Pour la chargée de mission mobilités de l’agglomération strasbourgeoise, Cathy Gebhart-Levy, cette voie a un “seul et unique but : éviter que les gens passent par l’A35 et décharger le trafic des voitures”. La Région, dans un communiqué de presse de juin 2019, met en avant l’accessibilité de l’aéroport et de ses 1,3 million de passagers l’an passé.
À huit minutes de Strasbourg en TER
Autre argument avancé par l’Eurométropole et le Département : la liaison permettrait aussi d’améliorer l’accessibilité ferroviaire avec le TER qui relie Entzheim à Strasbourg en huit minutes tous les quarts d’heure. Grâce à la desserte, des personnes se rendant au travail à Strasbourg pourraient alors déposer leur voiture à la gare d’Entzheim et rejoindre la capitale européenne en train. La gare pourrait alors devenir, comme le souhaite l’Eurométropole, un pôle d’échange multimodal, l’objectif étant de réduire le flot quotidien des voitures vers Strasbourg. Mais cette idée soulève un autre problème : le parking actuel de la gare d’Entzheim compte à peine une centaine de places et est “déjà saturé”, explique le directeur général des services de la mairie. Il faudrait donc construire un parking relais à Entzheim. Encore un autre chantier.
Juliette Fumey
Sous maitrise d’ouvrage du Département du Bas-Rhin, ce projet devrait coûter 5 millions d’euros, dont 1,25 million assuré par la Région Grand Est. “Le reste du financement est encore en négociation”, déclare Cathy Gebhart-Levy, chargée de mission mobilités à l’Eurométropole. Des financements de la part de l’État, du Département et de l’Eurométropole doivent encore être négociés et votés, ce qui explique que ces derniers, n’aient encore pas communiqué sur le projet.
Entzheim soutient la liaison
Seule la mairie de Hangenbieten a présenté la nouvelle route dans son bulletin communal de juillet 2019. À Entzheim, le sujet a été débattu en conseil municipal, en juin 2019. Selon le maire Jean Humann, la liaison routière aura un “effet bénéfique pour la circulation de transit dans Entzheim”. D’ailleurs, “les habitants sont de l’autre côté, la route ne les touchera pas”, justifie Sébastien Laeng, directeur général des services d’Entzheim. Effectivement, elle ne traversera pas le centre du village.
"Nous sommes les voix de celles qui n’en ont plus !" Le 8 mars, plus de 500 personnes ont scandé ces mots dans les rues de Strasbourg. La journée internationale de lutte pour les droits des femmes ou l’occasion d’attirer l’attention sur les violences sexistes et sexuelles. Celles-ci "prennent leurs sources dans les inégalités et les rapports sociaux entre les sexes", soutient Alice Debauche, docteure en sociologie et auteure de l’enquête nationale Virage (violences et rapports de genre)1. Les femmes de l’Eurométropole n’échappent ni à ces violences, ni au décompte funeste du collectif Féminicides par compagnons ou ex. En 2019, deux des 149 Françaises assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint sont mortes à Strasbourg et Ostwald. Elles s’appelaient Sandra et Céline.
En réaction, la mobilisation s’amplifie. "Coller notre colère dans la rue, c’est un bon moyen de sortir ces violences de l’ombre, de confronter et forcer celles et ceux qui ne veulent pas les voir à le faire."
“Personne n’est au courant !” Laurent Ulrich, maire de Hangenbieten, fraîchement élu, ne comprend pas comment la création d’une route de trois kilomètres, entre Duppigheim, 1500 habitants, et Entzheim, 2000 âmes, peut être aussi méconnue. Peu, ou pas de communication officielle. Pas de débat. Selon les deux nouveaux maires de Hangenbieten et Duppigheim, une majorité d’habitants n’a pas connaissance de la future liaison entre le Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg et Entzheim. Pourtant, elle va bientôt devenir réalité devant le pas de leurs portes. En octobre 2021, devraient débarquer pelleteuses et bulldozers sur les terres agricoles des communes de Duppigheim, Entzheim et Hangenbieten. “Je me demande même s’ils n’ont pas voulu taire ce projet sachant que le GCO avait déjà beaucoup été débattu”, suspecte Laurent Ulrich.
Un petit frère du GCO
En construction depuis 2018 à quelques encablures d’Entzheim, le GCO et ses 24 kilomètres d’autoroute payante occupent tous les esprits. Mais, derrière ce gros chantier de 500 millions d’euros, se profilent d’autres projets annexes comme le tronçon routier entre Duppigheim et l’aéroport d’Entzheim, bien plus discret que son grand frère. “Tout était bloqué tant que le GCO ne se faisait pas, mais maintenant qu’il est là, tous les vieux projets ressortent des cartons”, affirme Julien Haegy, nouveau premier magistrat de Duppigheim. Déjà évoqué en 2006 dans les schémas du GCO, ce tronçon permettrait de relier la nouvelle autoroute à Entzheim, en longeant la voie de chemin de fer. Cet itinéraire permettrait aux véhicules venant du nord de l’Eurométropole, et passant par l’A35 pour rejoindre Strasbourg, de sortir de l’autoroute au niveau de l’échangeur de Duppigheim pour rejoindre Entzheim, puis Strasbourg.
Sans infraction, pas d'expulsion
La jurisprudence dispose que, sans constat d’effraction (fracture d’une serrure, fenêtre forcée...) dans le délai de 48 heures, les forces de l’ordre ne peuvent plus expulser des squatteurs. La victime doit passer par une procédure judiciaire. La seule exception concerne le domicile principal des victimes où l’expulsion peut se faire à n’importe quel moment après le début de l’occupation du logement.
Pour parer au risque d’évacuation, Edson Laffaiteur a donc mis au point plusieurs techniques : “On n’utilise pas de pied de biche ou autre objet qui impliquerait une infraction. On utilise plutôt une clé anglaise et on change la serrure. Pour justifier les deux jours d’occupation, on peut poster un message sur les réseaux sociaux ou commander à manger.” La date et l’heure n’étant pas modifiables, les occupants peuvent le présenter à la police comme preuve de leur arrivée dans les locaux depuis plus de 48 heures.
Ouvrir un squat, c’est donc se mettre dans une situation d’illégalité mais ce sont des risques qu’Edson Laffaiteur est prêt à prendre. “Il y a trop de morts dans les rues ! 27 depuis février 2019, dont cinq personnes que je connaissais. Si les pouvoirs publics ne font rien, on ne peut que nous-mêmes se prendre en charge”, s’indigne-t-il.
Habituellement, les deux sites hébergent des sans-abris et réfugiés d’origines diverses - Europe de l’Est et Afrique pour la plupart - aux langues, modes de vie et habitudes culinaires différents. Cela peut être source de conflits. “Au début, les bagarres étaient quasi quotidiennes. Il était impossible de tenir des réunions”, se rappelle Lahcen Oualhaji. Depuis, il se montre intraitable face à tout acte de violence. “Je me suis battu pour que chacun gère les gens de sa communauté. Si jamais la situation n’est plus gérable avec quelqu’un, j’appelle directement la gendarmerie”, ajoute-t-il. Du côté de l’Hôtel de la Rue, trois agents de sécurité rémunérés par la mairie se relaient entre 18h et 6h du matin, ce qui agace Edson Laffaiteur : “Ils sont payés une fortune alors que la Ville pourrait nous donner cet argent, comme si on n’était pas capable d’assurer la sécurité”.
Léo Bensimon et Clément Aubry