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Enjeu primordial contre le réchauffement climatique, le végétal peine à se frayer un chemin le long de la bétonnée route de Bischwiller. Les communes de Schiltigheim, Bischheim et Hoenheim avancent lentement, entre négociation des projets immobiliers, biodiversité dans l'espace public et implication citoyenne dans le jardinage.
La sonnerie de 16h retentit, les parents viennent chercher leurs enfants à l’école maternelle du parc du Château, à Schiltigheim. C’est ici, au début des années 2010, qu’Aurélie Lescoute et Steve Letho Duclos, accompagnés d’autres jeunes parents, décident de lancer un collectif.
Aujourd’hui conseillère municipale déléguée à la démocratie participative, Aurélie Lescoute se souvient : “On a connu plein de gens comme ça et on s’est dit que ça faciliterait les rencontres. Mais pour ceux qui n’ont pas d’enfants, on a eu l’idée du café associatif.”
Du compost pour mobiliser le quartier
Créée en 2013, l’Association des habitants du quartier Centre de Schiltigheim veut encourager les échanges et la vie locale. En plus d’organiser un café associatif mensuel à la Maison des sociétés, qui réunit en moyenne une cinquantaine de personnes, le groupe a lancé un compost collectif dans le parc du Château. Une initiative permettant à plusieurs dizaines de foyers de valoriser leurs déchets organiques. “Il y a pas mal de nouveaux habitants qui entendent parler de nous par le compost”, assure Steve Letho Duclos, président de l’association. Cette dernière compte environ 220 adhérents et une dizaine de membres actifs.
Les pharmacies de la route de Bischwiller tentent diverses stratégies concurrentielles pour faire évoluer et prospérer leurs activités dans un milieu où la marge est maigre. La proximité avec le Centre médico-chirurgical obstétrique (CMCO) est un argument de poids pour se distinguer mais révèle certaines questions éthiques.
Au milieu des maisons à colombages du centre historique de Schiltigheim, certains habitants essayent de faire vivre le quartier. Les plus anciens se souviennent avec nostalgie de la bonne ambiance d’antan.
Le long de la route de Bischwiller, échafaudages et avis de construction remplissent l’horizon de Schiltigheim, Bischheim et Hoenheim. À Schiltigheim, porte d’entrée de Strasbourg, difficile de ménager une place à la végétation et de répondre aux objectifs écologiques dans une ville animée par de grands chantiers immobiliers.
Pourtant, c’est aussi la seule des trois voisines à s’être engagée dans le Pacte penser, aménager et construire en transition écologique de l’Eurométropole. Bien que le document n’ait pas de valeur juridique, il permet de créer un espace de discussion entre les acteurs de la construction et de l’urbanisme et les communes signataires et l’Eurométropole afin d’appliquer le plan climat au niveau local.
Chantier d’ampleur, l’ancien site industriel Fischer deviendra un quartier à part entière. La question de sa végétalisation se pose. “Jusqu'à aujourd’hui, Fischer était un gros îlot de chaleur sur la carte, tout était en rouge. J’espère que demain ce ne sera plus rouge, mais au moins orange. Je ne me fais pas d'illusions, il y aura quand même 610 logements”, expose Danielle Dambach, maire de Schiltigheim.
À cinq minutes de Strasbourg, la ville de Schiltigheim souhaite développer son activité touristique. Malgré les ambitions de la mairie, les commerçants peinent à croire en un potentiel lucratif.
Il est rare de croiser des touristes dans les rues de Schiltigheim. Difficile pour la deuxième ville de l’Eurométropole de se faire un nom à côté de l’ogre touristique strasbourgeois. Schilick a pourtant des atouts, dont un riche passé brassicole, peu exploité jusqu’ici.
Les Halles du Scilt, situées dans le vieux Schilick, abritent un marché couvert et une salle d’exposition
© Laurine Jeanson
Un potentiel à exploiter
Autrefois désignée comme “La cité des brasseurs”, Schiltigheim a vu ses cinq usines fermer les unes après les autres. Heineken, seule survivante, règne en colosse à l’entrée de la ville. La petite brasserie artisanale Storig, créée par un restaurateur strasbourgeois en 2005, contribue à perpétuer la tradition brassicole. Grâce à sa cuisine typiquement alsacienne et à ses visites guidées, elle réussit à attirer des amateurs de bière des villes alentour. Mais la brasserie, comme d’autres restaurants schilikois, peut aussi compter sur les sessions plénières du Parlement européen pour remplir ses tables. Un tourisme dit “corporate”, qui regroupe ponctuellement des groupes d’eurodéputés.
“Nous essayons de faire de Schiltigheim une ville touristique. Elle a d’énormes atouts et du potentiel indépendamment de Strasbourg ”, s’exclame Éric Elkouby, employé au service du tourisme à la mairie de Schiltigheim. Son poste, créé il y a deux ans, atteste d’une apparente volonté de développer l’attractivité de la ville.
Pour l’heure, l’ancien député, accompagné de l’adjointe chargée du tourisme et du patrimoine, Andrée Buchmann, essaie d’organiser des projets pour attirer de potentiels touristes. Leur première initiative a été de réhabiliter l’ancienne Ferme Linck. Tous les week-ends, elle ouvre ses portes pour une exposition permanente sur le passé industriel de la ville. En deux ans, le site a attiré environ 600 visiteurs. Un démarrage timide, mais “sans avoir fait de publicité”, précise Danielle Dambach, la maire de Schiltigheim.
Développer le tourisme a aussi un coût. En témoigne la fermeture en juin dernier du Pixel Museum, seul musée de la ville, qui, malgré ses 75 000 visiteurs en trois ans, ne parvenait plus à rétablir son équilibre financier sans l'aide de la municipalité. L’inclusion de Schiltigheim dans l’Eurométropole l’empêche de profiter de certains financements de l’État. Notamment au titre du projet “Action cœur de ville”, mis en place en 2017 pour les villes moyennes ayant un potentiel d’attractivité touristique. Alain Kristofel, en charge du projet pour la ville de Haguenau, explique : “Schiltigheim n’aurait pas pu proposer sa candidature. Elle n’est pas indépendante de l’Eurométropole sur les problématiques de transport, de travail et d’habitation.”
Maison d’hôte “ Au Merlenchanteur “, classée au patrimoine historique
© Pierre Thevenet
Le Merlenchanteur, un exemple de réussite
Mélanie, propriétaire de la maison d’hôte Le Merlenchanteur, dans le vieux Schilick, avait déjà pour ambition de “montrer l’histoire de l’Alsace”, quand elle s’est installée voilà seize ans. Les touristes viennent loger chez elle pour vivre une immersion dans une maison typique à colombages. Même si la majorité de ses clients choisissent son gîte pour sa proximité avec Strasbourg, Mélanie a à cœur de faire découvrir Schiltigheim: “Quand les gens arrivent, je les envoie manger à Storig, au Cheval Blanc et au marché couvert des Halles du Scilt. La ville a une très belle offre de cuisine alsacienne. Et les plats sont bien meilleurs qu’à Strasbourg.”
Mélanie a souhaité garder une décoration alsacienne jusqu’à l’intérieur de la maison
© Pierre Thevenet
Des initiatives peu concluantes
Éric Ivens est propriétaire depuis mars dernier du restaurant Le Cheval Blanc
© Laurine Jeanson
Durant l’été 2019, la mairie a vainement essayé de rassembler les commerçants de Schiltigheim, lors d’une réunion pour “dynamiser l’activité touristique”. Le directeur de l’hôtel Le Forum, à l’entrée sud de la ville, se rappelle que “peu de monde a répondu présent”. Pire, les commerçants s’accordent à dire “qu’il n’y a pas de visiteurs à Schiltigheim“. C’est le cas d‘Éric Ivens, nouveau propriétaire du Cheval Blanc, un restaurant situé dans la vieille ville. “Sur un mois, le nombre de touristes représente environ 2% de ma clientèle”, affirme-t-il. Les commerçants réussissent à faire tourner leurs entreprises uniquement avec la clientèle locale.
Eric Elkouby et Andrée Buchmann espèrent faire de Schiltigheim une place touristique. Développer cette activité prend du temps et l’employé en tourisme n’en a pas: “J’ai d’autres ambitions politiques pour l’avenir”, affirme-t-il. La maire Danielle Dambach l’assure, cette nomination s’inscrit dans un projet à long terme: “Si Éric doit partir, on trouvera quelqu’un d’autre.” Il reste encore du chemin.
Laurine Jeanson et Pierre Thévenet