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Mariama Sarr est venue encourager son fils nouvellement inscrit et n’a pas hésité à "un peu harceler les dirigeants" pour qu’il puisse intégrer l’Olympique. Âgé de 9 ans, le garçon était pressé par ses "copains d’école" pour rejoindre l’équipe U9. Avec 300 licenciés cette année, le club a enregistré une hausse des inscriptions de 50% environ. Hasan Yildirim a renforcé l’exigence vis-à-vis des parents : "On refuse les plus jeunes dont les parents ne se rendent pas disponibles pour amener et récupérer leurs enfants à l’entraînement." La direction estime que la responsabilité de l’accueil des mineurs est trop importante pour être assumée par le club sans un investissement minimum des parents. Et avec cet afflux de nouveaux joueurs, l’attente d’un complexe sportif à la mesure de l’association sportive se fait plus pressante que jamais.

Une maison en chantier

Soylu Aziz s’étonne encore du temps qu’il aura fallu à la livraison du terrain synthétique. Les discussions avec la Ville ont commencé il y a dix ans. Plusieurs projets ont avorté avant la validation et la livraison, en 2018, du nouveau terrain, pour un montant de 1,2 million d’euros.

Aujourd’hui, le club est plus divers. Cette évolution a convaincu Hasan Yildirim de le rejoindre. Responsable de la section jeunes depuis un an, il ne se voyait pas "demander leur carte d’identité aux joueurs" et désirait se concentrer sur le "rôle social" du club dans le quartier. D’une voix posée, il s’indigne : "Les gamins arrivent à l’entraînement le soir sans avoir mangé, les autres viennent simplement pour prendre leur douche."

Accolé à la Cité nucléaire, le club draine des joueurs d’un territoire classé Quartier prioritaire de la ville (QPV) en 2015. Le territoire est marqué par une densité démographique supérieure à la moyenne des autres QPV alsaciens et 35 à 55% des ménages habitant la zone vivent sous le seuil de pauvreté (base de données IRIS à partir des données 2015). "Une part importante des familles de licenciés ont recours à l’aide au sport dispensée par la CAF (Caisse d'allocations familiales) et la MSA (Mutualité sociale agricole)", confie Soylu Aziz. La licence est au prix de 130 euros, une somme qui inclut le survêtement, obligatoire pour tous les joueurs.

Une popularité en hausse

Le club croule sous les requêtes de parents pour licencier leurs enfants. De nouvelles équipes dans toutes les catégories d’âge ont été créées, sans pouvoir absorber toutes les demandes.

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Ahmed, Mohammed et Raid (de gauche à droite), cohabitaient dans un appartement d'une des tours Kepler. © Madeleine Le Page

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Aziz Soylu, ici au bord du terrain de Duttlenheim, est le grand artisan de la mue du club cronenbourgeois. © Facebook / Olympique Strasbourg

La démolition de la tour et de ses deux sœurs jumelles, situées aux n°8 et n°9 de la même rue, s’inscrit dans le cadre du Plan de renouvellement urbain (PRU), lancé en 2005 par l’Eurométropole de Strasbourg. Elle s’explique par des raisons de vétusté et d’insécurité. Paul Strassel, coordinateur de l’antenne Ophéa (ex-CUS Habitat) le constate : “Ces tours vivent mal, ce sont des zones extrêmement compliquées à gérer. On se rend compte qu’on n’arrive pas à répondre aux problèmes par une réhabilitation.”

Aujourd’hui, on traverse ce bloc emblématique de la Cité nucléaire de Cronenbourg sans croiser âme qui vive. La rue dans laquelle se trouvent les imposantes tours de 13 étages, construites entre 1969 et 1972, a un air fantomatique. Depuis 2015, le bailleur social Ophéa n'y loge plus de nouveaux arrivants. Les trois tours, dans leur ensemble, contenaient 188 logements sociaux. En novembre 2019, la n° 8 entame la phase finale de sa démolition, la n°9 est vidée depuis l’été ; seule la n°12 est toujours occupée par une quinzaine de familles dont la vie quotidienne est bouleversée.

Une attente source d'angoisses

Depuis qu’elle sait son déménagement inéluctable, Sukran Kandemir s’interroge : "C'est toujours l'angoisse du : Je vais déménager comment ? Je vais déménager quand ?'" Une appréhension renforcée par la longueur des procédures. Pour Paul Strassel, c’est un véritable "travail d'orfèvre". Le bailleur social doit faire une évaluation individuelle de la situation de chaque ménage puis lui proposer trois choix, en fonction des revenus de la famille et des vœux exprimés (surface, quartier…).

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Dans le hall de la tour Kepler, Ahmed, un réfugié soudanais, est sur le point de quitter l’appartement après y avoir vécu six mois. ©  Madeleine Le Page

 L’écoquartier de la Brasserie en chiffres:

  • 450 logements
  • Début du chantier : 2010
  • Premières livraisons de logements : 2014
  • Fin du chantier : 2018
  • Superficie : 3,6 ha
  • 58% des logements en accession privée
  • 31% de logements aidés
  • 6% en autopromotion
  • 5% en accession sociale

Rue du Rieth au nord de Cronenbourg, une foule de jeunes garçons en crampons cavalent sur un terrain en synthétique flambant neuf. Plusieurs grappes de supporters entourent le terrain, essentiellement des mères avec des poussettes ou des groupes de jeunes venus passer le temps en observant les premiers exploits du petit frère. Le club fondé par et pour la communauté turque, a mué pour mieux s’ancrer dans le quartier avec le désir d’occuper une place privilégiée dans la vie de ses habitants.

Au départ, c’est l’histoire d’une bande de copains fâchés avec la direction de leur club. Décidés à mettre sur pied leur propre structure, ils ressuscitent l’Olympique Meinau dans les années 1990. "C’était une coquille vide puisqu’on n’avait même pas de stade. On jouait un peu partout à Strasbourg, raconte Omer Sahin, joueur de l’époque et récemment nommé président d’honneur du club. J’ai fini par repérer le stade qu’on occupe aujourd’hui alors que j'habitais le quartier." Après concertation avec la mairie, ils obtiennent le droit d’en faire leur terrain de jeux. L’Olympique Meinau devient l’Olympique Strasbourg.

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Mardi 12 novembre, les derniers demandeurs d’asile déménagent rue Marie-Jeanne-de-Lalande, à quelques mètres de leur ancien logement, au 12 rue Kepler. ©  Madeleine Le Page

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La tour du 8 rue Kepler, en cours de démolition, est marquée par plusieurs incendies. ©  Madeleine Le Page

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