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La Roumanie, sortie de secours des marchandises ukrainiennes

23 mai 2022

La Roumanie, sortie de secours des marchandises ukrainiennes

Depuis le début du conflit entre l'Ukraine et la Russie, la Roumanie récupère les exportations de son voisin assiégé par les bombes. Une opportunité économique, lourde de responsabilités qui met au défi les ...

D’autres font le pari, plus osé, de valoriser le patrimoine industriel. Catalin Cenusa a fait partie des derniers ouvriers de la mine de Petrila, fermée en 2015. Mais lorsqu’il fait visiter le site, c’est avec une casquette Planeta Petrila sur la tête, du nom de l’ONG qu’il a fondée et surtout du combat que lui et d’autres ont mené pour préserver les bâtiments après leur fermeture. Les sept bâtiments de la mine sont maintenant inscrits au patrimoine industriel roumain, mais l’ONG voudrait un soutien des pouvoirs publics pour mener à bien ses projets de réhabilitation. « Si on n’a pas d'argent, le bateau va couler », confie Ina Berar, vice-présidente de l’organisation. Elle se montre sceptique : « Le tourisme va sûrement se développer, mais je ne suis pas sûre que ce soit suffisant pour les gens ici. »

Redynamiser la vallée

La part du secteur dans les revenus des communes n’excéderait pas 15 ou 20 %, d’après les estimations de Vasile Jurca, maire de Petrila. Et le travail disponible pour les riverains serait forcément limité. Il y a bien eu des baisses d’impôts locaux pour attirer les entreprises, mais celles qui sont venues ont surtout implanté leurs quartiers généraux ici et non des lignes de production créatrices d’emplois. Croisé à l’université de Petroșani, Alexandru Chiuda est étudiant en systèmes informatiques. À 23 ans, il a envie de rester là où il a grandi : « Nous pourrions installer de nouvelles industries, mais il faudrait d’abord attirer des investissements. » Il sait qu’en l’état, il aura peu d’opportunités ici. La plupart de ses camarades désirent s’en aller et ses propres parents lui conseillent de faire de même

Les habitants comme les élus placent leurs espoirs sur d’hypothétiques investissements européens. L’eldorado du tourisme, dans toutes les têtes, est déjà plus concret, mais il reste encore beaucoup à faire. Et même si tous les projets touristiques se réalisent, ils ne sont pas sans risque. La probabilité semble réelle de créer de nouvelles inégalités, entre les touristes et ceux qui en profitent en haut de la vallée et les populations les plus défavorisées, restées en bas.

Geraud Bouvrot et Lorela Prifti

 

 

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Marius Vişovan (à droite) perpétue la mémoire de son père, Aurel Vişovan (à gauche), qui a été enfermé 17 ans dans les geôles communistes pour sa résistance anticommuniste. © Grégoire Cherubini

120 000 touristes, roumains comme étrangers, se rendent tous les ans dans la vallée de Jiu. ©Géraud Bouvrot

« Venez avec moi, je vous emmène au paradis », Florin Govor, 40 ans, est intarissable sur la beauté de sa vallée. Depuis les hauteurs de Pasul Vâlcan (1 300 m), la station de ski où il a investi cette année, le passé industriel de la région paraît déjà lointain. Les mines et les cheminées des centrales thermiques ne représentent qu’un sillon grisâtre au milieu d’un océan de verdure, encore couronné, en ce mois de mai, de montagnes enneigées.

« Je ne vois que le tourisme pour redynamiser le coin. Avec de petites usines peut-être. » Comme exemple réussi, Florin a pris la station voisine de Straja, développée à la fin des années 1990. Aujourd’hui, 120 000 touristes s’y rendent tous les ans, roumains comme étrangers, et leur venue rejaillit sur l'hôtellerie. Outre le ski l’hiver, les sportifs profitent des pistes de randonnée et du vélo de descente le reste de l’année. Ce « far east européen » séduit même certains occidentaux comme Damien Gendron. Ce frenchie qui bosse dans la com’ s’est installé ici en 2021, en mode digital nomad, et souhaite lui aussi faire connaître les environs. Mais qu’il s’agisse de télétravail ou de sports d’hiver, une chose est sûre : il s’agit d’activités de niche.

 

Assis sur un banc à l’écart des autres patients, Alecu, 67 ans, a lui aussi décidé de retourner chez le médecin après en avoir parlé avec la médiatrice. Ancien employé des mines, il a toujours bénéficié d’une assurance-maladie. Mais trop pauvre pour acheter un véhicule motorisé, c’est à cause de la distance qui le sépare du cabinet le plus proche qu’il ne va plus se faire soigner : « Pour venir ce matin, il m’a fallu vingt minutes », raconte le vieil homme qui, comme presque tous les patients venus voir le Dr Stelian ce jour-là, a fait le trajet vers la caravane en charrette. « Au quotidien, cela me prend une heure d’aller chez le médecin à cheval. Souvent, il m’oriente après la consultation vers un spécialiste à Bârlad, à 30 km. Bien sûr, il y a le bus. Mais il ne faut pas le louper, parce qu’il n’y en a qu’une poignée dans la journée. »

La pauvreté augmente les risques

Faute de temps et de moyens, nombreux sont les villageois comme ce retraité à faire l’impasse sur leur santé, au grand dam du Dr Stelian : « Ils ne viennent pas consulter alors que c’est eux qui devraient le plus le faire ! On sait que la pauvreté augmente le risque de souffrir de diabète, de problèmes vasculaires ou liés au cholestérol. Sans compter les problèmes de violences domestiques et d’alcoolisme qui sont très répandus à la campagne, liste la praticienne. Plutôt que de se soigner, beaucoup se refilent du paracétamol, au risque de faire une intoxication. C’est pour faire bouger les lignes que j’ai choisi de travailler à bord de la caravane. » 

Mais impossible pour elle d’absorber seule la totalité des patients en attente de soins : en 2022, la localité de Puiești ne compte plus que deux médecins généralistes, et à l’échelle du comté, huit localités n’ont plus du tout de médecin, laissant au total 16 600 habitants sur le carreau, l’équivalent de la population des Sables-d’Olonne. Faute d’incitations suffisantes de la part de l’État, les jeunes diplômés de la faculté de médecine se tournent vers les villes où les revenus sont plus conséquents et les conditions d’exercice moins difficiles… quitte à creuser l’écart entre résidents des villes et des campagnes : « À Puiești, les gens se rendent chez le docteur comme ils vont à l’église, ironise Mariana. Ils se mettent sur leur 31, sortent leurs beaux habits du dimanche. » Sans garantie, aucune, que leurs prières soient entendues.

Laura Ayad

Villes minières cherchent transition dans la vallée de Jiu

23 mai 2022

Villes minières cherchent transition dans la vallée de Jiu

La fin du charbon semble irréversible et la question de la transition est omniprésente. Mais tout est encore à faire dans ce cadre verdoyant et montagneux.

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Initialement, Elena Dulau voulait devenir ophtalmologiste.   Elle a cependant fini par prendre goût à son activité actuelle :  « C'est la  partie la plus intéressante de la médecine. Nous aimons ce que nous faisons. »    © Hadrien Hubert 

Portraits de patients : 

Ils sont chaque jour plusieurs dizaines à pousser la porte du cabinet pour se faire examiner, chacun avec un besoin particulier. Certains, atteints de diabète, ont besoin de renouveler leur traitement. D'autres consultent pour des douleurs liées au port de charges lourdes au travail, ou souhaitent simplement s'assurer que leurs enfants vont bien. À Valea Lunga, où les jeunes sont partis en ville voire à l'étranger pour tenter leur chance, les personnes âgées prédominent mais on peut également croiser des familles et des jeunes filles enceintes. La présence de médecins dans la commune leur permet un suivi rapproché avec dans certains cas des consultations hebdomadaires. 

© Hadrien Hubert et Leïna Magne

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