Vous êtes ici

Le module est validé, il peut être inséré dans un article pour être consulté par les internautes.

Eric Toussaint, du Comité d'annulation de la dette du tiers monde (CADTM), en Belgique. (©CADTM)

 

 

 

 

Bâle I, Bâle II, Bâle 2,5, Bâle III, cette valse de recommandations ressemble à une course sans fin. Une course entre un système financier innovant sans cesse pour que l'argent produise encore plus d'argent et un régulateur cherchant à juguler les risques que ces inventions font courir à l'économie réelle. Nous avons demandé à deux observateurs de ce monde de la finance de nous livrer leurs sentiments sur cette spirale. Nicolas Boisvilliers est consultant en services financiers, et Michel Aglietta, professeur de sciences économiques à Paris X, consultant pour Groupama et conseiller scientifique au CEPII (Centre d'Études Prospectives et d'Informations Internationales).

« La régulation a toujours été un jeu de chat et de souris », explique Michel Aglietta. Dans les années 1980, les banques prenaient des risques sur les marchés financiers sans commune mesure avec le capital dont elles disposaient. Elles s'exposaient à des pertes insurmontables. Les recommandations de Bâle I ont donc imposé un taux de fonds propres proportionnel à l'argent qu'elles avaient sorti de leurs caisses. « Bâle I s'attachait purement aux risques liés au crédit. Il s'agissait de limiter cette délivrance de crédit par rapport aux fonds propres des banques sans prendre en compte la qualité de l'emprunteur», explique Nicolas Boisvilliers.

Mais les banques pouvaient respecter le ratio de 8% imposé par Bâle I tout en prenant des positions très risquées sur les marchés. Suivra donc Bâle II qui prend en compte ces risques. Puis Bâle III qui oblige la détention d'actifs de qualité pour éviter un manque de liquidité en cas d'urgence. Rien n'y fait, plus l'étau se resserre, plus les acteurs financiers prennent des chemins de traverses, comme le dénoncent Nicolas Boisvilliers puis Michel Aglietta.

Pour une régulation bancaire, trois institutions clés

Le siège du comité de Bâle, en Suisse.

1 an et demi de présence

2 mai 2010 : Les pays de la zone euro et le Fonds monétaire international (FMI) s’accordent sur un prêt de 110 milliards d’euros sur trois ans pour la Grèce. Le FMI s'engage à hauteur de 30 milliards d'euros.

28 novembre 2010 : Le FMI s'engage à participer au plan de sauvetage de l'Irlande à hauteur de 22,5 milliards d'euros sur un total de 85 milliards.

3 mai 2011 : Il s'engage à participer au plan de sauvetage du Portugal à hauteur de 26 milliards d'euros sur un montant total de 78milliards.

21 juillet 2011 : Christine Lagarde, directrice générale du FMI, participe pour la première fois au sommet des chefs d'État et de gouvernement de la zone euro. Elle participera par la suite aux sommets européens des 23 et 26 octobre, puis au sommet du 9 décembre.

3 novembre 2011 : Elle prend part à toutes les réunions du «groupe de Francfort», devenu public au G20 de Cannes. 

4 novembre 2011 : José Manuel Barroso annonce que l'Italie, troisième économie de la zone euro, sera mise sous surveillance du FMI, à la demande du gouvernement italien.

25 novembre 2011 : Les chefs de la diplomatie de l'Allemagne, des Pays-Bas et de la Finlande se déclarent favorables à un rôle «renforcé» du Fonds monétaire international (FMI) dans la crise européenne de la dette.

30 novembre 2011 : Le FMI se dit prêt à soutenir l'Italie, à condition que la Banque centrale européenne participe à l'effort.

9 décembre 2011 : Les dirigeants européens annonce la conclusion de prêts bilatéraux au Fonds monétaire international, d'un montant cumulé de 200 milliards d'euros.

J.T. / B.L.

FSB : Financial Stability Board ou conseil de stabilité financière

        Pourquoi le créer ?

  • Le G20 de Londres établit le Financial stability board (Conseil de stabilité financière) le 2 avril 2009. Il succède au Financial stability forum (FSF), organe informel établi en 1999 par le G7 en réaction à la crise asiatique de 1997. En novembre 2011, le G20 veut un FSB renforcé, qui puisse « coordonner et contrôler le programme de régulation financière ». Il est proposé de le renommer Organisation mondiale de la finance. Le FSB est en passe de devenir une institution internationale.

        Quel est son rôle
        dans la régulation financière ?

  • Il identifie les faiblesses du système financier mondial et propose des mesures pour y remédier. Il vise toutes les sphères de la finance, à l’inverse du Comité de contrôle bancaire de Bâle, dédié aux banques.
  • Les pays membres du FSB s'engagent à soumettre leur secteur financier à des examens « par leurs pairs » et à adopter des normes internationales. L'institution n'a pas de pouvoir contraignant.
  • Il sert de forum aux Etats, organisations internationales et associations concernées par la stabilité financière.

        Quelles actions ?

  • Il effectue également avec le FMI des exercices d'alertes précoces pour identifier les risques sur la stabilité financière.
  • Le rapport du FSB du 4 novembre 2011 détaille l'avancée des mesures mises en place pour la stabilisation financière dans chacun de ses 24 pays membres.

        Quels sont ses acteurs ?

  • Mick Carney, actuel gouverneur de la Banque centrale canadienne en est le président.
  • 24 pays sont membres et sont représentés par des autorités nationales responsables pour la stabilité financière (ministères des Finances, Banques centrales et/ou autorités de contrôle des marchés).
  • Les associations qui éditent codes et standards, comme le Comité de contrôle bancaire de Bâle ou encore le Comité sur le système financier mondial, y siègent.
  • Des organisations internationales en sont aussi membres : BRI (Banque des règlements internationaux), FMI, Banque mondiale, OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), BCE.

       Catherine Deunf et Fabien Piégay à Bâle

 

Le Comité de contrôle bancaire de Bâle
 

        Pourquoi le créer ?

  • Le 26 juin 1974, la banque allemande Herstatt dépose le bilan. Cet événement national a des répercussions sur la scène internationale, et entraîne la paralysie du marché de change américain. Elle rend visible le risque d'une crise systémique et la nécessité d'une surveillance du monde bancaire au niveau international.

        Quel est son rôle
        dans la régulation financière ?

  • Le Comité de Bâle a pour objectifs d'harmoniser la supervision bancaire internationale et de contrôler tous les établissements bancaires.
  • Il publie des normes pour le système bancaire au niveau mondial. Ces normes ne disposent d'aucune force contraignante mais sont généralement traduites en droit national ou communautaire.

        Quelles actions ?

  • Le Comité de Bâle veille principalement à la mise en place des Accords de Bâle I (1988), Bâle II (2004) et Bâle III (2010).
  • Chacun de ces accords incite les banques à augmenter leurs fonds propres en fonction de leurs actifs. La prise en compte des risques pris sur le marché est montée en puissance entre le premier et le troisième accord.
  • Le Comité se réunit en moyenne quatre fois par an dans les locaux de la Banque des règlements internationaux où il a son siège.

       Quels sont ses acteurs ?

  • L'actuel président du Comité de Bâle est Stefan Ingves, gouverneur de la « Sveriges Riksbank », la Banque centrale suédoise.
  • L’actuel secrétaire général est Wayne Byres.
  • Le Comité compte 27 pays depuis 2009.
  • Les États y sont représentés par leur Banque centrale et leur autorité de contrôle prudentiel.
  • 17 superviseurs y travaillent en permanence, ils sont détachés d'institutions membres.

Christine Lagarde, directrice générale du FMI, participe aux réunion du groupe de Francfort (DR/World Economic Forum)

C'était à Zografou, faubourg d'Athènes, fin 2011. Des fonctionnaires municipaux amènent des sacs de paperasse à un groupe d'habitants. La paperasse ? Des contrats d'endettement de la mairie. Le groupe ? Un comité d'audit de la dette grecque. Leur objectif ? Analyser les emprunts de leur ville, et selon leurs critères, trier ce qu'il est légitime de rembourser, de ce qui ne l'est pas.

L' idée vient du Comité d'annulation de la dette du tiers monde (CADTM), qui a vu le jour en Belgique en mars 1990. Mais ses germes remontent aux années 80. La Belgique est alors très endettée, les bourgmestres licencient les fonctionnaires à tour de bras. Eric Toussaint, principal dirigeant du CADTM, se souvient : « A Liège, ces licenciements se sont heurtés à la contestation syndicale. C'est là que j'ai commencé à me spécialiser dans l'étude des causes de la dette ». En 1989, François Mitterrand convoque le G7 à Paris. 60 000 personnes protestent alors dans la rue, dans le cadre de la campagne « Ça suffat comme ci », répondant à l'Appel de la Bastille pour l'abolition de la dette du tiers monde. Enthousiastes, Eric Toussaint et ses camarades décident de fonder le CADTM, afin de fédérer tous les mouvements belges de solidarité avec les luttes au Nicaragua, au Salvador, ou avec le mouvement des sans-terre brésiliens, des pays très touchés par la hausse des taux d'intérêts américains.


Séparer le bon grain de l'ivraie

Pour le CADTM, il y a la bonne dette : santé, éducation, social et la dette odieuse. « Les Etats la contractent en faisant des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises et aux ménages les plus riches d'abord. Ensuite, pour combler ce manque, l'État s'endette auprès de ceux-là même à qui il a fait des cadeaux », explique Eric Toussaint. Ce message, il l'a longtemps prêché dans le désert européen.
Le CADTM produit du matériel d'analyse et de mobilisation sur cette question et essaime. Des comités se créent au Maghreb, à Haïti et au Proche Orient, puis au Togo, au Bénin, au Sénégal et en Inde. En 2008, trente CADTM nationaux fonctionnent, dont seulement quatre au nord. La même année, des Grecs se rapprochent de l'organisation. « Ils pensaient qu'il allait être très difficile de parler de la dette dans un pays épargné par ce problème. Six mois plus tard, c'était devenu une préoccupation quotidienne, massive. »
Aujourd'hui, c'est un peu la revanche d'Eric Toussaint et des siens : la dette est au cœur des préoccupations européennes, validant les thèses qu'il s'échinait à répandre. Désormais, c'est dans le vieux continent qu'il voyage, invité de tous les rassemblements militants, en mal d'explications. Fort de son expertise en la matière, il propose sa solution : construire, dans chaque ville, des comités citoyens d'audit de la dette, pour l'analyser, séparer le bon grain de l'ivraie, et mobiliser pour refuser de payer la crise. Et son travail commence à produire ses fruits : en France, en Espagne et au Portugal, des comités apparaissent et organisent des meetings. Et ce sont des jeunes qui reprennent le flambeau : la secrétaire générale actuelle du CADTM, Myriam Bourgy, a seulement 27 ans.

Elsa Sabado

 

 

Article précédent                                   Article suivant

 

Pages