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« Quand il y a des bombardements, ma mère dit à ma petite sœur de dix ans que ce sont des feux d’artifices pour ne pas l’inquiéter », raconte avec émoi Oleksandra, la vingtaine, actuellement en stage au Parlement européen. Elle est l’une des six Ukrainiennes conviées au petit-déjeuner-débat à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Dans la villa Schutzenberger de style art nouveau, à deux pas du Parlement, ces invitées sont installées autour d’une grande tablée. Après quelques viennoiseries et un café nécessaire pour chasser la nuit encore marquée sur leurs visages, elles prennent la parole tour à tour. L’ambiance intimiste de la salle sombre amplifie l’émotion des appels à l’aide déchirants. « Ma grand-mère ne peut pas évacuer et ses médicaments sont indisponibles car elle est encerclée par les forces russes. Beaucoup d’amies de mon âge accouchent sous les bombes, dans des bunkers. C’est terrible… », se désole Oleksandra. L’évènement se conclut sous des applaudissements chaleureux : « Slava Ukraini ! », lance la jeune Ukrainienne. Un cri repris en cœur avant que tout le monde ne parte en séance plénière.
D’autant plus que cela pourrait décourager d’autres pays candidats à l’adhésion. « Une réponse favorable à l’Ukraine pourrait créer des effets pervers vis-à-vis de la Bosnie », analyse l'eurodéputé français Arnaud Danjean (PPE, centre-droit). L’ancienne république yougoslave attend en effet une réponse à sa candidature depuis 2016.
La corruption et les manquements à l’État de droit sont aussi des obstacles à l’entrée des trois pays dans l’UE. Sur le plan économique, ils restent fragiles. C’est notamment le cas de la Moldavie qui a le salaire minimum brut le plus bas d'Europe : 46 euros mensuels, soit 35 fois moins que le Luxembourg.
Les États menacés géopolitiquement ont besoin d’un symbole en temps de guerre, comme le souligne Richard Stock, directeur général du Centre européen Robert Schuman : « Ce que les gouvernements réclament, c’est la possibilité de faire croire que cette adhésion serait possible, car cela galvanise la population face aux Russes. »
Tara Abeelack et Milan Busignies
Les bombes et les chars russes ont précipité la demande d’adhésion de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie à l’UE. Les eurodéputés ont soutenu leur démarche lors d'une session plénière exceptionnelle, organisée après l'invasion de la Russie. Le sujet a été également été débattu lors du sommet de Versailles, qui réunit les 27 chefs d’État, ce jeudi 10 mars.
Une menace au-delà des frontières ukrainiennes
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a plaidé pour une intégration « sans délai » dans l’Union. Ses voisins lui ont emboîté le pas. La Moldavie craint notamment les conséquences de la guerre. Chisinau partage en effet 940 kilomètres de frontières avec l’Ukraine. Une inquiétude renforcée par la présence de la Transnistrie, une région moldave pro-russe autoproclamée indépendante depuis 1992. Du côté de la Géorgie, l’intervention militaire du Kremlin en 2008 reste dans tous les esprits. L'opération visait à soutenir les zones russophones d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie contre Tbilissi.
Le début d’une longue procédure
Le 7 mars, l’Union européenne a officiellement lancé l’examen des trois demandes de candidature. La Commission doit rendre un avis sur la question. S’il est positif, c’est alors aux 27 ministres européens de valider définitivement le statut de candidat. Pour appuyer leur candidature, les trois Etats invoquent l’article 49 du traité sur l’UE. Selon ce texte, tout pays qui estime respecter les valeurs de l’Etat de droit et de la démocratie peut demander à devenir membre. Une étape qui ne garantit pas forcément une adhésion ultérieure.
La procédure est en effet longue et nécessite d’examiner les acquis communautaires : 35 chapitres portent sur les obligations à respecter. Parmi les prérequis, les pays sont contrôlés sur la conformité de leurs institutions avec l’État de droit, leur politique fiscale ou encore sociale. Selon Sophie Pornschlegel, analyste au think tank EPC (European policy centre), « c’est un processus qui va durer au moins une dizaine d’années ».
Lutter contre la corruption
Ce rapport propose l’élimination progressive des passeports dorés d’ici 2025, une régulation stricte des visas et un prélèvement de 50% au bénéfice de l’UE sur chaque investissement en échange d’un titre de séjour ou d’une citoyenneté. « Nous voulons des investissements injectés dans l’économie réelle et faire en sorte que les investisseurs de bonne foi obtiennent des visas dans les États membres », explique Sophia In’t Veld.
Facteurs de corruption et de blanchiment d’argent, ces programmes sont très critiqués par la majorité des eurodéputés, notamment par le grec Konstantinos Arvanitis (La Gauche) : « Il est inhumain d’avoir des personnes qui meurent de froid, qui se noient à nos frontières alors qu’il existe une porte pour blanchir l’argent sale ».
Seule l'extrême droite européenne défend une position plus nuancée : « La culpabilité est individuelle. C’est une des valeurs de l'Europe. Il ne faut pas condamner l’ensemble des oligarques et leurs familles », tempère l’allemand Nicolaus Fest (ID, extrême droite). Ce dernier a participé à la rédaction du rapport mais s’est abstenu lors du vote en plénière.
Un rapport qui met la Commission sous pression
Dans ce contexte, la Commission européenne se retrouve sous pression pour proposer des solutions : « Cette fois je ne vais pas vous lâcher, je vais vous traquer, vous pourchasser, jusqu'à ce que vous fassiez cette proposition », a averti Sophia In’t Veld en s’adressant directement à Didier Reynders, commissaire aux libertés civiles, de la justice et aux affaires intérieures.
L´élu néerlandaise, qui porte ce combat depuis 2014, accuse la Commission de vouloir laisser les États membres concernés adopter leur propre législation sur le sujet. Le risque étant qu'à l'échelle nationale, rien ne soit fait et que le problème perdure.
Selon une étude réalisée en octobre 2021 par la Commission, 132 000 personnes ont obtenu une résidence ou la citoyenneté européenne par le système des passeports dorés entre 2011 et 2019. Cela représente un investissement total d’environ 21,4 milliards d’euros dans les États concernés.
Dorian Mao et Amine Snoussi
Lors de la session plénière du Parlement européen à Strasbourg, les députés se sont penchés sur les passeports et les visas dorés. Une pratique controversée qui revient dans l’actualité avec les sanctions prises contre les hommes d’affaires proches de Vladimir Poutine.
« Nous sommes dans la pire situation depuis la guerre des Balkans », déplore Bogdan Rzońca, eurodéputé polonais (ECR, conservateurs). Mardi 8 mars, à l’initiative de la Commission européenne, les parlementaires ont débattu de la situation en Bosnie. L’État de trois millions d’habitants possède un découpage ethnique et territorial particulier. La fédération de Bosnie et la Republika Srpska (République serbe de Bosnie) sont deux entités qui disposent de leur propre Constitution, mais prennent des décisions conjointes dans certains domaines. Trente ans après la guerre qui a opposé le pays à la Serbie entre 1992 et 1995, Milorad Dodik, président de la Republika Srpska, n’a eu de cesse de marteler un discours sécessionniste. Il veut se détacher des institutions du pouvoir central et disposer de sa propre armée.
Au moment où la Russie envahit l’Ukraine, la connivence entre Milorad Dodik et Vladimir Poutine génère les craintes du Parlement européen. Selon l’eurodéputée néerlandaise Tineke Strik (Verts/ALE), « Milorad Dodik flirte avec le Kremlin. Le conflit ukrainien nous montre que l’UE doit préserver les Balkans de l’interférence russe. »
Alors que depuis 2016, la demande de candidature de la Bosnie en tant qu’État membre est restée lettre morte, la Commission européenne a élaboré un plan en 14 points pour accompagner le pays dans son projet d’intégration. Les récents événements risquent de rendre la perspective d’une adhésion plus lointaine. Depuis 2013, 500 000 personnes ont quitté l’ancienne république yougoslave.
« Beaucoup d’oligarques Russes achètent leur citoyenneté ou leurs visas dorés et échappent aux sanctions en montrant leur passeport. Cela doit s'arrêter ! » a déclaré Sophia In’t Veld (Renew, libéraux). Le rapport d'initiative de la députée néerlandaise réclame la régulation des « visas dorés », ces pratiques permettant d’obtenir un titre de séjour contre investissement et l’interdiction de la vente de la citoyenneté européenne, « les passeports dorés ». Le prix de ces programmes vont de 60 000 à 10 millions d’euros et permettent aux grandes fortunes russes d’échapper aux sanctions internationales.
Douze pays de l’Union européenne proposent l’achat d’un titre de séjour et trois vendent leur citoyenneté, à savoir la Bulgarie, Chypre et Malte. Le gouvernement maltais a, d’ailleurs, suspendu le 2 mars son système d’attribution de la citoyenneté contre investissement pour les personnes originaires de Russie et de Biélorussie en réaction à l’invasion de l’Ukraine.
« Quand j’ai appris que l’argent des Européens avait financé le laboratoire de virologie de Wuhan, je me suis dit qu’il fallait faire éclater la vérité sur cette affaire. » Le député Charlie Weimers (ECR, conservateur) a déposé en septembre 2021 un projet de commission d’enquête auprès des parlementaires. Le Suédois avait un objectif en tête : « une enquête crédible sur les origines du virus ». En effet, l’Union européenne a bien financé le désormais célèbre laboratoire de virologie de Wuhan. « Je pense que c’était une fuite de laboratoire, ils avaient les mêmes conditions de sécurité dans ce laboratoire que chez un dentiste ! », affirme le parlementaire.
Charlie Weimers était surpris, mais la majorité des groupes ont soutenu son idée. Mais quand le projet est revenu dans son bureau, il avait quelque peu changé. Le Parlement européen veut créer une « commission spéciale sur la pandémie du Covid-19 ». Pendant un an, des parlementaires étudieront plutôt l’impact économique, sanitaire ou encore démocratique de la pandémie.
Pour Charlie Weimers, ce changement est une façon de ne pas froisser les intérêts chinois. Il dénonce l’attitude des institutions, qui ne pourront pas obtenir la vérité de cette façon. Son bureau reste cependant positif, de nouveaux amendements pourraient encore changer la mission de la commission. Celle-ci aura un an pour panser les plaies de la pandémie de Covid-19, et en prévenir de futures.