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Le soutien du Parlement exprimé d’une même voix

La même salve d’applaudissements émus résonne plus tard dans l’hémicycle du Parlement européen. Debouts, les députés ovationnent le discours poignant d’Oksana Zaboujko. Invitée d’honneur pour la journée du 8 mars, l’écrivaine ukrainienne vient de célébrer le courage des femmes de son pays : « Les larmes me montent aux yeux quand je les vois se battre aux côtés des hommes ». Sur le front ou en civil, nombreuses sont celles qui s’avancent sans arme devant les soldats russes pour y déposer des graines de tournesol dans leur poche. Symbole national, ces fleurs jaunes doivent alors pousser sur le cadavre des militaires, s’ils meurent dans cette guerre. 

Un à un, les parlementaires défilent ensuite au pupitre, honorant à leur tour la bravoure de ces héroïnes. Pour l’extrême gauche, Manon Aubry déclame un couplet de l’hymne du Mouvement de libération des femmes, chant féministe des années 1970. Assita Kanko (ECR, conservateurs), affirme également son soutien aux Ukrainiennes avec conviction : « Nous vous croyons et nous vous entendons. Nous allons nous battre pour chaque femme, celles d’aujourd’hui et celles de demain ».

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La première ministre estonienne, Kaja Kallas, à la tribune ce mercredi matin. Les eurodéputés l'ont applaudi de longues minutes. © European Union 2022 - Source : EP

Femmes, premières victimes

« À chaque fois qu’il y a une guerre ou une crise, ce sont les femmes qui sont les premières victimes », assure la femme de lettres Oksana Zaboujko. Hôpitaux, écoles, crèches et zones résidentielles sont la cible des attaques russes depuis le début du conflit en Ukraine. Des endroits occupés majoritairement par des femmes. S’enfuir relève donc de l’exploit, et rester sur place est invivable. « Les femmes sont les boucliers humains que Poutine essaye de briser », s’insurge l’écrivaine slave. Dans les abris, mères et nouveau-nés risquent notamment de mourir par choc septique à cause du grand manque d’hygiène. Les familles souffrent aussi de l'absence de chauffage et de nourriture. Le danger des violences sexuelles ressort également dans les discours solennels et les témoignages des Ukrainiennes. Mais pour l’instant, il est difficile pour les ONG sur place de récolter les preuves de ces crimes.

Pour Alviina Alametsä (Verts/ALE), députée membre de la commission sécurité et défense, « l’Europe a une analyse géopolitique différente. » Pour elle, comme pour la Première ministre estonienne Kaja Kallas, l’Europe de la défense ne doit pas être un clone de l’OTAN, mais une construction coordonnée particulière à l’Union qui devra « travailler main dans la main » avec l’Organisation transatlantique. Au sortir des débats, ce sont en effet des actions au niveau national qui semblent privilégiées : « nous devons nous protéger nous mêmes en accroissant de manière significative nos budgets de défense », plaide Nathalie Loiseau (Renew, libéraux). 

Un front uni, mais des divergences internes

Symbole de cette prise de conscience, l’Allemagne a annoncé le dimanche 27 février augmenter à 2% la part de son budget alloué à sa défense. Une décision emblématique qualifiée « d’inimaginable jusqu’ici » par la Première ministre estonienne Kaja Kallas, invitée d’honneur au Parlement européen.

Si les différents groupes politiques ont affiché un front uni contre la Russie, de nombreux députés appellent à une révision de l’idée de défense commune. Chaque groupe a sa vision bien spécifique de ce concept, certains allant jusqu’à le refuser complètement. Le PPE et Renew plaident pour une organisation stratégique : « Nous savons ce qui nous fait défaut », a affirmé Arnaud Danjean (PPE, centre-droit), lors du débat du mercredi 9 mars. « Ce qui a manqué, ce ne sont pas des outils, mais la volonté politique de la part de nos États membres. » Pour les Verts, l’urgence est de sortir de la dépendance face au gaz russe, à travers les énergies renouvelables. L'extrême gauche (La Gauche) plaide, à contrario, pour un désarmement, à travers l’intervention de Martin Schirdewan : « Ce n’est pas par l’armement et la violence que notre monde deviendra plus sûr ». 

Pour pouvoir s’accorder sur une politique de sécurité commune, il faut d’abord que l’UE « décide quelles sont les menaces qui pèsent sur elle », explique ​​Rasa Juknevičienė, (PPE, centre-droit), vice-présidente de la commission sécurité et défense au sein du Parlement européen. L’ancienne médecin file la métaphore médicale : « pour avoir les bons instruments afin de préserver la paix, il faut d’abord un diagnostic précis des dangers. » Aujourd’hui, il est simple : la Russie est une menace pour la famille européenne. Pour arriver à construire cette politique de défense commune et ressortir renforcés de cette crise, les États membres devront « rester unis jusqu’à la fin », résume Rasa Juknevičienė.

Emilie Autin et Isalia Stieffatre

Une défense à 27, rêve ou réalité ? 

Le déclenchement de la guerre en Ukraine a soudainement poussé l’UE à prendre des décisions historiques. 450 millions d’euros ont été débloqués dans le but d’acheter et de fournir des armes à l’Ukraine, mettant fin au « tabou voulant que l’Union ne fournisse pas d’armes à des belligérants », selon les mots de Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, lors de la session extraordinaire du 27 février.

Jusqu’alors, la protection militaire en Europe était assurée par les États-Unis, à travers l’OTAN. Aujourd’hui, la menace russe pèse sur des pays de l’Union non-membres de l’alliance nord-atlantique, tels que la Finlande et la Suède.

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Débutée le 24 février, la guerre en Ukraine a provoqué un appel d'air : la Moldavie et la Géorgie ont à leur tour soumis leur candidature d'adhésion à l'UE. ©  Alain Rolland

 

Le Parlement européen au secours des acteurs de la société civile

 

C’est avec gravité que la rapporteuse hongroise Anna Júlia Donáth a défendu son rapport lundi au Parlement européen. Dans celui-ci, elle s’inquiète de la réduction de l’espace dévolu à la société civile en Europe. Les syndicats, ONG et autres journalistes auraient selon son rapport de moins en moins de place pour exercer correctement leurs activités. Ils seraient notamment victimes de cadres législatifs oppressifs visant à réduire leur puissance d’action en les poussant à l’autocensure. Or, comme l’a souligné la députée, leur rôle est primordial dans la défense des droits fondamentaux et des démocraties européennes.

Au moment où la guerre en Ukraine laisse présager des conséquences à long terme sur sa société civile, la rapporteure Anna Júlia Donáth a souligné en ces mots la pertinence de son rapport : « Lorsque les réfugiés ukrainiens franchissent les frontières européennes, qui sont là pour les aider ? Pas des soldats, pas des politiques ou des fonctionnaires mais des gens comme vous et moi, des gens de la société civile. » Parmi les solutions envisagées, le texte souhaite garantir aux organisations la possibilité de participer à l’élaboration des lois et des politiques. Il veut aussi surveiller l’accès de ces derniers à des financements durables. Ce rapport a été voté par la majorité des députés. Didier Reynders, commissaire européen à la Justice a assuré que le « rapport alimentera les travaux de la Commission européenne ».

L’eurodéputée Fabienne Keller (Renew, libéraux), à l’initiative du petit-déjeuner, et Marie Fontanel, représentante de la France auprès du Conseil de l’Europe, écoutent attentivement le récit d’Oleksandra. © Clémence Blanche

Avec la guerre en Ukraine, l’UE est au pied du mur. L’invasion russe a fait valser toutes les convictions européennes en matière de défense. Le sujet est revenu au cœur des débats et pour une majorité de parlementaires, il est temps de s’accorder sur une politique de sécurité commune et coordonnée, face à la menace russe. 

« L’heure est venue de nous doter d’une Union de la Défense digne de ce nom ». Il y a encore quelques semaines, une telle déclaration de la part de la présidente du Parlement européen aurait été impensable. C’est pourtant ainsi que Roberta Metsola a ouvert le débat sur le nouveau rôle de l’Union européenne au cœur de la crise actuelle, ce mercredi 9 mars à Strasbourg. « Le conflit en Ukraine a fait voler en éclat le monde tel que nous le connaissons », a renchéri la présidente. Et pour cause, deux semaines après les premiers assauts russes, les débats ont été plus que jamais monopolisés par l’idée d’une politique commune de défense européenne. 

Cette année, la journée internationale des droits des femmes est marquée par l’horreur de la guerre en Ukraine. Petit-déjeuner-débat, plénière, invitées d’honneur, le Parlement européen se concentre particulièrement sur l’héroïsme et les conditions de vie des Ukrainiennes.

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