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Au dernier étage, Céline Forgues, mère de famille divorcée, a elle aussi bénéficié des services d’Ophéa. Elle affirme faire le tri de ses déchets mais n’est pas venue pour la dimension écologique. L’auxiliaire de vie réfléchit à partir : “Ici, il y a toujours des problèmes. On paye des charges pour les espaces verts mais rien n’est fait. Pour un soi-disant écoquartier, c’est trop cher.” 

En face, au 5 rue Hatt, c’est l’immeuble entier qui s’est retourné contre le bailleur social. Une lettre a été signée par tous ses habitants pour dénoncer le prix des charges pour les espaces verts. “Ils nous ont facturé des entretiens de la verdure, soi-disant qu’ils ont fait des travaux, et nous ont fait payer plus”, s’insurge Isabelle Garnier. Elle affirme qu’aucune intervention n’a été faite sur les espaces verts devant son immeuble. L’animatrice en périscolaire de 52  ans avait dû payer 280 euros de charges pour les espaces communs en 2017. Finalement, Ophéa lui a remboursé près de 200 euros.

Sur le palier de l’immeuble, encore en tenue de travail, Antoine Piazzoli explique être venu ici “pour changer d’air”. Arrivé en 2014 de Nantes, il est l’un des tout premiers à s’être installé dans l’écoquartier. Locataire d’un logement social, l’électricien a été séduit par le projet : “Je me suis dit que j’allais payer moins et qu’en plus ce serait un quartier responsable pour l’environnement.” Plutôt satisfait, il admet une cohabitation difficile au sujet des voitures : “Les gens se mettent un peu n’importe où parce qu’ils n’ont pas de place. Un jour quelqu’un est venu et a rayé toutes les voitures mal garées.” Avec sa femme, ils payent 75 euros par mois pour deux places dans le parking souterrain : “Tout le monde ne peut pas se payer ça, c’est pour ça que beaucoup se garent dans la rue.”

Un manque d’information sur l’écoquartier

“Les espaces verts communs et jardins partagés sont ouverts à tout le monde, mais les gens ne veulent payer que pour ce qu’ils vont utiliser”, explique Dominique Biellmann. Pour l’habitant de K’hutte qui est aussi président de l’ASL, l’association qui regroupe les syndics du quartier, ces problèmes relèvent d’un manque d’information : “Certains promoteurs et bailleurs ont fait le job, d’autres non. Quand on est bailleur social, il faut aussi expliquer aux gens qu’ils ne pourront pas utiliser leurs voitures.”

Yves Grossiord va plus loin : “Je pense que la plupart des gens ont acheté ici un peu par hasard, car c’est sympa, il y a de la verdure. Mais les promoteurs et bailleurs ne les informent pas, on ne leur dit pas qu’un écoquartier, c’est aussi des contraintes.” Début 2019, il crée avec d’autres habitants l’association Brassage. Le nom a été choisi “en référence à l’ancienne brasserie Kronenbourg, mais aussi pour un brassage de gens, de genres, d’idées”. Mais, souder 1200 personnes s'avère difficile : “Certains trouvent qu’on ne va pas assez loin dans la démarche écologique, d’autres se sentent envahis par des gens qui veulent refaire le monde.”

Dominique Biellmann regrette que l’association n’ait pas été créée plus tôt : “Dans tout écoquartier, il doit y avoir une association. On a quatre ans à rattraper.” Depuis janvier, des initiatives sont mises en place. En juin, la première fête de l’association Brassage a eu lieu, rassemblant les habitants autour d’un verre de l'amitié. En octobre, une fresque participative a été réalisée. Enfin, pour combler le manque de communication des bailleurs et agents immobiliers, l’association est en train de rédiger une charte morale. Non contraignante, elle sera distribuée aux futurs habitants afin d’expliquer ce qu’implique de vivre dans un écoquartier.

Olympique Strasbourg : après l'entre-soi

13 novembre 2019

Olympique Strasbourg : après l'entre-soi

Implanté depuis plus de 20 dans le nord du quartier, l'Olympique Strasbourg, malgré un renouveau dans la direction,

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Dans son nouvel appartement rue Lavoisier, Sevgi (à gauche) continue de voir son amie Sukran (à droite). © Madeleine Le Page

Au chemin Haut, trois enseignes de loisirs privés ont pris quartier dans d’anciens entrepôts loués à la SNCF. L’Urban Soccer, le Crossfit et le Stride-Park visent une clientèle large, quitte à négliger la population locale.

Dans ce flou économique, la Ville, par la voix de son adjoint aux sports, Serge Oehler, se dit “intéressée par le rachat des locaux”. Mais pas dans l’immédiat : “Le pacte budgétaire entre les collectivités locales et l’État bloque l’investissement dans les loisirs.” Dans l’attente d’une éventuelle initiative de la Ville, Laurent Wintermantel cite la “mise en relation avec les scolaires” de plusieurs quartiers comme unique passerelle avec la municipalité. Aucune des trois structures implantées au chemin Haut ne bénéficie de subventions de la Ville. Seul le Stride-Park, lors de son installation, a touché une enveloppe de 150 000 euros du Conseil régional au titre de l’innovation touristique et de l’emploi.

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1200 personnes vivent dans l'écoquartier dont les derniers logements ont été livrés en 2018. © Julien Lecot

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Du haut de son salon au onzième étage, Hedwige Weber espère retrouver un logement d'où elle pourra admirer la cathédrale de Strasbourg depuis sa fenêtre. © Madeleine Le Page

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La toiture des nouveaux immeubles s'inspire des habitations situées au nord de la station de tram. © Juliette Jonas

Attirer les moins aisés, dont les jeunes de la Cité nucléaire, n’est pas la priorité des entreprises de loisirs. “30 à 40% de notre clientèle est allemande”, explique Laurent Wintermantel, directeur général du Stride-Park. Le gérant note aussi que “de plus en plus de personnes n’hésitent pas à venir d’autres régions en France”. Les locataires des lieux sont également confrontés à des impératifs financiers qui expliquent en partie les prix élevés. “Beaucoup de gens s’imaginent qu’on roule sur l’or mais on n’est pas encore à l’équilibre. La location des locaux auprès de la SNCF plombe notre résultat d’exploitation, c’est notre plus gros poste de dépenses”, détaille Laurent Wintermantel.

Entre rentabilité et insécurité 

La mésaventure de l’Académie européenne des arts martiaux, auparavant installée au croisement du chemin Haut et de la route de Hochfelden dans des locaux loués également par la SNCF, montre la difficulté à joindre les deux bouts. Placée en redressement judiciaire en mai dernier pour cessation de paiement, elle a dû plier bagage pour s’installer ailleurs. Sans céder à l’inquiétude, les entreprises basées dans l’ancienne gare de marchandises s’interrogent aussi sur leur avenir. “On ne sait pas combien de temps on va rester là, confie Yoann Kemlin. Notre sécurité, c’est un contrat de neuf ans.” Au-delà de 2023, date de l’échéance du bail, rien n’est vraiment clair pour les trois sociétés, du moins sur cet emplacement. 

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Sukran Kandemir (à gauche) accompagnée de sa sœur, habite un appartement dont l’intérieur immaculé détonne avec l’insalubrité des parties communes. © Madeleine Le Page

 

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