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Un entre-soi qui coûte cher

Mais ce refuge a un prix. Les villas sont généralement estimées entre 700 000 et 1 million d’euros.  Au bas de la fourchette, on trouve une maison de 250 m² en vente à 787 500 euros rue Dietterlin, au cœur du quartier des Villas. À quelques rues de là, les porte-monnaies plus larges peuvent quant à eux s’offrir une villa des années 1960 à 1 099 000 euros : onze pièces, dont sept chambres, pour une surface totale de 388 m². Sans prétendre au grand luxe, le quartier maintient tout de même un standing bourgeois.

© Fanny Lardillier et Lounès Aberkane

Place Jean-Macé, deux rangées de maisons mitoyennes s'observent. Les façades colorées et les arbres centraux lui donnent un air de "place de village". Le coin est silencieux. Deux stations de tram – Lycée-Couffignal au nord et Emile-Mathis au sud,  sur les lignes A et E – et quatre arrêts de bus entourent la zone résidentielle, sans jamais la traverser. "Un refuge", résume un agent immobilier de la société Espaces atypiques.

"La bidirectionnelle, c’est chouette, mais si elle n’existe que d’un côté, c’est pas forcément pratique. Il y a un véritable enjeu de traversée", précise Somhack Limphakdy.

Pour prévenir les conflits entre usagers aux carrefours, l’association Strasbourg à vélo réclame deux pistes unidirectionnelles, une dans chaque sens de circulation. "L’objectif n’est pas de punir les automobilistes mais de permettre aux personnes les plus exposées de pouvoir traverser un carrefour en toute sécurité", complète Ronald Baillot, un autre membre du collectif.

La suppression totale des places de parking côté est pose aussi question. "Il risque d’y avoir des véhicules qui se garent sur la piste", s’inquiète le détenteur du compte J’trace à Stras. Le danger serait de passer à côté de l’objectif visé. "Il faut vraiment, à mon sens, favoriser les usagers les plus exposés. La vie importe plus que nos contraintes respectives", avance Ronald Baillot.

Élodie Niclass et Léa Oudoire

À la Meinau, le quartier des Villas fait figure d’exception. Dans ce petit havre de paix de 0,5 km², les bâtisses sont cossues, spacieuses, avec jardin particulier et garage. Rien à voir avec les immeubles modernes de l’avenue de Colmar, qui borde l’est du quartier. Encore moins avec les barres de la cité de la Canardière, au sud. Ici, les habitants profitent de l’atmosphère "paisible", "sereine", un peu "vide" aussi, des Villas. Pierre Eber, un anesthésiste de 58 ans, y promène quotidiennement son chien Tokyo, qui s’amuse dans les hautes herbes. "L’avantage, c’est qu’on est en ville sans y être", explique Brigitte Thiry, une retraitée de la rue du Rhin-Tortu. Presque un bout de campagne en plein Strasbourg.

Aux alentours de 18 h, un autre groupe prend possession du parc à peine éclairé et entame sa balade quotidienne. Une dizaine de personnes, en baskets et parka, se saluent et détachent leur animal. Les chiens se défoulent, s'ébrouent, reviennent vers leur maître avant de courir chercher leur jouet. Les colliers bleus, jaunes et orange s’éclairent dans la pénombre.

Le chien-chien quotidien

Pipo, un braque français de 5 ans, renifle les chaussures de son propriétaire Jean-Claude Drzewinski. "Vu mon âge, c’est lui qui me promène. Il faut me faire sortir du canapé", sourit le retraité de 78 ans qui habite le quartier Villas depuis les années 1970.

Pensée pour le Racing et les événements animés par l’Eurométropole et la Ville, la future fanzone de la Meinau interroge les riverains. Le projet, jugé envahissant, pourrait menacer leur tranquillité.

En Alsace, c’est le chantier de la décennie. Un projet à 160 millions d’euros alors qu’il devait en coûter 100, passé successivement entre les mains de deux équipes municipales depuis 2019. Le stade de la Meinau, antre du Racing club de Strasbourg Alsace (RCSA), va être entièrement restructuré d’ici 2026. À terme, ses tribunes accueilleront jusqu’à 32 000 personnes, soit 5000 de plus qu’à ce jour. Plus globalement, ce sont tous les abords de l’enceinte qui vont être repensés. Au cœur de ce chamboulement : une fanzone d’une capacité de 6000 personnes. Cet espace verdoyant et festif bordera l’entrée ouest du stade. Pour le club et les collectivités, un outil formidable ; pour les riverains, une utilité discutable.

En 1994, ces derniers s'approprient notamment un espace derrière l’actuelle maison des projets, qu’ils nomment "le Carré", pour se retrouver. L’endroit devient un lieu de deal connu de tous, entraînant "un sentiment de toute-puissance" chez les jeunes et "un repli généralisé des adultes chez eux". Rudi Wagner et d’autres figures du quartier interviennent alors pour renouer le lien avec eux, en parlant autour de barbecues et de moments festifs auxquels les autres habitants sont invités. Il se rappelle également avoir organisé des rencontres entre policiers îlotiers et jeunes de la cité afin de désamorcer les tensions dans les années 1990 : "Les policiers connaissaient les jeunes." Ce n’est plus le cas depuis la suppression de la police de proximité en 2003 et le réaménagement du commissariat de la Canardière en espace de stockage.

Ses yeux s’embuent au moment d’évoquer Bilal, un enfant de 4 ans mort en 2002 en tombant dans une cage d’ascenseur mal entretenue. "Le quartier aurait pu exploser", s’émeut-il. L’absence de réaction de la maire Fabienne Keller avait exacerbé le sentiment de délaissement des habitants. Poussée par les associations, cette dernière avait fini par présenter ses condoléances à la famille, juste avant l’enterrement du petit garçon.

Toujours actif à la Canardière, Rudi Wagner cherche aujourd’hui à transmettre la mémoire du quartier en écrivant des livres sur l’histoire de la Meinau.

Yves Poulain et Heïdi Soupault

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L'atelier de sensibilisation aux fuites de gaz expliqué par l'ingénieur Julien Frey, sur la plateforme R-Hyfie. © F. L.

Niché entre le stade du Racing club de Strasbourg et la route de la Meinau, le petit quartier des Villas attise les convoitises des agents immobiliers. Un îlot de calme où les familles espèrent trouver la maison idéale, proche du centre, mais isolée du tumulte de la ville. Ce privilège a un coût.

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