(e) violent(e) figurent dans la liste des activités maintenues par l’État. L’ordre des avocats de Strasbourg s’est également mobilisé. Il a mis en place une permanence téléphonique à disposition des femmes battues. “Notre clientèle est principalement féminine, témoigne Florence Dole, avocate spécialisée dans le contentieux pénal. Nous avons beaucoup de dossiers de femmes victimes de violences qui se prolongent au familial.” En effet, lorsqu’un conjoint est condamné pénalement pour avoir battu sa femme, le dossier est transmis ensuite au juge aux affaires familiales, pour une demande de divorce, de retrait de la garde des enfants ou bien pour que la victime obtienne une ordonnance de protection. Ces dernières visent à protéger les victimes de violences conjugales, en ordonnant la résidence séparée du couple ou en interdisant au conjoint d’entrer en contact avec la victime. En dépit de la crise sanitaire, le tribunal judiciaire de Strasbourg reste ouvert a minima les jeudis, pour une séance consacrée à ce dispositif.

Antoine Cazabonne

S'adapter au confinement

À Strasbourg, le centre Flora Tristan, qui accueille en journée les femmes victimes de violences, a réduit les rendez-vous physiques. En raison du coronavirus, ce lieu géré par SOS Femmes Solidarité a suspendu ses permanences collectives. Thomas Foehrlé, directeur de SOS Femmes Solidarité Strasbourg, tente de rassurer : “Si une femme appelle, elle peut se rendre sur place. Il y a d’abord un pré-acte téléphonique et notre personnel s'adapte aux besoins de chacune d’entre elles. S’il faut la rencontrer, cela peut se faire.”

Parmi les solutions, il y a le 39 19, un numéro dédié aux  victimes de leur conjoint. Il est géré par la FNSF. Mais avec le confinement, le service a dû basculer en télétravail. La ligne a été suspendue, vendredi 20 mars, puis réactivée le 23 mars avec des horaires réduits du lundi au samedi de 9 heures à 19 heures. Une décision qui s’explique aussi par la baisse du nombre d’appels. “Le 39 19 reçoit 100 appels par jour contre 400 habituellement, affirme le secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, dans un communiqué du 19 mars. On observe la même chose dans les autres pays européens confinés.” Cela ne signifie pas que les violences conjugales s'amoindrissent. Au contraire, il est peut-être le signal d’une impossibilité des femmes de joindre le service.

219 000. C’est le nombre de femmes victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint, en 2018 en France. Selon la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), 68% d’entre elles vivent avec leur partenaire violent. L’épidémie de coronavirus et les mesures de confinement annoncées par le président de la République, le 17 mars, n’arrangent rien. Une situation qui inquiète Yvette Palatino, fondatrice d’Allez les filles Alsace, une association de boxe féminine et de prévention contre les violences faites aux femmes. “J’ai tout de suite pensé à elles, explique la boxeuse. Plus ça dure, et plus c’est compliqué. Des fois, les femmes crient, essaient de se défendre, de prendre la fuite, mais là elles ne peuvent pas fuir”. Un constat partagé par Bonnie, membre du collectif NousToutes 67 : “Il y a un risque majeur que les violences psychologiques deviennent des violences physiques, puis que ces violences physiques deviennent des violences sexuelles à cause du confinement.” Le collectif a lancé une vaste campagne de prévention sur les réseaux sociaux, pour aider les victimes à s’en sortir.

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