Six mois de retard, pour adopter deux textes apparemment consensuels. Le délai s'explique par la volonté de certains pays d'éviter un sujet qui fâche : la définition d'un paradis fiscal, y compris en Europe. Récit d'un combat législatif.
Les péripéties de l'adoption des deux réglements sur les fonds d'investissement sont presque passées inaperçues lors d'une session dominée par la réforme de la PAC et le cadre financier pluri-annuel. Celle-ci s'est pourtant soldée par la disparition dans chacun d'eux d'un même paragraphe et pas des moindres : celui qui proposait la première définition législative des paradis fiscaux.
Dans leur mouture initiale, ces règlements ouvraient l'accès au label européen aux fonds de capital-risque ou d'entrepreneuriat social des pays tiers, mais l'interdisait à ceux basés dans un paradis fiscal. A titre de pierre de touche, ils proposaient une définition en deux points du paradis fiscal :
- un pays qui pratique l'exemption d'impôt ou l'impôt pour la forme.
- un pays qui accorde de tels avantages sans activité économique réelle ni aucune présence économique substantielle.
Lestés de cette définition, les textes des deux réglements avaient fait l'objet d'un accord signé le 28 juin dernier entre la Commission, le Parlement et le Conseil.
Coup de théâtre ! Quelques jours plus tard ce même accord est dénoncé par plusieurs pays européens. Les Pays-Bas en tête, vite ralliés par le Royaume-Uni, le Luxembourg, Malte et d'autres, dénoncent soudain une formulation juridique qui pourrait leur nuire. En tout, c'est une dizaine d'États-membres qui menacent d'opposer leur veto si le texte voté au Parlement contient cette définition.
« Certains États-membres ont bien compris que cette définition pourrait conduire à les qualifier eux-mêmes de paradis fiscaux », explique Philippe Lamberts (Vert, Belgique), rapporteur du règlement sur les fonds de capital-risque.
« Le prix a payer pour que le texte passe »
Outré de cette rupture de contrat, le Parlement européen n'a pas l'intention de céder facilement et reporte son vote final, prévu le 13 septembre dernier, afin de poursuivre informellement les négociations. Au terme de six mois de palabre, il faut ben se rendre à l'évidence: le Conseil ne cèdera pas. La définition des paradis fiscaux doit sauter. C'est « le prix a payer pour que le texte passe », admet Philippe Lamberts. En contrepartie, seuls les fonds basés dans les États membres sont concernés par ces règlements. Ce qui exclut de fait tous les paradis fiscaux extérieurs à l'Union européenne.
Une petite lueur d'espoir tout de même, signale l'eurodéputé: ces deux textes devront être rééxaminés d'ici au 22 juillet 2013. Une révision qui pourrait être l' occasion de remettre sur le tapis la question des paradis fiscaux.
Anthime Verdier