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"Toutes les écoles devraient être comme la nôtre", affirme Emmanuel Schmitt, directeur de l’école maternelle de la Meinau. Posté à l’entrée pour accueillir les enfants, il voit dans l’établissement un lieu de rencontre entre différents milieux sociaux. "C’est à l’image de notre société, c’est juste normal. Pour moi, c’est important que mon fils aille à l’école du quartier", estime Aude, maman de Colin, qui vit dans le quartier des Villas.
Voitures volées, trafic de drogue et rixes : il aurait pu "mal tourner". Sans aucune stabilité financière et familiale, il avoue avoir vendu de la drogue. "Au hasard de la vie, soit tu rencontres des pépites, soit des pépins", poursuit l’éducateur. Lui a eu la chance de rencontrer Delfim Antonio, un entraîneur de boxe qui l’a amené vers une carrière de haut niveau. Pendant une quinzaine d’années, il a combattu en coupe de France et en championnat international, notamment en Allemagne et en Italie.
"C’est ce qui m’a sauvé", confie Hamed Ouanoufi. Sa volonté est de reproduire ce schéma vertueux auprès des jeunes. "Si ça a eu cet effet sur moi, je me dis que ce sera le cas pour eux aussi. Les valeurs du sport sont structurantes pour les adolescents, c’est important de les diffuser, surtout pour ceux qui manquent de cadre", explique le boxeur. L’élu du quartier, Abdelkarim Ramdane, loue l’investissement de l’éducateur : "Si on n’avait que des acteurs aussi investis que lui, ce serait génial. Hamed arrive à attirer des jeunes que personne n’arrive à attirer." Difficile de trouver des personnes avec un avis négatif. Pour beaucoup, comme Azad, 20 ans, qui assiste au cours de boxe du Cercle Fitness du jeudi soir, "c’est une figure du quartier. Je pense que du bien de lui, c’est un très bon coach !" Une autre boxeuse complète : "C’est une personne avec des valeurs, des principes et un savoir-vivre."
Le travail d’Hamed Ouanoufi ne s’arrête pas au ring. "Tu ne peux pas rentrer chez toi le soir et déconnecter aussi facilement", confie-t-il. Il lui arrive d’appeler centres sociaux et associations d’aide à l’enfance pour "faire avancer les choses" pour les jeunes en difficulté. Il assure "toujours répondre présent". Comme cette fois où quelques adolescents du quartier l’ont appelé la nuit, alors qu’ils étaient bloqués en Allemagne. Hamed Ouanoufi est allé les chercher en voiture sans hésitation. En 2015, son investissement était moins anecdotique. La Meinau a connu un épisode important de radicalisation : de nombreux jeunes sont partis faire le jihad en Syrie. L’éducateur a tenté de raisonner ceux qu’il avait vus grandir, en vain. À leur retour, il a assisté aux procès, tentant de comprendre cet endoctrinement. Aujourd’hui, il regrette cette image qui continue de coller à la peau du quartier.
Marie Starecki et Lison Zimmer
Elle court chaque semaine sur les rives bordées de chênes, d’érables et de châtaigniers : c’est bien mieux que de transpirer sur le bitume. “L’été, je peux y aller après le travail vers 21 h. L’hiver, j’y vais plus tôt parce que je cours seule.” C’est aussi le cas d'Auriane Schmitt, une auto-entrepreneuse de 34 ans, qui parcourt les 6 km aller-retour jusqu’au Baggersee. En chemin, au niveau du parc Schulmeister, trois jeunes sont affalés sur un banc. Rap français en fond sonore, ils discutent les yeux tournés vers l’aire de jeux déserte.
Lucie Campoy et Liza Hervy-Marquer
De l’autre côté de la rue du Général-Offenstein, le Rhin Tortu continue de s’écouler, entraînant poules d’eau et ragondins. Anne Muller, une quadragénaire de Neudorf, marche d’un pas rapide. Le maximum qu’elle s’autorise avec sa grippe du jour.
Mais les promoteurs immobiliers ne sont jamais loin, à l'affût du moindre terrain constructible. Francis Fischer fait barrière. Hors de question de leur céder des ventes. "C’est le seul quartier résidentiel de Strasbourg où vous n’aurez jamais un immeuble dans votre cour", observe le connaisseur, qui s’est donné pour mission de garder les Villas dans leur jus.
Louisa Chausse-Dumont et Sylia Lefevre
Justement, ce qui leur plaît, c’est la boxe. Depuis plusieurs années, le cours du mardi soir du CSC connaît un engouement particulier. La rentrée de septembre a connu un vrai boom avec une fréquentation de 70 à 80 participants, contre une trentaine précédemment. Ils sont aujourd’hui une cinquantaine à s’entraîner régulièrement. Les filles notamment s’approprient ce sport traditionnellement plus masculin. Elles représentent la moitié des effectifs au CSC. Une hausse qui se retrouve à l’échelle nationale : selon la Fédération française de boxe, le nombre de boxeuses licenciées a doublé, passant de 8 400 à 17 000 depuis 2012. Quelques rues plus loin, Ness, la vingtaine, s’entraîne au Cercle Fitness trois soirs par semaine. Ce jeudi soir, après une série d’étirements, elle raconte que la boxe lui permet de travailler son cardio, plus que d’autres sports. "Mais quand tu es une fille, les garçons sont plus délicats avec toi. Pourtant, je leur dis : 'Tu peux y aller !'”, lance-t-elle, bravache.
Une offre financièrement accessible
La municipalité en place depuis 2020 a revalorisé l’aide aux licences sportives, passant de 50 à 80 euros. "Notre politique, c’est de permettre à tout un chacun d’avoir des activités sportives. Il ne faut pas que l’argent soit un frein pour les pratiquer", affirme l’élu du quartier Abdelkarim Ramdane. Mais cette aide n’est pas applicable au cours de boxe du CSC, car celui-ci ne nécessite pas d’être affilié à la fédération de boxe. L’inscription annuelle au CSC coûte en théorie 70 euros, mais de nombreux enfants et jeunes du quartier participent au cours sans adhésion. Hamed Ouanoufi le reconnaît, il ferme parfois les yeux : "On sait pertinemment qu’il y a des familles qui sont en difficulté au niveau financier et qui n’ont pas les moyens de payer. Tu fais la part des choses quand tu sais qu’un gamin n’a pas les sous… Tu ne vas pas le priver d’une activité." Pour la rentrée 2023, seuls trente-six ont payé leur cotisation. Un chiffre pourtant en augmentation : ils n’étaient que 16 inscrits en 2021, contre sept en 2022.
Marie Starecki et Lison Zimmer
La sauvegarde des Villas comme mot d'ordre
Avec Francis Fischer, les villas partent en moins de trois mois, et les gens le savent. Déjà en 1997, Brigitte Thiry, une retraitée du quartier, avait fait appel à lui pour acheter une maison rue du Rhin-Tortu : "En général, tout le monde passe par lui." "Dans le quartier, il y a très peu de biens qui m’échappent ! Ici, rue du Général-Offenstein, en trente ans, j’ai vendu près de 25 maisons sur les 50", s’enorgueillit le "faux retraité". Un monopole qu’il conserve depuis plus de vingt ans.