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Sur la route de Bischwiller, une quinzaine de kebabs s'entassent du nord de la mairie de Schiltigheim jusqu'au sud de Bischheim. Face à une concurrence accrue, ils ont dû diversifier leurs offres pour se démarquer et continuer d'exister.
Les années 1950 signent le déclin du tramway. Si la fréquentation a augmenté pendant la Seconde Guerre mondiale, elle baisse de nouveau ensuite. Moins cher, plus rapide et surtout moins encombrant, le bus vole peu à peu la vedette au tramway. Alors que la voiture se démocratise, la priorité est de lui réserver l’espace de circulation. Les lignes ferment les unes après les autres et la dernière, circulant du Neuhof à Hoenheim, est arrêtée le 30 avril 1960.
Photo prise en août 1958 à l’actuel 73, rue de la République (Hoenheim)
© Strasbourg-Tramway © Emma Steven
"J’ai eu un coup de cœur pour l’appartement." Pierrick Cousin, ingénieur en informatique de 25 ans, a emménagé il y a un an dans un deux-pièces de 49 m² situé sur le site de l’ancienne friche France Télécom, à Schiltigheim, qu’il loue 650 euros par mois. "C’est compliqué de trouver un logement en location sur Strasbourg. Avant, j’avais un studio à Cronenbourg ; aujourd’hui j’ai plus de place."
D’après Frédérique Ihli, directrice de l’agence immobilière Stéphane Plaza de Schiltigheim, le secteur attire de plus en plus de jeunes. "Il y a beaucoup plus de demande que d’offre, précise-t-elle. En moyenne, un deux-pièces à Schiltigheim coûte 600 euros par mois à la location. À Strasbourg, il faut débourser environ 850 euros pour la même superficie." Pour Pierrick, le stationnement était aussi un critère : "Je travaille à Strasbourg, et j’avais besoin d’une place de parking."
Attirés par la capitale de l'Eurométropole
Pour la famille Neumann, qui habite depuis quatre ans un appartement de l’écoquartier Adelshoffen à Schiltigheim, la proximité avec Strasbourg était essentielle. En vingt minutes de bus, Ève peut rejoindre la gare SNCF de Strasbourg où elle travaille en tant qu’agent d’accueil. L’aînée se rend facilement tous les jours au lycée Fustel-de-Coulanges, bien coté, en plein cœur du centre historique de Strasbourg. La cadette fréquente l’école Exen de Schiltigheim, à une centaine de mètres de leur domicile. "Pour ce qui est des commerces alimentaires ou la poste par exemple, on a tout à proximité, précise Ève. En revanche, on préfère aller à Strasbourg pour nos loisirs, comme au cinéma et au restaurant. Il y a une meilleure ambiance, ça bouge, il y a plus d’événements qu’à Schiltigheim."
À Bischheim, Doris Muller, pensionnaire de la résidence pour personnes âgées Charles-Huck depuis trois ans, trouve tout sur place: "Il y a des boulangeries et des supermarchés. J’ai aussi mon médecin et un laboratoire d’analyses médicales." Les seules fois où Doris se rend à Strasbourg, où elle habitait auparavant, c’est pour faire du shopping et aller chez le podologue.
"Mon sang n’a fait qu’un tour !" Assistante maternelle depuis douze ans, Myriam Reiss est passée près du drame au printemps. Alors qu’elle traverse au passage piéton devant l’école maternelle Léo-Delibes accompagnée de cinq enfants, une automobiliste dépasse deux voitures garées en double file. Au passage piéton, elle pile devant Renaud, 5 ans, sous la garde de Myriam Reiss.
Pour cette assistante maternelle, emprunter la route de Bischwiller est une source d’inquiétude. Pourtant, c’est un passage incontournable pour se rendre à Léo-Delibes. "C’est une grande artère, très passante. Je ne suis pas tranquille", confie-t-elle. Une crainte partagée par d’autres parents d’élèves comme Élodie, mère de deux garçons scolarisés à la maternelle. "Le passage piéton est très dangereux. Je ne traverse jamais ici, les voitures roulent à une vitesse folle", témoigne-t-elle.
Sur le parking situé en face de l’entrée de l’école s’entassent une vingtaine de voitures aux heures de sortie. Alors que des véhicules sont garés en enfilade, d’autres stationnent en double file, compliquant le passage des piétons. Pour l’assistante maternelle, le parking "est un passage pour les poussettes et les piétons et pourtant les voitures sont en double-file, moteurs allumés. C’est stressant. Pour surveiller les enfants sur le parking, il faut avoir trois paires d’yeux".
naviguent entre le supermarché, les quatre épiceries spécialisées, les trois boulangeries, les deux fleuristes et d’autres commerces de proximité. Evelyne Caquelin, 80 ans, membre de l’Union des commerçants et artisans de Schiltigheim, habite la ville depuis 1965. Au fil des décennies, l’ancienne gérante de feu Cafés Reck – l’enseigne du numéro 114 a baissé pavillon fin 2017 –a constaté la fermeture de nombreuses boutiques ; la faute à Internet et à la zone commerciale de Mundolsheim-Vendenheim, analyse-t-elle.
Quand Auchan devient un commerce de proximité
Le magasin Auchan, qui s’est implanté en 2014 sur le site de l’ancienne brasserie Adelshoffen, occupe une place centrale dans l’activité commerciale schilikoise. Dans ses rayons, des retraitées croisent des familles, des trentenaires et des adolescents. Tous s’accordent sur le fait que ce supermarché de ville est un commerce de proximité incontournable.
Surprenant à première vue, mais les fidèles clients l’expliquent. “Je viens faire mes courses ici car je ne peux pas me déplacer trop loin toute seule”, témoigne Aimée, canne à la main. Comme elle, la plupart des clients viennent à pied ou à vélo. Bernard, retraité schilikois qui y fait généralement des achats d’appoint, se réjouit du “bon rapport qualité-prix. Ici, c’est bien moins cher qu’au Carrefour Express 800 mètres plus loin”.
Paradoxalement, les commerçants des boutiques alentour estiment ne pas subir la concurrence de cette grande enseigne. “La plupart des gens qui viennent dans notre épicerie savent qu’ils trouvent ici des produits spéciaux, qu’il n’y a pas à Auchan ou dans les autres commerces”, précise d’un air assuré le boucher d’Asan Market, en esquissant un sourire sous sa moustache. La petite boutique, qui fait face au supermarché, propose des spécialités alimentaires turques et bosniaques, comme les kadayıf, célèbres gâteaux turcs aux cheveux d’ange.
À chacun sa clientèle
La famille Gregorian tient l’ARM Market, un petit local à l’enseigne discrète, qui fait la part belle aux produits russes et arméniens. Le commerce, ouvert fin juillet, ne souffre pas non plus de la présence d’Auchan. “Lorsque nos clients veulent acheter des produits de base, ils laissent leurs achats ici et traversent la rue pour aller rapidement à Auchan avant de revenir”, ajoute la vendeuse Tatevik, une jeune brune d’une vingtaine d’années.
Pas de concurrence non plus avec l’Asan Market, son voisin, mais pour une autre raison : les récents affrontements entre l’Arménie et l'Azerbaïdjan – soutenu par la Turquie – au Haut-Karabakh. Rien d’étonnant donc à ce que le sourire de Tatevik se crispe légèrement quand on lui parle de l’Asan Market, dont le propriétaire est turc. “Nos clients ne vont pas chez eux et inversement”, déclare-t-elle, “c’est une question de principe”. Les relations entre les deux commerces ont beau être très cordiales, les tensions internationales n’épargnent pas la route de Bischwiller.