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Gilles Lejeune, manager d'actifs et analyste de taux d'intérêts chez Dexia, decrypte le mécanisme du FESF et ses faiblesses.
Wall street, le 6 mai 2010. En l'espace de quelques minutes, le Dow Jones, principal indice boursier de la Bourse de New-York, plonge de plus de 9% avant de remonter. Un événement particulièrement inhabituel sur les marchés. Le responsable de ce « flash krach » ? Le trading à haute fréquence (THF).
Technologie surpuissante permettant d'agir plus vite sur les marchés, le trading à haute fréquence s'est considérablement développé ces dernières années. L'Autorité française des marchés financiers (AMF), estime qu'il représente aujourd'hui entre 30 et 40 % des transactions effectuées en Europe et entre 50 et 60 % de celles effectuées aux Etats-Unis. La technologie THF est réservée aux grands investisseurs, car son coût est très important. En France, seuls les grandes banques comme la BNP Paribas ou la Société générale peuvent se la procurer. Pratique autorisée, les régulateurs ne sont pour l'instant pas en capacité de le contrôler.
Le trading à haute fréquence, c'est l'utilisation d'ordinateurs très performants pour envoyer des millions d'ordres de bourse à une vitesse phénoménale. Les émissions d'ordres et les transactions sont automatisés. Une transaction peut ainsi être réalisée en moins de 500 microsecondes.
Des algorithmes sont utilisés pour calculer très rapidement les avantages et les risques d'une opération. Les détenteurs de ces technologies peuvent donc prendre l'avantage sur les autres, plus lents, et jouer sur les écarts de cours entre les différentes plateformes de négociations. Dans un monde où la vitesse de l'information est un avantage considérable, le trading à haute fréquence permet à ceux qui le pratiquent de gagner des sommes très importantes.
Les critiques à l'égard du THF sont nombreuses, voici les principales :
Pour l'AMF, il n'est pas question d'interdire le trading à haute fréquence mais de le réguler. Le gendarme de la bourse a mis en place une unité de spécialistes dédiés au sein du service de la surveillance des marchés pour suivre le THF. Seulement, il n'a pas les moyens d'investir dans les technologies nécessaires pour le surveiller en temps réel. L'AMF propose donc un encadrement en réglementant le temps entre l'émission et l'exécution des ordres, les transactions qui profitent des écarts de cours et en taxant d'avantage les acteurs qui émettent et annulent massivement des ordres.
Des réglementations qui ne seront efficaces que si elles sont appliquées à plus grande échelle. L'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) doit publier ses recommandations sur le THF en Janvier 2012.
Clothilde Hazard et Brice Lambert à Paris
C'est dans un immeuble gris sans faste, en périphérie de Luxembourg que le Fonds européen de stabilité financière (FESF) a ses appartements. Un logo discret sur une boîte aux lettres permet de repérer la société de droit privé luxembourgeois chargée de sauver la zone euro. Le FESF partage l'immeuble avec la Banque et caisse d'épargne du Luxembourg, un cabinet d'investissement immobilier et une entreprise de financement agricole. Le fonds occupe le deuxième étage : 400 mètres carrés loués à la Banque européenne d'investissement. Dans les couloirs, on est loin de la ferveur des salles de marché. Les bureaux ont portes closes.
Pour l'instant, l'équipe du FESF n'occupe que deux tiers du plateau. «C'est une institution plutôt petite si on la compare à des banques ou des fonds d'investissements, surtout au regard de la mission qui nous a été confiée», admet Kalin Anev, secrétaire général. En réalité l'équipe du Fonds n'agit pas seule.
Pour emprunter sur les marchés, il fait appel à la Finanzagentur, l'agence de la dette allemande, ainsi qu'à la Banque européenne d'investissement. Ces deux institutions financières jouent le rôle d'intermédiaires. Elles appuient le FESF d'un point de vue administratif (ordre de paiement, vérification des opérations et comptabilisation...) et stratégique (analyse du marché). Le Fonds européen fait également appel à des banques privées (BNP, Société Générale, HSBC,etc.). A l'instar des spécialistes en valeur du Trésor, elles doivent s'assurer, en sollicitant leur clients, que les émissions sont complètement souscrites.
«Nous sommes prêts»
En ce moment, les investisseurs ne manquent pas. Le FESF vient de lever 1,9 milliards d'euros d'obligations à trois mois avec un taux d'intérêt de 0,2%. Les demandes ont été trois fois plus élevées que le montant prévu. Jusqu'ici le FESF n'avait réalisé que des émissions à long terme. Entre janvier 2010 et novembre 2011, il a levé seize milliards d'euros pour en prêter une moitié à l'Irlande et l'autre au Portugal.
Dès fin décembre, le Fonds devrait aussi être en mesure d'intervenir sur le marché primaire, au moment des émissions, en assurant les investisseurs qui achètent de la dette des Etats en difficulté. De nouvelles responsabilités auxquelles la structure s'est préparée : « Nous sommes actuellement à la fin d'une phase de construction. La stratégie est fixée. Avant janvier 2012 nous embaucherons cinq personnes supplémentaires. Seuls quelques petits détails techniques restent à régler. Mais nous sommes prêts », affirme Kalin Anev.
Dès le mois de janvier, l'organisation pourra également intervenir sur le marché secondaire pour y racheter des bons du Trésor en circulation.
Changement de casquette
Le FESF nouvelle version n'est pas encore tout à fait opérationnel mais doit déjà anticiper de nouveaux chamboulements. Il sera définitivement remplacé en juin 2013 par le Mécanisme européen de stabilité financière (MES). « Le FESF est une société anonyme de droit luxembourgeois qui appartient aux 17 Trésors de la zone euro. C'est un concept étrange qu'un Etat puisse posséder une société qui aide d'autres Etats. Le changement de statut aura beaucoup d'avantages. Le MES sera régi par le droit international, qui lui donnera une immunité et certains privilèges. Il correspondra mieux à nos activités et aux attentes des investisseurs. » A partir de juillet 2012, date de la création du MES, les deux entités cohabiteront dans les mêmes locaux. Les employés du FESF auront encore quelques mois pour changer de casquette.
Valentine Joubin et Arthur de Laborde-Noguez À luxembourg
Règle d'or en France ou Schuldenbremse (frein à l'endettement) en Allemagne, quelle que soit sa déclinaison, le thème d'une règle de discipine budgétaire inscrite au « niveau constitutionnel ou équivalent » dans les pays de la zone euro a été maintes fois évoquée cette année.
A l'issue du Conseil européen des 8 et 9 décembre à Bruxelles, les chefs d'Etat ou de gouvernement de la zone euro ont réglé la question : ils se sont engagés pour de nouvelles contraintes budgétaires communes, une règle d'or au niveau de l'eurozone. Les principes fondamentaux de ce nouveau pacte budgétaire, qui impliquent des réformes de fond, ont été définis.
Les budgets des administrations publiques de chaque Etat devront être « à l'équilibre ou en excédent ». Les chefs de gouvernement ou d'Etats considèrent que ce principe est respecté si le « déficit structurel annuel n'excède pas 0,5% du PIB » de chaque pays. Concrètement, les parlements nationaux devront proposer un budget avec un déficit inférieur à 0,5% avant de le voter. Ce qui est loin d'être le cas. L'augmentation de la dette des pays de la zone euro en est d'ailleurs la conséquence.
Ce nouveau pacte budgétaire de la zone euro fera l'objet d'une directive de la Commission européenne. La directive devra ensuite être transposée au niveau national. En cas de litige sur cette transposition, chaque État partie à l'accord intergouvernemental pourra saisir la Cour européenne de justice, basée au Luxembourg, dont le jugement sera contraignant. Ce qui pourait avoir la conséquence étonnante que la Cour de justice puisse demander à un Etat membre de reviser sa constitution... De leur côté, les cours nationales devront en surveiller l'application. En France vraisemblablement, ce sera le Conseil constitutionnel qui aura la charge de cette vérification, comme pour toute question constitutionnelle.
S'il y a des écarts, la déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro publiée le 9 décembre prévoit qu'une « correction automatique sera déclenchée ». Les modalités de cette correction devront donc avoir été prévues à l'avance. Cet ajustement des budgets sera réalisé par les autorités nationales.
En 2010, le déficit de la France était de 7,1% du PIB. D'après les prévisions du gouvernement, il sera ramené à 5,7 % en 2011 à 110 milliards d'euros. La loi des finances pour 2012 devrait prévoir un déficit public de 4,5 % en 2012, donc une économie de 22 milliards d'euros.
On est encore loin du 0,5% qui doit être atteint et qui représente une centaine de milliards d'économies supplémentaires par rapport à 2011. Pour parvenir progressivement à un budget aussi serré, les Etats membres suivront un « calendrier proposé par la Commission ». Dans un premier temps, il faut que les pays règlent leur dette et recollent aux critères de Maastricht. Actuellement, 23 pays de l'UE sur les 27 sont engagés dans une telle procédure. La Commission et le Conseil européen surveilleront « la mise en œuvre du programme et les plans budgétaires annuels ».
A Maastricht, en 1997, les pays de l'Union européenne avaient signé le Pacte de stabilité et de croissance, qui les engageaient à limiter le déficit public annuel à 3% du PIB et la dette publique à 60% du PIB. Ces engagements n'ont pas empêché les Etats de l'UE d'engranger des déficits et des dettes importantes. Dans sa loi de frein à l'endettement, l'Allemagne prévoit d'ailleurs qu'en cas de « situation d'urgence exceptionnelle qui échappe au contrôle de l'Etat et compromette les finances publiques » la loi peut être outrepassée « sur décision de la majorité des membres du Bundestag », le Parlement allemand. La règle d'or adoptée par l'Espagne cette année possède le même type de dérogation.
Il faudra maintenant attendre de voir à quel point cette règle d'or de la zone euro est contraignante et si elle empêchera réellement les pays de s'endetter.
Jeanne Richard