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« Strasbourg est un cas d’étude pour les Verts en France » : le 6 mars, c’est un article du Financial Times qui met en avant Jeanne Barseghian. La femme de 39 ans rassemble une coalition comprenant des colistiers d’origines très diverses dont le parti Europe écologie les verts (EELV). Les derniers sondages donnent cette candidate, encore peu connue il y a quelques mois, au coude-à-coude avec Alain Fontanel (LREM), premier adjoint et favori à la succession du maire Roland Ries.

« Jeanne Barseghian n’est pas dans la politique pour obtenir un quelconque pouvoir personnel mais pour qu’on prenne au sérieux la démarche écologique. Elle a compris que c’était le bon moment pour les Verts », estime Laurène, une de ses amies de longue date. C’est aussi l’avis d’Alain Jund, tête de liste des Verts en 2014 : « Les dernières élections européennes ont porté les enjeux écologistes ».

Nouveau visage et pourtant déjà élue

Si Alain Jund a décidé de ne pas se présenter cette année, il est plus connu dans le paysage politique strasbourgeois que la nouvelle numéro 1 de la liste Strasbourg écologiste et citoyenne. « Jeanne Barseghian est souvent décriée pour son manque de notoriété, le déficit de charisme dont elle souffrirait. À titre personnel, je n’y vois pas quelque chose de rédhibitoire, d’autant qu’elle paraît apprendre vite », estime Jean Faivre, numéro 4 d’une liste concurrente conduite par Chantal Cutajar.

Joris Castiglione, engagé au Parti communiste depuis 2011 et présent sur la liste portée par Jeanne Barseghian, reconnaît avoir rencontré sur le terrain « des personnes qui expliquaient avoir toujours voté écologiste, mais ne pas connaître Jeanne Barseghian ». La candidate en convient en souriant, « on m’a beaucoup interrogée et interviewée sur ce "déficit de notoriété" », un déficit initial qui a surtout généré de la « curiosité » autour de sa personne plutôt que de la critique.

Pour preuve, les recherches internet associées à son nom comportent en majorité les mots « CV », « Linkedin » ou « Wikipedia », tandis que le nom des autres principaux candidats est au contraire plus régulièrement associé à des termes comme « 2020 », « municipales » ou « programme ». Et si une page wikipedia a brièvement existé à son nom, elle a été supprimée le 18 janvier dernier, pour le motif suivant : « Le ton de cet article est trop promotionnel ou publicitaire ».

Juguler la déferlante du marché de Noël

À gauche et au centre, la mesure phare des candidats est claire : arrêter de communiquer à l’étranger pour faire venir toujours plus de visiteurs. Tous critiquent aussi l’afflux massif en décembre. Tout le monde est donc d’accord, il faut continuer de faire venir des touristes, mais pas tous en même temps.

Au débat entre les principales têtes de liste pour la mairie de Strasbourg, mercredi soir, on n’a pas reconnu le jeune poulain surexcité, croisé deux semaines plus tôt sur le marché de Hautepierre. À l’époque, Jean-Philippe Vetter serre des mains à tout va (« Allez, le coronavirus on s’en fout ! »), fond sur le moindre porteur de jogging (« Vous êtes sportif ? Vous savez, moi j’ai fait STAPS ! »), et s'émerveille de tout jusqu’à la transe (« Ici, c’est le meilleur marché de France »). 

« La tornade Vetter »

Le dynamique candidat LR donne alors l’impression d’être parfaitement à l’aise avec le terrain (« Moi, j’aime les gens et ça se voit »), quand son concurrent Alain Fontanel (LREM), aussi raide que poli, est un habitué des silences embarrassés. Surtout, le conseiller municipal d’opposition mène son train sur un rythme effréné, au point qu’on a d’abord imaginé titrer ce portrait « la tornade Vetter ». 

Mais en fait de tornade, ce mercredi soir, sur le plateau de France 3, Vetter fait l’effet d’un tiède sirocco. Il a préféré joué la partition du candidat sérieux, aussi calme que souriant, la voix posée, basse, peut-être même un peu trop. Pour un peu, on l’aurait confondu avec Alain Fontanel, la tête de liste de la République en Marche, loin devant lui dans les sondages - le premier adjoint sortant est crédité de 27% des intentions de vote dimanche, quand Vetter accuse les 15%, et la dernière place d’une éventuelle quadrangulaire. 

Valeur travail 

Face à une dynamique qui ne prend pas, le jeune premier a-t-il voulu montrer qu’il avait les épaules pour le job, et adopter un train sénatorial, quitte à perdre de sa singularité ? Dans tous les cas, le candidat LR n’a pas déroulé ce mercredi soir l’habituel storytelling dont il rebat pourtant les oreilles de qui veut l’entendre depuis près d’un an et demi de campagne. Un récit de sa vie qui s’étale sur son site Vetter 2020 en un interminable diaporama de 26 photos commentées. 

Depuis plusieurs d’années, les jeunes quittent Wissembourg. Dans le cadre de la campagne électorale, les candidats multiplient les idées pour les convaincre de rester.

Depuis plusieurs d’années, les jeunes quittent Wissembourg. Dans le cadre de la campagne électorale, les candidats multiplient les idées pour les convaincre de rester.

Un tourisme « haut de gamme » pour la droite

Si ce mois de mars n’est pas révélateur du problème, le malaise des Colmariens reste présent. « J’évite de me rendre au centre-ville en décembre, pendant le marché de Noël », regrette Geneviève, 60 ans. Le visage crispé, elle reconnaît, cependant, que le tourisme fait vivre la ville. Car il s’agit d’un secteur clé pour l’économie locale : plus de 3 000 emplois en dépendent directement.

Alors les candidats ont tous décidé de s’emparer du sujet. À droite, le maire sortant Gilbert Meyer (LR), défend son bilan et le développement du tourisme mené depuis son arrivée à la mairie. S’il promet la mise en place des assises du tourisme après les élections, il n’entend pas changer radicalement le cap fixé ces dernières années. Le tourisme restera un secteur clé pour la ville.

Une situation dont Yves Hemedinger, son premier adjoint, se félicite. « Nous devons maintenant réfléchir à l’avenir que nous voulons donner au secteur. » Un avenir que le maire sortant envisage déjà comme « haut de gamme ». En plus de vouloir développer le tourisme d’affaires, « deux projets hôteliers quatre et cinq étoiles ont été lancés », indique Yves Hemedinger.

Son principal adversaire, Eric Straumann (LR), propose lui aussi de donner la priorité au tourisme d’affaires. « Il faut également arrêter de communiquer pour attirer toujours plus de monde au marché de Noël », déclarait-t-il lors d’un débat. C’est donc une sélection au portefeuille que souhaitent opérer les candidats de la droite : moins de touristes, mais des touristes plus fortunés.

Avec son sourire charmeur et son aisance en public, le candidat de la droite veut se  faire une place parmi les favoris de l’élection du 15 mars. Et cherche à faire oublier qu’il est un pur professionnel de la politique, grâce à un storytelling bien travaillé. 

Ça ne se bouscule pas place des Unterlinden, à Colmar. Face au musée du même nom, et juste à côté de l’office de tourisme, personne ne se précipite dans les rues ou pour entrer dans les bâtiments. Depuis janvier, et le début de la basse saison touristique, les visiteurs se font rares.

En pleine crise du coronavirus, la fréquentation se porte même encore plus mal que d’habitude. Difficile alors de comprendre ce constat dressé par tous les candidats à la mairie : il y a trop de touristes à Colmar. Il faut se pencher sur les chiffres des années passées pour en comprendre l’origine.

En 2018, 3,5 millions de visiteurs ont été recensés, et le mois de décembre a drainé à lui seul 1,5 million de personnes. Un nombre conséquent pour la préfecture du Haut-Rhin et ses 70 000 habitants.

Les sondages l’annoncent au second tour des municipales strasbourgeoises, face à une ancienne maire et au premier adjoint sortant. La candidate écologiste a su faire de son déficit de notoriété initial une force, en ne changeant pas de cap.

« Les réseaux sociaux créent un lien avec des publics pas forcément intéressés par la politique », selon le politologue Thomas Vitiello. Photo Laurie Correia

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