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Chaque année, des milliers de jeunes Roumains partent à l’étranger pour leurs études. Après quelques temps, ils sont confrontés au choix de revenir ou de rester. Témoignages.

Grand entretien : « Avec l’Otan, la majorité des Roumains se sent à l’abri »

24 mai 2022

Grand entretien : « Avec l’Otan, la majorité des Roumains se sent à l’abri »

Avec la guerre en Ukraine, la Roumanie se retrouve au coeur des enjeux régionaux. Economie, géopolitique, Europe, le professeur et vice-président de l’Université Babeș-Bolyai de Cluj, Sergiu Mișcoiu a accepté ...

La Roumanie possède 531 kilomètres de frontières communes avec l’Ukraine et, ces derniers mois, des forces supplémentaires de l’OTAN se sont déployées dans l’ouest du pays. Le pays a-t-il des craintes pour son intégrité territoriale ?

Sergiu Mișcoiu : Dès le début du conflit, les autorités se sont voulues rassurantes, en mettant en avant le bouclier de l'OTAN. Mais du côté de la population, il y a très vite eu une certaine émotion et même de la peur, lorsqu’on a vu l’avancée des troupes russes début mars. Des gens ont commencé à faire des passeports pour leurs enfants, et certains qui le pouvaient les ont envoyés en Europe occidentale ou aux États-Unis. Aujourd’hui on peut dire que la grande majorité des Roumains se sent à l'abri. Pour plus de 70 % des gens, selon les derniers sondages, la présence de l’OTAN est la garantie de notre intégrité territoriale. Ceux qui pensent que la Roumanie deviendrait en quelque sorte une cible supplémentaire représentent une petite minorité. 

 

Capitale de la Transylvanie, dans le nord de la Roumanie, la ville s’est convertie à la modernité et au libéralisme depuis trente ans. Autrefois “close”, elle ouvre ses portes à notre journaliste.

 

La place de la Roumanie, pays frontalier de l’Ukraine, a été bouleversée par le déclenchement de la guerre. Sergiu Mișcoiu, directeur de la coopération internationale de l’Université Babeș-Bolyai de Cluj-Napoca, chercheur en sciences politiques et également enseignant à l’Université ​​Paris-Est, décrypte pour Cuej.info les nouveaux défis auxquels son pays doit faire face.  

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Le marché de Mărăști est un lieu de rencontres incontournable des environs. © Elia Ducoulombier

En Roumanie, en 2018, près de sept abonnements Internet sur dix étaient en très haut débit. Par comparaison, la moyenne européenne était d'un abonnement sur cinq. Comment la Roumanie s'est-elle dotée d'une connexion aussi performante ?

Vasile Teodor Dădârlat : Jusqu'aux années 1990, les seules infrastructures de télécommunication qui existaient en Roumanie étaient dédiées aux liaisons téléphoniques. Cependant, il faut rappeler que même avant la chute de Nicolae Ceaușescu (dictateur communiste au pouvoir de 1965 à 1989), la Roumanie coopérait déjà beaucoup avec les États-Unis et la France dans le domaine des nouvelles technologies. À l'Ouest, Ceaușescu était vu comme l'un des seuls dirigeants du bloc communiste qui s'opposaient un tant soit peu à l'URSS.

Quelle évolution voyez-vous dans ces domaines-là depuis les dix dernières années ?

V.T.D. : Aujourd'hui encore, les ingénieurs étrangers employés par Microsoft sont d'abord Indiens, Chinois puis Roumains. Je suis aussi très fier de voir que la plupart de nos « cerveaux » restent désormais pour travailler en Roumanie. Il y a une dizaine d'années, la moitié de nos diplômés partaient à l'étranger. Aujourd'hui c'est à peine plus de 20 %. Cependant, une inquiétude demeure : de nombreux pays en développement tentent de se spécialiser dans les technologies d'information en proposant leurs services pour des salaires beaucoup plus faibles.

Propos recueillis par Emma Bougerol et Laure Solé

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Vasile Teodor Dădârlat, professeur en applications internet et réseaux informatiques à l'université technique de Cluj-Napoca. © Laure Solé

La Roumanie possède près de 20 000 entreprises spécialisées dans les technologies. Le secteur représente plus de 4 milliards d'euros sur le marché local. Comment la Roumanie est-elle devenue pourvoyeuse de main-d'œuvre qualifiée dans ce domaine ?

V.T.D. : Il y a plusieurs facteurs. D'une part, sous le régime communiste, le pays avait déjà la culture d'enseigner en priorité et avec un degré d'exigence très haut les matières scientifiques. Dans les années 1990, la Roumanie était encore très pauvre, et la main d'œuvre très peu coûteuse. Les grandes entreprises comme Google ou Microsoft ont commencé à faire venir des ingénieurs roumains avant même la chute du régime. Par la suite, ces entreprises ont vu l'aubaine représentée par le développement rapide et efficace d'Internet dans le pays et se sont, pour beaucoup, installées en Roumanie.

Cela a évidemment participé au développement économique du pays qui a vu naître ses propres entreprises de développement, de logiciels, de cybersécurité... Tout cela supporté par nos universités pourvoyeuses de main d'œuvre, qui ont par ailleurs été reliées dans les premières au réseau Internet, ce qui a permis très vite à celles-ci de l'étudier.

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